Une nuit fort désagréable !
Ces gens, hier, m’ont tant énervé à geindre et se plaindre de tout et de n’importe quoi, de prix qui augmentent, de factures de gaz, d’électricité… et que sais-je. J’en ai cauchemardé.
En réalité, ces gens-là n’en sont seuls la cause. Plutôt l’ultime goutte de cet acide, par trop sulfurique qui, faisant déborder le Bécher de ma patience, a fini par corroder les parois de cette colère que je pouvais contenir jusqu’alors, assez mal il est vrai. Ces GENS-LÀ sont à eux seuls ces GENS MÊMES qui me révoltent par l’inconsistance de leurs « combats ». Ceux qui « se battent » et « se révoltent », ceux qui « luttent » et sont « en guerre », ceux qui « résistent, affrontent, s’affrontent… » avec force vocabulaire de l’excès, faute d’avoir réellement à se défendre… pour VIVRE !
Perte de sens, médiocrité…, même s’il y a par ailleurs de justes résistances ou nécessaires militantismes, je ne pouvais qu’en mal rêver. Me retrouver en « facture EDF » à supporter la dolence de ces enfants de l’indigne, ce pourrait être en soi un cauchemar. Sauf que l’heure devrait être à l’union de tous, jusqu’au sacrifice (lequel ?), pour instiller, plus que jamais et en tout esprit, l’absolu le plus noble de l’humanité. C’est donc bien l’insignifiante conséquence — déranger le sommeil de ma petite personne, de ce si anodin « cauchemar » qui m’a vigoureusement réveillé en se confrontant à l’insupportable CAUCHEMAR des innocents du monde, avilis aux agissements démoniaux ou mal pensant d’esprits abjects !
Noyé dans les larmes de mon désarroi, le remède à quelque sommeil perdu sur l’instant fut alors de prendre la plume. Fi de l’impuissance d’un « moi » en facture EDF, je me devais traduire en mots l’esprit même de ce qui me transcende : cet in nomine humanitatis, ci-maintenant offert !
-------------------------
Par absolu respect pour ceux qui engagent leur vie pour une certaine démocratie à acquérir ou à défendre, pour ces hommes et ces femmes qui partent au combat, pour ces pères et ces mères qui quittent leurs enfants, au risque de ne jamais les revoir, pour se battre et défendre précisément leurs droits et libertés à venir… c’est en pleine conscience des privilèges immenses que me donne le fait d’être né sans l’avoir choisi dans un pays en paix, que j’affirme dans les lignes qui suivent ma pensée d’homme libre* ! Et émotionnellement bouleversé par cet état du monde… puisque j’ai le droit d’être bouleversé, j’ai le droit de le dire. J’ai le droit de ne pas en avoir honte ni d’avoir ou devoir à m’en justifier devant qui ce soit, réel ou supposé, de chair ou immatériel !
Deux causes à mon esprit méritent d’y laisser une vie, la mienne, s’il le faut, quand le temps, passé à convaincre, ne dispose plus de liberté pour le faire :
C’est pour ce respect de l’Homme, maintenant, que se poursuit mon propos.
-------------------------
Je crains fort, voyez-vous, qu’il soit bien tard pour renouer avec LE SENS.
Bien tard pour renouer avec ces mots et ces pensées inscrits dans la mémoire de la construction d’une Humanité, et d’un certain humanisme, qui ont su faire vibrer tant d’espoirs.
C’est que ces mots et ces pensées qui devraient encore nous guider, encore avoir une portée critique, toujours nous permettre de débattre tous, semblent si abscons dans certaine société, la nôtre. Abscons parce que d’autres « urgences » sont frivolement imaginées jusqu’à s’imposer : l’instantanéité, la facilité, la virtualité, le ludisme, la reconnaissance inconditionnelle de prévalence de l’individu sur le groupe…
Pourtant, LE SENS, celui que l’humain peut chercher en conscience à donner à la vie, à sa vie, au travers d’une destinée commune — où chacun peut y trouver un compte, ce sens qui nous place, en responsabilité, au-dessus de nos frères animaux et végétaux, ce sens qui amène les plus forts à grandir les plus faibles, et les plus faibles à faire redescendre les plus forts à de plus justes mesures… ce sens n’a d’existence que par le respect des mots, comme des faits et des réalités universelles, historiques et actuelles.
« Tant que nous demeurerons dans le brouillard, sans questionner les termes du débat, nous resterons coupés les uns des autres, invités tout au plus à vivre une vie médiocre. » (Alain Deneault, La Médiocratie, 2016)
L’hypocrite verbiage du « vivre ensemble », si dispendieusement essaimé jusqu’au cœur de notre consumérisme ordinaire (« Nous sommes faits pour vivre ensemble » !), masque l’individualisme débridé de tant d’entre-nous, vigoureusement entretenu sans trop l’avouer. Celui-là même que l’on fait prévaloir au nom de la liberté, érigée ainsi comme plus haut degré de valeur. Le « vivre ensemble », il fallait y penser, il fallait oser, crédibilise son sens, donc son existence, non sur LE SENS d’acquis nobles et historiques, mais par le regroupement clanique d’individualismes semblables qui chante les louanges du « vivons ensemble nos individualismes affirmés » !
Voilà bien quelques grandes faiblesses qui se dessinent insidieusement, mais indiscutablement dans nos démocraties ! Savons-nous encore LE SENS profond de ce dont nous jouissons ? Qui nous l’apprend ? Qui s’oblige à le comprendre, à l’expliquer, à y revenir sans cesse pour ne pas céder aux sirènes de la maintenant si peu déshonorante médiocrité ?
Déplorable constat que celui d’admettre qu’il y a désormais plus de personnes capables de s’offusquer d’un prétendu sexisme des Droits de « l’homme » que de citer quelques-uns (voire le moindre) des 30 articles du préambule de la Déclaration universelle éponyme, pourtant invariable, écris en français dans l’original officiel qui ne peut être modifié ; signé et approuvé par les membres fondateurs de l’Organisation des Nations unies. Et pour lequel aucun État ne s’est prononcé contre ! ****
« Tant que nous demeurerons dans le brouillard, sans questionner les termes du débat… » : j’en pleure de voir que l’on oublie tout, que l’on nie tout ! Mais BORDEL DE MERDE, puisqu’il semble que seul ce langage reste un peu compréhensible, l’homme… c’est l’Homme, c’est Homo ! Quand allons-nous contester le cerf, Cervus, le frêne, Fraxinus, ou l’équidé, Equus ? Et faut-il devenir masculiniste pour contrer le sexisme de LA poule, de LA musaraigne, de LA rose ? Tout cela est si vile distraction, si piètre combat, si ridicule engagement !
Quel bien triste constat, me semble-t-il. Drôle de France qui s’ennuie en fermant peu à peu ses yeux face aux réalités du monde. Au risque de foutre en l’air l’essence même de sa « révolutionnaire » construction démocratique, par laxisme, paresse, ou pire : indifférence acquise par conviction d’invulnérabilité de ladite démocratie !
À trop geindre, à trop paresser sur l’effort, pourtant oh combien enrichissant et excitant de la construction maintenant séculaire de la démocratie, le rêve humaniste, l’espoir de tolérance, et la paix à laquelle tout Homme digne de son espèce aspire, risquent de s’éteindre pour longtemps sous les coups de boutoir autocratiques, sous l’arbitraire des tyrans, ou par la suffisance ignoble de quelques profiteur(euse)s sans scrupule du moment qui s’estiment intelligences supérieures détentrices des « vraies » solutions au sein même de nos « politicien(ne)s ».
Jamais il ne faut oublier, JAMAIS, que manifester, partir en vacances, se plaindre, paresser, voter fièrement aux extrêmes, faire valoir la liberté de l’individu, son hédonisme… et tant d’autres sont des privilèges que SEULES les démocraties permettent. Or, les principes démocratiques sont en voie de raréfaction certaine, et mieux vaut en avoir conscience et raison gardée. Car les privilèges… 1789, souvenez-vous… sont tôt ou tard périssables.
Mais, las, las !
-------------------------
Je crains fort, voyez-vous, que l’être humain « moyen dans ses valeurs » justifie désormais, avec médiocrité, L’ÉLABORATION DE QUELQUE DEMI-MORALE !
Car, oui… j’en suis aujourd’hui convaincu et je le formule ainsi, la démocratie porte en elle tous les germes de sa disparition ! Elle nécessite trop d’efforts, trop de conscience, trop de responsabilité individuelle, trop de participation à la construction collective, trop de contrôle et d’effacement. La démocratie impose un perpétuel et juste dosage, entre abnégation et affirmation, effacement, modération et engagement ! Et une sincère et entière capacité pour chacun à l’introspection constructive comme à l’acceptation du regard porté par l’autrui, à fin également constructive, sur sa personne.
Une facture « EDF », même alourdie, est une preuve d’un approvisionnement en une énergie bien « confortable ». Un panier même cher est une confirmation d’une facilité à subvenir à ses besoins. Un vaccin et quelques mesures pondérées de confinement sont de formidables chances dont bien peu peuvent profiter sur Terre.
Alors… un peu de frugalité, de retenue, voire même de privation, un peu de concessions sur notre quiétude ordinaire comme citoyen d’un pays en paix, n’est-ce pas là à strict minima ce que nous pouvons céder sans sourciller pour défendre bec et ongles la furieuse nécessité de contrebalancer la montée des autoritarismes, des systèmes dictatoriaux ; la furieuse et impérieuse nécessité de défendre la démocratie pour l’avenir de nos enfants, petits-enfants, arrières petits-enfants. Et la garantie de fermer les yeux, chaque soir et plus tard, l’esprit profondément serein !
« L’incivilité obstinée, la cécité volontaire, ou la propension à se mettre en position fœtale pour se protéger le nombril sont aujourd’hui beaucoup plus graves que de simples réactions à la fracture sociale. Ce sont, pour la défense des Droits Universels de l’Homme, les garants d’un désastre qui se dessine, incommensurablement plus couteux que toute “facture” sociale ! La démocratie est un système politique et une forme de société qui s’essoufflent et se rétractent dans le monde, amenuisant de fait l’esprit de Liberté et la force de la Fraternité. Que sonne le réveil ! ».
Telle est ma pensée, ma conviction, et l’essence de mon engagement.
* Depuis que j’ai acquis la capacité de les comprendre, tous les drames semblables à ceux que vivent actuellement les Ukrainiens ou les Iraniens aspirant à la liberté ont forgé ma propre liberté, et m’ont imposé moralement ma manière d’agir au quotidien. C’est en liberté que je fus travailleur obstiné jusqu’à presque 66 ans, dans l’effort tantôt physique, tantôt plus intellectuel, maintes fois, ici, là-bas, ou ailleurs… C’est cet homme libre qui est fier maintenant d’être un retraité cultivateur de frugalité, physiquement fatigué, intellectuellement éveillé, pécuniairement très modeste. Mais si riche d’un partage amoureux fièrement protégé au fil des décennies contre vents et marées. Si riche de tout ce qu’une vie, souvent fort cruelle, parfois heureuse, lui a permis d’entreprendre, oser, défier, comprendre, apprendre, et même engendrer… avant de le perdre dans un effroyable destin ! Ni brute ni soumis, mais lourdement aguerri aux lois des résiliences, qui serait alors cet homme libre, qui serais-je, pour me plaindre d’une facture un peu lourde ?
** L’eudémonisme considère que l’éthique doit viser le bonheur (le bonheur n’y est pas perçu comme opposé à la raison : il en est la finalité naturelle).
*** L’hédonisme place la recherche de plaisir et l’évitement de la souffrance comme but de la vie humaine.
**** Seules, parmi les huit abstentionnistes, l’Arabie saoudite affirma son sexisme niant l’égalité homme-femme, et l’Afrique du Sud son racisme en refusant l’égalité de droit sans distinction de naissance ou de race !