Un second démon part à la casse (Les démons, extrait)

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Un second démon part à la casse.

 

 

Mes parents sûrement, mon frère peut-être, me considéraient comme certains Français considèrent leurs petits voisins belges ; très sympathiques, drôles et tellement « nature » mais pas très fute-fute.

  • « Ah ! T'es carrément belge ? J'adore la Belgique ! Vous êtes tellement plus cool, vous les Belges ! »

Je l'ai tant entendue cette phrase grotesque !

 

Sous la pression involontaire et sans doute bienveillante de mon entourage en général et de ma famille en particulier, je m'étais lentement construit un personnage que j'avais progressivement intégré et qui correspondait au profil qu'on avait projeté sur moi. Petit à petit ma personnalité initiale -mais est-ce que ça existe, la personnalité initiale ?- s'était éteinte, au profit de celle qu'on m'avait fabriquée. Comme tous les enfants qui font l'impossible pour répondre aux attentes de leurs parents, je faisais l'impossible pour me glisser dans ce costume tissé de malentendus. Et plus je m'appliquais, mieux je le portais. Finalement, un autre, plus familier à mes proches que moi-même, avait pris ma place, me tuant dans l’œuf.

 

Parmi les choses que j'avais gobées, certaines ne me définissaient pas mais déterminaient la manière de vivre de tout un chacun, moi y compris, comme s'il n'y avait qu'une manière de voir les choses. Il y a, par exemple, cette idée ; si c'est marrant, ça ne rapporte forcément pas de sous et si ça rapporte des sous, c'est forcément chiant. J'avais toujours adoré la musique, en tous cas depuis ma découverte des Beatles en 1976, mais jamais je n'aurais osé imaginer que le beurre que j'étendrais sur mes tartines puisse être payé avec le salaire d'un travail se rapportant à la musique et puis de toutes façons, puisque je ne me pensais pas très fute-fute, je ne m'étais jamais vraiment envisagé assis sur les bancs d'un amphi universitaire.

 

En avril, Luce et moi nous étions rencontré. En mai, je lui ai fait la cour. En juin, j'ai emménagé et nous nous sommes embrassé. En juillet, nous ne nous quittions quasiment plus. Nous travaillions ensemble, nous mangions ensemble, nous sortions ensemble, nous dormions même parfois ensemble.

 

Nous n'en avions jamais trop de nous ! Plus elle m'aimait, plus je me trouvais formidable et plus je m'aimais, situation inédite pour moi, atteint du syndrome du petit frère. Pour la première fois de ma vie, je valais quelque chose à mes yeux. Attention, il ne suffit pas de se dire « je vaux quelque chose », il faut l'intégrer. J'intégrais. Je renaissais.

 

Avec la bénédiction de mon amour, j'ai décidé de suivre des cours de professionnalisation du métier de la musicien à Valenciennes ; batteur. C'était en 2001.


Publié le 02/05/2022 /
Commentaires
Publié le 03/05/2022
C'est vrai que depuis notre enfance nous essayons tous de correspondre aux attentes des autres (parents, société etc...). La personnalité se construit donc tout doucement, parfois même inconsciemment en essayant de correspondre à l'image que les autres ont de nous. Ce qui est génial dans ton texte, c'est que c'est celle que tu aimes finalement qui t'as permis de devenir ce que tu rêvais d'être en reprenant confiance en toi et en t'encourageant à vivre tes rêves. Merci pour ce partage qui fait réfléchir quant à la naissance de l'identité et aux images que l'entourage nous colle d'emblée sur la tête et comment au final, on arrive un jour à se retrouver soi-même (toi grâce à l'Amour, ça c'est vraiment beau)
Publié le 03/05/2022
Tu as très précisément compris l'intégralité du texte ce qui me fait penser que j'ai pu exprimer ses idées avec suffisamment de clarté et de subtilité. Merci, chère Vickie ! ;-)
Publié le 06/05/2022
C'est tellement vrai, nous sommes tous si différents de l'image qu'on fait de nous, que nous nous sentons presque obligés d'en être le miroir .... J'ai eu, par bonheur, la chance de rencontrer aussi ce grand amour qui m'a permis de m'épanouir pleinement, de me réaliser ... Rencontrer l'âme sœur, c'est un cadeau merveilleux que la vie nous fait, nous sommes des privilégiés...
Publié le 06/05/2022
Un texte rapide du fait qu’il y ait pleins d’infos, plein de pistes et réflexions. Ça réveille et ca boost et comme l’amour est de saison c’est léger comme il faut pour une excellente lecture de fin de semaine comme je le fais. J’aime bien aussi quand ça part dans tous les sens. À plus tard.
Publié le 06/05/2022
Ça demander encore un peu de travail. Merci ! ;-)
Publié le 06/05/2022
Probablement, mais c’est bien aussi de poser ses fulgurances, au moins ce n’est pas perdu. Il n’y a rien de pire pour un auteur que de perdre à tout jamais les mots justes, même s’ils sont désaccordés.
Publié le 11/05/2022
Merci Patrice pour cette touche sur le papier, ce soupçon de construction de soi. J’ai pensé un peu comme Léo au carnet d’un auteur : on a une idée dans la tête, et on se presse de l’écrire de peur qu’elle s’échappe, et on la note avec tout ce qu’elle amène sur son passage :)
Publié le 11/05/2022
Étant dissolu, j'écris par bribes. Parviendrais-je à les mettre bout à bout avec la fluidité qu'il faut ? Vous me le direz. ;-)
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