Vis ma vie

Activité proposée par Fabien, Le peuple des mots

Après le « Trésor des Mascareignes », l’écrivain Fabien Chabosseau vous propose une nouvelle aventure immersive, cette fois liée au genre. En partant de deux stéréotypes que Fabien vous propose ci-dessous, vous devrez incarner le personnage proposé qui va l’espace d’une nuit, pour l’homme, se transformer en femme, et pour la femme se transformer en homme. Est-ce que ces changements auront un impact positif sur les deux personnages ?À vous de l’écrire tout au long du mois de novembre. 

Voici le personnage de départ proposé si vous êtes un homme : 
 

Ce que je m'apprête à écrire est inimaginable. Cela n'a aucun sens. De la science-fiction. Mais que je raconte...
Je m'appelle Samuel, mais pour tout le monde c'est Sam. Ce diminutif me plaît bien, me correspond. Une syllabe qui part comme une flèche d'entre les lèvres. Un jet sec et rapide. J'ai 30 ans et vis à cent à l'heure entre mon boulot de barman, la muscu et les soirées entre amis. Je m'amuse comme on dit, les bonnes bouffes, l'alcool et surtout les filles. Je n'ai pas à me plaindre à ce niveau. Grand, musclé, une belle petite gueule, elles me tombent toutes dans les bras. Alors j'en profite. Après tout, elles n'attendent que ça. Elles ne mettraient pas de mini jupes sinon, ni de talons et encore moins de rouge à lèvres. C'est de bonne guerre si on les regarde. Qu'elles s'habillent autrement si ça leur déplaît.
Bref, j'en viens au fait. Hier soir on est sortis avec Manu et Fred, au Café Rouge. C'est un peu notre QG le Café Rouge. On s'en est mis une bonne, bière, vodka, refaisant le monde comme d'habitude. On a même parlé des prochaines vacances qu'on va peut-être passer à Punta Cana. Assise sur la banquette près de la porte, il y avait trois filles dont une petite blonde comme je les aime. Pour tout dire, j'avais bien l'intention de lâcher mes amis à un moment pour lui offrir un verre vu qu'on avait échangé quelques regards langoureux. Mais sur le coup de onze heures, j'ai eu un sacré coup de barre. Ça ne m'était jamais arrivé à ce point-là. C'est à peine si j'entendais ce que racontaient les autres. Et je bâillais, bâillais, à n'en plus finir. Garder les yeux ouverts tenait d'ailleurs plus de la torture qu'autre chose. Alors à minuit, je me suis levé et après avoir salué mes copains circonspects, je me suis dirigé vers la sortie. Sur le seuil, j'ai croisé le regard de la blonde qui avait l'air déçue de me voir partir. "Désolé ma cocotte, me suis-je dit, tu visiteras mon lit la prochaine fois.". Et je suis rentré, me jetant tout habillé sur mes draps. Puis j'ai dormi...
Le lendemain matin, j'avais la gueule de bois et n'ai pas compris de suite ce qui se passait. Étendu sur le lit, j'avais juste l'impression de flotter dans mes vêtements. Clignant des yeux, je me sentais gêné par des cils trop longs autant que par les mèches plaquées sur mes paupières. L'ennui, voyez-vous, c'est que je porte les cheveux courts. D'instinct, j'ai tâté à côté de moi pour voir si je n'avais pas malgré tout ramené une fille chez moi hier soir. Rien! Alors j'ai paniqué, me levant d'un bond et courant jusqu'au miroir de la salle de bains. Et... elle était là... cette fille... la blonde d'hier soir... en lieu et place de mon reflet...
Des cheveux blonds tombaient en cascade sur mes épaules devenues menues. Des seins ronds et fermes avaient effacé mes pectoraux saillants. Mes jambes musclées s'étaient transformées en de fines pattes de biche. Quant à mon sexe, anéanti, érodé, il avait laissé place à une mince colline de peau et de chair nue de toute pilosité. Vue de derrière, ce n'était pas mieux, disparues mes fesses d'acier construites par une décennie de salle... remplacées par deux petites pommes audacieuses et rebondies. Dans la glace, je reconnaissais encore mon regard, et encore, il s'était adouci, poli par la féminité. Mais autour, plus rien de moi, mâchoires fondues, pommettes proéminentes, nez de poupée, moue sur des lèvres pulpeuses. Effaré, j'avais beau m'épier de haut en bas et de long en large, je devais me rendre à la terrible évidence, j'étais devenu une femme...


Voici le personnage de départ proposé si vous êtes une femme : 

Que les hommes sont prévisibles ! Hier soir avec les filles nous sommes allées au Café Rouge pour décompresser. Ce fut une semaine compliquée, Bettie s'est fait plaquer et le patron de Marie n'a pas renouvelé son contrat. Un sale type son patron. Je l'ai vu une fois en allant la chercher au bureau. Il m'a envisagée comme un bout de viande sur un étal de boucher. J'étais si mal à l'aise... Quand Marie espérait encore être embauchée en CDI, je lui ai dit en plaisantant qu'il allait falloir qu'elle couche. Mais au fond, était-ce si éloigné de la vérité?
Quant à Bettie, ce n'est pas plus mal qu'elle se soit fait larguer. Quand votre mec en arrive à vous proposer l'"échangisme" pour donner du piquant à votre vie sexuelle, il vaut mieux arrêter là.
Moi je m'appelle Ludivine. J'ai 32 ans, sans enfants, sans mec, et je m'en porte très bien. Je sais parfaitement ce qu'attendent les hommes de moi. Je ne me fais plus aucune illusion... Je les vois se pavaner au bureau. Si je le voulais, je coucherais avec tous, les célibataires comme les hommes mariés. Ce serait tellement facile. Un battement de cil suffirait. Mais cela ne m'intéresse pas. Les promesses sans lendemains, les beaux parleurs, les pervers narcissiques, les menteurs, pour tout cela j'ai donné. Aujourd'hui, je me satisfais des rares aventures que je m'autorise. Et, même pour un soir, j'attends qu'un homme me respecte, me fasse rêver. On a beau faire, on reste toujours un peu la princesse que l'on était petite. Il est dur de se comporter pour une femme, si vous avez l'envie légitime de séduire, d'être entreprenante, de faire l'amour, les hommes vous prennent pour une salope. Si vous êtes hermétique aux compliments que vous n'avez pas demandés, à tout le décorum de la drague machiste, on vous prend également pour une salope. Alors que faire? Où se situer ?
Que les hommes sont prévisibles disais-je. Hier soir, au Café Rouge, il y avait ces trois types au comptoir. Airs de matadors. Yeux d'éperviers. Surtout le grand musclé. Il n'a pas arrêté de me regarder et de faire le paon. On s'est moqués de lui toute la soirée avec les filles. Tout ce que je déteste, une gravure de mode trop sur d'elle. Un regard vorace à l'excès. Il est reparti assez tôt. Dommage. J'attendais qu'il vienne m'offrir "son verre". Cela m'aurait permis de le refuser. Pour une fois qu'on s'amusait.
En me couchant plus tard, j'ai repensé au ridicule de ce bonhomme, à ce regard subi cent fois, celui de la prédation. À ce comportement implacable, eux les maîtres, nous les servantes. Cela aurait pu en rester là ces idées, comme d'habitude. Un mélange de mépris et de dégoût balayé par le sommeil. Cela aurait pu en rester là, oui, si je ne m'étais pas réveillée ce matin dans sa peau à lui, le grand musclé de la veille. L'impossible transformation... L'horreur face au miroir, sans aucun sens, aucun... Au bout de ma nuit, un homme, j'étais devenue un homme...

Rappel important : une fois que vous aurez publié votre texte, il vous faudra revenir sur cette page pour le sélectionner et le faire participer afin qu'il puisse être commenté. Bonne écriture !

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