Esméralda fracturée
Il faisait encore presque nuit en ce matin d’hiver, malgré l’heure avancée. 9H30. C’était l’heure de son café au zinc de la rue du Faubourg Saint-Martin, à l’angle de la rue du château d’eau. Paris Xème. Gris uniforme sur toute la capitale, un vent froid par rafales. C’était un temps à neige. A travers les vitres du café, il regardait la rue, les voitures, les camions de livraison, les passants couleur de mur et les pigeons qui se tenaient serrés au rebord des gouttières. La petite tasse de faïence lui brûlait un peu les lèvres tandis qu’il aspirait son expresso serré. Le ticket, déchiré sur la soucoupe, témoignait qu’il avait déjà payé.
Il reposa la tasse sur le laiton du comptoir, entre l’inévitable sucrier en fer blanc – rond comme un ballon, et un cendrier déjà bien gavé de mégots. A l’autre bout du zinc, un vieillard alcoolo tout vibrant de tremblotte tétinait à deux mains son tout premier blanc sec. Au fond du bar, assis à une table entre le juke-box et la porte de service, un t…