Ce texte participe à l'activité : Facture sociale

Métamorphose

J’ai mal dormi c’est certain. Une barre en bas de la tête et je ne me sens pas du tout dans mon assiette.

C’est pourtant l’heure de se lever et c’est mercredi, le jour des petits-enfants ; c’est donc une bonne journée. Les enfants ne voient pas les choses comme nous, ils sont joyeux et le monde où nous vivons leur appartient. Eux savent ce qu’il faut faire. Ils n’ont aucune angoisse.

En voulant allumer ma lampe je n’arrive pas à tendre le bras dont je me sers d’habitude. Je suis dans l’incertitude totale par rapport à ce qui m’arrive. Je suis bien réveillée , ce n’est pas un cauchemar puisque j’entends ces voix d’enfants autour de moi.

Non mes petits-enfants ne sont pas à la maison aujourd’hui puisque je vais les chercher à l’école tout à l’heure

Panique ! Quelqu’un me soulève et me jette sur une table. « Au secours ! » Je suis métamorphosée  en facture EDF. Ce n’est pas possible pensé- je. Quand j’aperçois le montant je comprends que je suis dans une autre dimension. J’ai changé toutes mes ampoules je vis comme au Moyen Âge à la lueur d’une seule ampoule de 40 watts. Ma facture d’électricité n’a donc pas pu grimper à ce point : 685 €, non ! J’habite un modeste deux pièces dans un quartier chic, mais l’immeuble est plus que vétuste. Il est moche. Je n’ai plus aucun désir pour cette habitat. Toutes les mesures écologiques annoncés ont fait qu’on se demande comment on va payer tout ça ; il s’agit presque d’un changement total d’immeuble. Tout doit y passer, les fenêtres, le type d’aération, le chauffage et j’en passe… Autant nous dire directement d’aller nous faire voir ailleurs. Tiens vivre ailleurs, pourquoi pas?

Je suis à plat, ah ça oui c’est le cas de le dire… Plate comme une facture et chère comme la vie…

Est-ce que je refuserais de me battre devants les événements?

Ce n’est pourtant pas mon style mais c’est vrai que ces derniers temps j’éprouve une grande Solastalgie devant tout ce qui se passe autour de nous. Plus qu’une envie de pleurer j’éprouve en fait une détresse profonde devant les incendies partout, les océans envahis  de plastique et cette beauté de la nature que nous avons connue, qui disparaît devant les yeux.

Est-ce pour cela que je suis devenue une facture ? Ce serait ma punition je n’en ai pas fait assez.

Pourtant je recycle et je fais tout ce qu’on nous a préconisé. Non ce n’est pas cela je suis une bonne citoyenne, enfin je crois je ne comprends pas, j’ai peur… 

J’entends autour de moi les enfants qui partent à l’école et soudain plus aucun bruit dans la maison je cherche à quel moment toute ma vie pu basculer. Hier soir j’ai éteint les informations je suis partie me coucher et j’ai mis du jazz pour m’endormir. J’en suis restée là et me voilà morceau de papier. J’ai perdu la raison c’est cela, d’ailleurs toute ma partie sensible a disparu; je pense mais je ne ressens rien que de l’angoisse absolument rien de positif. Je me demande si je suis morte. Peut-être avons-nous été bombardés, nous aussi, cette nuit…

Alors je regarde tous ces beaux papiers autour sur cette table où je suis affalée.

Tiens un papier avec une proposition de participer à un atelier d’écriture. Je lis attentivement et le sujet m’intéresse beaucoup.

J’attrape mon stylo…

Evelyne de Gracia


Publié le 12/02/2023 /
Commentaires
Publié le 12/02/2023
J'aime moins quand vous écrivez comme on imagine que les auteurs écrivent "Ce n’est pas possible pensé- je." Mais j'aime beaucoup quand vous écrivez au plus simple. ;-) N.B. C'est tout à fait personnel.
Publié le 12/02/2023
Merci pour votre commentaire. Oui, pourquoi j’ai mis «  pensé-je », un tic de lecteur je pense. J’ai fait assez vite et j’aurais pu écrire autrement mais bon..
Publié le 12/02/2023
Je vais aller en sens inverse du précédent commentaire (ne m'en veut pas, Patrice :-)), le pensé-je était un français "ordinaire" quand on écrivait en français correct. Mais ça c'était avant :-)) La fin est astucieuse, et la formulation "Je suis à plat, ah ça oui c’est le cas de le dire… Plate comme une facture et chère comme la vie…" est très belle. C'est une idée générale très sympa,en tout cas. Las, il y a un point sur lequel je ne peux pas abonder en votre sens, c'est sur la généralisation, à propos des enfants : "ils sont joyeux (...) Ils n’ont aucune angoisse". Ce serait bien si c'était toujours vrai !
Publié le 12/02/2023
Merci beaucoup pour pour votre commentaire. Par rapport aux enfants, je pense que vous avez raison et ils ont des angoisses comme tous les êtres humains , mais par rapport à notre nostalgie la Solastalgie et, ce sentiment que nous inspire la disparition des beautés de la nature qu’on connaissait, je pense qu’ils sont différents de nous . Ils ont déjà appris tout jeunes les bons gestes et des choses dont on n’avait même pas conscience à leur âge. Je pense qu’ils gèrent bien ces choses là.. des angoisses hélas, ils en ont et même plein..
Publié le 13/02/2023
Ayant été "formateur" pour de futurs formateurs en éducation à l'environnement et en animation nature dès les "premières heures" (1980) et durant 22 ans, je suis évidemment d'accord avec vous, mais je sais aussi hélas qu'à trop se concentrer sur les enfants dans ces domaines, beaucoup finissent par oublier ou négliger les bons messages, plus tard. Sans un éveil permanent à ces questions tout au long d'une vie, l'éveil au respect "des beautés de la nature", pour reprendre vos mots, perd du sens ou se transforme en tout autre chose, chez bien des jeunes adultes puis adultes, jusqu'au n'importe quoi, même.
Publié le 12/02/2023
Une belle idée que celle de la transformation comme étant une punition liée à un mauvais Kharma. J'ai aussi découvert le mot "solastalgie", je connaissais cette tendance mais ignorait qu'elle se caractérisait en ce mot précis. Il y a plein de matières dans ce texte pour développer les idées posées. Merci Veramylene pour cette participation.
Publié le 12/02/2023
Est que vous me suggérez de faire un texte avec ce fil et ces idées, mais plus long. Ça pourrait être une bonne idée . Peut on mettre deux textes pour le même atelier?
Publié le 12/02/2023
Oui bien sûr c'est possible !
Publié le 17/02/2023
Bonjour et merci de vous être à votre tout transformée en facture Edf (sourire). J'aime beaucoup les écrits qui vont droit au but, sans trop de digression. Le texte est court et bien sûr il est l'arbre qui cache la forêt. Peut-être tenter d'approfondir une conséquence en particulier? Et la petite incise pour amener la fin est fort bien trouvée.. Bonne idée pour retomber sur ses pattes.. J'ai lu il y a peu dans une revue, que la notion de confort avait fortement évolué avec les époques. Ainsi, dans un foyer moyen, voire aisé, la température dans les habitats (en hiver), il y a 40 ans, était en moyenne de 17,5 degrés. Et ce n'est qu'un exemple.. L'humain occidental de la classe moyenne et plus ne s'est il pas habitué au trop de confort que lui perfuse la société d'hyper consommation? À méditer.
Publié le 17/02/2023
Merci Fabien pour votre commentaire! ( je n’aimerais pas faire ce mauvais rêve..) Concernant le confort, je suis tout à fait d’accord avec vous. On baisse les thermostats et on vit très bien. On revient à des choses plus saines comme mettre des pull-overs et non des t shirt chez soi en hiver, par exemple.
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