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Ce texte participe à l'activité : Oups

Quelle déveine sur ce coup-là !

J’habitais à l’époque sur mon lieu de travail, avec un logement au premier étage d’une aile du château, une ancienne noble demeure transformée en établissement d’enseignement, avec une vaste terrasse ouverte sur le Vercors et également accessible directement depuis le parc.

À l’occasion d’une semaine de vacances estudiantines, je fus « coincé » là, parce que je devais attendre le lundi midi qu’un groupe arrive. Il avait loué les lieux pour je ne sais plus trop quoi. Il me fallait leur remettre les clés, et être disponible pour répondre à divers de leurs besoins.

Ce temps d’attente était pour moi une épreuve, car ordinairement j’aurais été en rando en pleine montagne, en telle occasion. Ennui monstre, donc, à ne plus savoir quelle heure il était et comment passait le temps, ni comment le passer.

Bref ! Ce jour-là, il faisait un soleil magnifique.

Je m’emmerdais à crever.

Je ne voulais pas m’enfermer.

Je décidais subitement de faire ce que je n’avais jamais fait jusqu’à ce jour…

Lézarder !

Pour voir.

Pour savoir… au cas très improbable où cela pouvait me plaire.

Sur une chaise longue.

Au soleil.

Sur la terrasse.

Et à poil, s’il vous plaît.

Rien de moins !

De l’inédit, du très inédit.

Ce qui aurait pu faire mourir de rire quiconque me connaissait à l'époque, tant « lézarder » et « à poil » sont aux antipodes de ce que j’étais alors, à 25 ans.

Mais bon… soyons fou.

Je l’ai fait.

Jusqu’à presque m’endormir.

Résultat, toute grive ou bergeronnette, toute vêtue en habit de plumes, volant par-là ce dimanche-là, avait tout loisir de me mater à satiété et en intégralité. Ou de s’interloquer.

 

Sauf que, soudainement, ce ne furent pas des gazouillis d’oiseau qui me firent sursauter dans cette tenue minimaliste, mais des gloussements étouffés de dindes ! Deux dindes !

Alors moi, tous yeux grands ouverts, toutes oreilles tendues, je fus comme un con à me demander dans quelle basse-cour je m’étais foutu. Pourtant, pas le moindre vol de dindes dans le ciel. Évidemment, et assez logique en même temps !

Doublement con, je cherchais à comprendre, sans bouger, où dindes pouvaient se cacher, au lieu de m’offrir un brin de décence et une « sortie de secours » potentielle en enfilant le slip que j’avais laissé inhabité et orphelin pour l’occasion. Qui devait, en plus, s’impatienter de retrouver ses fonctions, quelque part par là.

GROSSE ERREUR !

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GROSSE STUPEUR… Deux paires d’yeux sous deux touffes de poils capillaires étaient là, bien réelles, face à moi, émergeant au-dessus du sol de la terrasse, dans l’escalier extérieur.

OUPS !

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(Pour imaginer pleinement la scène, il faut comprendre que mes pieds, au bout de mes jambes banalement écartées, n’étaient qu’à une trentaine de centimètres de la rambarde, donc à une cinquantaine de centimètres de ces yeux inconnus. Ajoutez que mon orientation corporelle collait à la perfection avec l’axe desdits yeux, enfin… des quatre en tout cas, et vous aurez l’image !)

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OUPS ! Donc.

Immense moment de solitude.

Si, si !

En telle circonstance, ce n’est plus d’un trou de souris dont j’avais besoin pour disparaitre, car même un trou de vers dans le bois du transat m’aurait suffi.

Sauf qu’en l’absence de toute souris et de tout vers du bois, le seul trou immédiatement disponible et à ma portée, bien que plus vaste que ceux-ci-avant évoqués, était bien trop mal placé pour que je puisse imaginer m’y auto-engouffrer !

Et merde !

Cette infinie seconde d’errance dans le désert de mon désarroi me souda, ridicule, dans cette position vraiment très… très offerte. À l’évidence aussi très… très inespérée pour les deux dindes ; puisqu’elles n’eurent pas même l’obligeance de descendre de deux marches pour m’aider à résoudre le problème en me laissant seul quelques secondes.

Que faire ? Dire « bonjour » ? Évidemment non, car j’imaginais que pour ces dames le jour ne pouvait pas être plus « bon » et délectable qu’en cet instant.

Attendre que des voix s’échappent de leurs yeux ? À voir l’état de statufication de ces derniers, littéralement pétrifiés en gourmandise, je risquais fort d’attendre longtemps.

Cruel duel sans issu puisque chaque camp campait (si, si !) sur ses positions, tétanisé d’un côté, hypnotisé de l’autre.

Une deuxième seconde s’annonçait déjà, prête à s’écouler aussi lentement. Le temps du neurone lascif et mollement alanguit sur sa méridienne devait immédiatement cesser, et tout de moi lui ordonna d’un coup de claironner la mobilisation générale.

Branle-bas de combat ?

Euh… non !

Mieux valait éviter un certain vocable douteux en ces instants, pour ne pas éveiller la fougue habituellement très expressive du jeune corps que j’habitais.

Du coup, urgemment, je me criai intérieurement « TOUS À VOS POSTES ».

Du coup encore, confronté subitement à la puissante vague de submersion neuronale qui en résultat, un vent de panique se mit à tempêter dans mon esprit.

Quel bordel ?

Même pas !

En tout cas que très brièvement, car à ma grande surprise, je découvris que les labyrinthiques circonvolutions de mon cerveau, aussi immenses que le dédale de Minos, pouvaient organiser subitement tout cela avec efficacité, grâce à quelque Minotaure droit sorti de mes nombreuses terra incognita.

Alors, magie du cerveau oblige, une première réflexion m’arrivait enfin, avec une vraie question d’ordre quasi vital pour mon reste de dignité. Comment me sortir de cette p***** de chaise longue sans écarter grand les cuisses en vue de poser un pied de chaque côté ? En vue ! En vue ! Justement, là était le problème d’offrir une vue panoramique sur mon ultime reste d’intimité.

Je voyais bien que les deux paires d’yeux étaient oculairement soudées à l’instant fatale de cette offrande totale.

Vicieusement conditionnés par leur maître cervical, en attente d’exploration de mes zones périnéales, ces yeux imploraient avec insistance un s’il te plaît, et ça frisait déjà la syncope.

Ça se voyait.

Je m’y opposai donc fermement.

Non et NON !

Ma scène, ma terrasse, ne serait pas une sorte de cirque de l’érotisme facile.

Il n’y en aurait pas plus que tout ce qui était déjà offert, surtout aussi gratuitement, et tout cela devait se terminer, même si la vie est souvent une affaire de compromis et petits faux-semblants.

Maintenant moins désordonnée, ma puissance neuronale me faisait comprendre qu’un cerveau est une Silicon Valley dont on ne connait trop généralement que le Golden Gate qui la surplombe de loin ; et qu’il faut donc l’explorer avec finesse pour user de tous les génies qui l’habitent. Bien que le mien m’ait semblé être plus justement une Vallée des Rois par la richesse de ses possibles, nécessitant bien plus qu’une balade touristique pour en fouiller chambres et sarcophages et y exhumer des trésors enfouis.

Je me fis donc autoarchéologue, puisque nécessairement une solution devait être là, parmi les souvenirs accumulés, dans quelque tombe ensablée de ma mémoire.

Imaginez le stupéfiant et salvateur soulagement quand, d’un coup, surgit en mon esprit la Diane chasseresse, chevauchant en amazone, non un transat, mais une blanche monture !

D’où venait-elle ?

Où l’avais-je rencontrée ?

Dans quel cinéma ?

Qu’importe !

En la regardant descendre franchement, mais très pudiquement sa monture, je me mis instinctivement à la mimer. Deux jambes se sont serrées, les miennes, engainant/masquant fermement les divers accessoires médians. Elles pivotèrent, sans s’élever, donc très pudiquement, sur un côté du transat.

Il ne me suffisait plus dès lors que de me lever !

Simple, non ?

Tant pis les filles, pour le périnée et au-delà… c’est raté.

Dès lors, je n’avais plus à faire ma timorée, mon pudibond ou que sais-je. Foutu pour foutu, je me redressais, face aux yeux, en ajoutant de la distance, quand même. Toujours muet, toutefois.

Cette nouvelle seconde, celle du moment, fut évidemment marquée d’un immense soupir de déception. Déjà ! C’est déjà fini ?

Ben oui, les filles !

Très couillon quand même, j’affichais un vrai faux sourire désinvolte. Faute de voir dans les parages ce satané sous-vêtement, je m’apprêtais à pivoter virilement sur les talons, tout en feignant de croire que le frottement du béton mal lissé sur la peau est une douce caresse, pour m’engouffrer CHEZ moi et me vêtir.

SAUF !

Sauf qu’une main et une voix, toutes deux de la même dinde, me furent adressées, l’une tendant… un slip, l’autre lâchant un « c’est sans doute à vous, il était dans les marches ! », sur un ton mièvre, pincé et narquois à souhait, du genre qu’on a envie de gueuler « mais merde après tout. Pourquoi tant de haine ? »

Pour ne pas tomber KO sous cet uppercut qui se voulait fatal, il me fallait un retour de très haute volée.

Alors… avec un naturel que je ne m’imaginais pas en telle circonstance (et pour cause, puisque la circonstance même ne me pouvait être imaginable donc imaginée), j’ai très virilement pris le slip qui m’était tendu.

Sans un merci.

Bien sûr !

Tout en décidant que je ne me le mettrais pas.

Restant ainsi dans cette riche et ravissante tenue en nu intégral de chez « Moi », droit hors toute botte, un dérisoire bout de loque vestimentaire à la main et dont je mesurais toute la futilité sur l’instant, j’avais quand même absolument besoin de trouver un réconfort, n’importe quel petit mot capable de maintenir à flot les débris relictuels de dignité qu’il me restait. Nul espoir alentour, c’était vain.

Mais puisque la solitude est la preuve indiscutable de l’existence d’un être, en l’occurrence moi, toujours, je me fis immédiatement appel une fois de plus pour me sortir de là et clore cette affaire.

Fini de jouer, les filles, maintenant c’est à moi.

Adoptant une assurance assez feinte, je pris enfin la parole : « qu’est-ce que vous faites là, qu’est-ce que vous voulez ? ».

Pour passer les détails du ridicule qui s’acharna jusqu’au bout sur moi, je résume la suite.

Je découvris, par gloussement interposé :

  1. que nous n’étions pas dimanche, mais lundi,
  2. qu’il était presque midi,
  3. que ces dames volaillères étaient les représentantes du groupe que je devais accueillir,
  4. que, lassées de picorer et de glousser en m’attendant, elles avaient fini par explorer le territoire loué, en vue de me trouver.
  5. ET QU’ELLES M’ONT TROUVÉ…
  6. en intégralité.

PAF ! En pleine tronche.

Je venais de réussir en quelques secondes l’absolue prouesse de perdre toute ma dignité en l’habillant du ridicule le plus total ! Tout ça en ne buvant pas et en ne « fumant » pas !

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Ce fut une semaine épouvantable.

Me devant d’être là à répondre aux uns, aux autres, il me fallut supporter des sourires entendus et quelques regards gourmands et dénudant, indifféremment de tout sexe, mâles et femelles confondus. Potins, commérages, cancans et autres bavardages avaient remarquablement œuvré, à l’évidence, et dans les moindres détails.

J’en ai même entendu tous les rires au fur et à mesure que les dindes gloussaient sur moi, de personne en personne au fil des heures. Et des jours.

Bande de pervers, va !

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Morale de l’histoire ?

Figurez-vous que je me suis dit, avec conviction, que le couillon fut quand même bien couillu, pour l’époque. C’était la fin des années 70, quand même ! Le tout, tout, tout début de la libération des mœurs. J’étais l’exemple parfait d’un actif et brillant militant, presque un précurseur, de la jeune cause de mai 68.

Je n’avais pas perdu de temps, MOA ! Puisque j’avais assumé l’exposition de tous mes attributs ! Là où d’autres auraient retrouvé la mémoire du fœtus en se repliant sur eux-mêmes, ou se seraient empressés d’apposer avec ridicule deux mains côte à côte sur leurs « parties », quand bien même une seule pouvait suffire.

Tout poil pubien à l’air, joyeusement déployé au gré du vent, je n’ai pas affiché de honte (je n’en ai pas eu le temps, en vrai !).

J’ai juste illustré et défini par l’image deux mots du vocabulaire génital, dont l’un avec pas n’importe quel pénis, en plus (prétentieux, va !).

Non, non… Aucune vantardise ! Je veux juste dire que ce n’était pas un pénis que j’aurais pris au hasard, mais que j’avais donné de ma personne en révélant le mien.

Si, si… je me sens couillu d’avoir tout encaissé, et fier de la sobriété de comportement de mes organes.

C’est que la jeunesse de mon corps pas complètement dégueu de l’époque s’était déjà mainte fois librement exprimée, sans grand contrôle, ni volonté de contrôle d’ailleurs, lors des multiples essais contorsionnistes que la souplesse m’autorisait, seul, à deux, à plein, et plus, réalisés en vue de comprendre les lois physiques de la jouissance.

Au-delà de la morale de l’histoire, avec cette nouvelle et bien involontaire expérience, je venais d’acquérir la certitude que l’exhibitionnisme ne serait jamais mon truc. Par contre, après le constat que j’avais pu faire de la fascination de ces dames, il me restait quand même à m’essayer au voyeurisme !

 


Publié le 12/02/2023 /
Commentaires
Publié le 12/02/2023
Merci Jean-Luc de ce texte et surtout de l'humilité qu'il a fallu pour partager ce moment plus que. gênant. Sur le plan de l'écriture je trouve très fort la façon que tu as eu de faire de quelques secondes une éternité, entre le corps et le cerveau en alerte totale. Tout est décomposé et analysé, bienvenue en terre inconnue, celle de sa honte, des jugements d'autrui, des racontars (authentiques ou amplifiés), des ressources philosophiques pour se relever et aller de l'avant... quitte à devenir voyeuriste :-) Merci et à plus tard.
Publié le 14/02/2023
C'était bien de te voir aussi te déshabiller aussi littérairement parlant. Bien sûr, on te reconnaît mais j'ai eu l'impression d'un glissement, d'une vulgarisation conflictuelle. Parfois tu lui lâchais la bride, parfois moins. Ne t'enrhume pas ! ;-)
Publié le 16/02/2023
Merci Louis - je suis content de te surprendre, mais en réalité, j’écris assez souvent de cette manière, surtout quand il s’agit de ma vie. Ici, l’événement est réel, et plutôt amusant. Mais je fais pareil dans l’expression des douleurs et drames vécus, avec un regard entre l’amusé et l’acide, le désiroire, le vain et l’essentiel. Tu as exactement mis le doigts où il faut : le conflictuel… qui a tant pris de place dans mon existence, et qui m’a, sans doute d’une certaine manière, permis d’arriver jusqu’à maintenant. Tu vois que je peux effectivement me déshabiller, moi aussi ! Et aller plus loin sans aucun problème. Je ne crains aucun sujet dès lors que j’ai quelque chose à dire avec sincérité.
Publié le 11/03/2023
En allant voir votre profil l’autre soir, je vous ai bloqué sans le savoir. Je ne sais même pas comment. C’est une sorte de « oups « qui mériterait son texte ! Je vous fais toutes mes excuses.
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