Comme souvent, et voulant bien faire je compris que tout organisation humaine est imparfaite malgré son caractère organisé.
C'est en étant allée rendre visite à ma mère dans son EHPAD que je nous mis, ou peut-être moi seulement, ou même encore d'autres personnes, peut-être une hiérarchie inconnue de moi, dans une situation d'embarras.
Depuis plusieurs mois, ma mère ayant repris des forces après sa Covid, mais le poids des ans continuant à faire son chemin et alors que nous avions, comme à l'accoutumée, pris ensemble ce délicieux thé vert au jasmin que je lui apporte quand je lui rends visite, cette idée lui vint à nouveau de me demander de pouvoir déjeuner dans la grande salle à manger du rez-de-chaussée.
Bien évidemment, et comme on me l'avait dit, elle est capable de se déplacer et est « autonome » et je pouvais donc faire ma demande.
J'allai alors immédiatement voir la directrice adjointe pour le faire cette demande.
Cette dernière acquiesça avec gentillesse et me rassura en me disant que ma mère descendrait à présent tous les midis à partir de la semaine suivante.
On devait me confirmer tout cela par mail dès le lundi
Le lundi, n'obtenant aucune réponse, j'appelai donc l'EHPAD où je fus mise en relation avec la personne responsable des plans de table. Je recueillis alors une réponse évasive, fuyante une sorte de pas de côté et en gros une esquive qui ne me fit pas plaisir:
« Je vous rappelle dans une heure promis ! ».
Dans mon souci de vouloir bien faire, et comme l'après-midi on ne m'avait pas rappelée, je décrochai à nouveau mon téléphone pour savoir si ma mère avait pu déjeuner dans la salle à manger du rez-de-chaussée.
J'allai à ce moment-là de déconvenue en déconvenue. La responsable des tables était déjà partie. J'allai donc m'adresser à la directrice adjointe qui m'avait assurée d'avoir déjà fait le nécessaire.
Non, elle n'était pas là.
Je demande alors à joindre le premier étage où se trouvait la salle à manger habituelle ou ma mère prend ses repas.
Auparavant j'avais bien évidemment prévenu les gens qui s'occupent de ma mère qu'à partir du lundi elle prendrait ses repas du midi en bas et ceux du soir en haut pour ne rien court-circuiter dans les hiérarchie.
J'avais senti à ce moment-là un certain embarras de la dame qui lui servait le midi ses repas.
« Ma mère vient voudrait-t-elle descendre ? », m'avait-elle repondu..
Personnellement je ne voyais pas pourquoi ce ne serait pas le cas, étant donné qu'elle-même en avait fait la demande auprès de moi à plusieurs reprises et ce chaque fois que je venais la voir. Elle disait toujours qu'en haut il n'y avait rien à manger. Et on on me disait que ma mère était toujours la première à la salle à manger.
Soupirs…
Au téléphone avec le premier étage, je commençai à parler à une personne, puis on me passa une deuxième personne qui se mêla à la conversation. S'en suivit un brouhaha avec des personnes qui n'étaient pas d'accord entre elles . J'entendis ensuite que la directrice n'etait pas loin et mes interlocutrices commencèrent à se diisputer, à hausser la voix en prononçant très fort le nom de ma mère.
Solitude…
Les voix continuèrent de parler sans moi avec des avis contradictoires puis quelqu'un me dit de m'adresser à la directrice et me raccrocha au nez.
C'était raté !
J'avais pourtant respecté la hiérarchie, l'humanité et le dévouement de toutes les aides-soignantes, mais vraisemblablement j'avais omis de réaliser qu'une fois ma visite passée, ma mère reprenait vraisemblablement ses quartiers et ses humeurs tyranniques qu'il fallait gérer au quotidien.
Nos mamans redeviennent des mamans comme au temps jadis le temps d'une visite.
Puis une fois que nous sommes partis elle redeviennent des vieilles dames avec leur tyrannie ou leur fragilité.
Ma mère m'avait confié une mission comme avant ; c'était peut-être raté pour la salle à manger, mais après tout l'espace d'une visite ce fut ma maman d'autrefois et non la dame âgée si lasse de vivre que je trouve à chaque arrivée, et je fus sa fille d'autrefois pour son plaisir.
Dans les ratés il y a parfois de belles découvertes…
À ce jour, je ne sais toujours pas pourquoi elle ne mange pas en bas.
Sourire...
Evelyne de Gracia