ce matin au réveil
j'ai capturé un mot
un mot de tous les jours
passant là par hasard
je l'ai embastillé
gardé par-devers moi
avant qu'il ne s'évade
avec quelques complices
sur un bout de papier
*****
mes poèmes
sont de peu de mots
à peine
quelques pierres
posées là
tel un gué
dans le lit de la vie
*****
être l'ami des mots
un dompteur sans fouet
les voir naître d'un rêve
les recueillir fragiles
dans l'asile complice
d'une plume à l’écoute
*****
j'ai écrit sur les murs
quelques mots improbables
effacés oubliés
ils me manquent
aujourd'hui
*****
les mots sont ce qu'ils sont
et ce qu'ils ne sont pas
souvent aveugles
ils naviguent sans but
caboteurs heureux
portés par la houle des foules
*****
dit ou tu
chaque mot trimbale
ses silences
dits ou tus
si capricieux
sont les mots
*****
manuscrits
quelques mots griffonnés
déposés
sur un bout de papier
raturés
torturés négligés
rejetés
déchirés balayés
à présent
seul l'oubli les conserve
à jamais
dans ses plis et replis
*****
parfois
pour ne rien dire
parlent mes mots
ivres d'eux
ils titubent
s’égarent en chemin
avant de succomber noyés
dans un silence honteux
*****
que racontent les mots
quand ils ne rêvent pas
prisonniers du passé
prisonniers de demain
ils s'en vont dos courbé
ils s'en vont tête basse
reviendront-ils un jour
*****
Jean Luc Werpin
Extrait de Testament des Mots