Son village d’enfance
C’était un petit village, pas bien grand,
juste assez pour contenir le bonheur d’un été.
On y arrivait comme on entre en vacances,
le cœur déjà ouvert.
Chez sa grand-mère, tout le monde se retrouvait.
Quatre enfants, leurs conjoints, leurs enfants.
Et l’oncle de Marseille, Micheline, Luc, Bertrand.
Ils arrivaient en DS.
Quand il la voyait, il savait qu’ils étaient au complet.
Deux semaines, peut-être plus.
Le temps là-bas comptait autrement.
Les vaches qu’on ramenait du champ,
la traite du matin,
les cousins qui riaient,
le café dans des tasses imaginaires.
On inventait des familles, des maisons, des vies.
On jouait sérieusement,
comme seuls les enfants savent jouer.
Un jour, il trouva une montre.
On passa une annonce.
Les propriétaires la récupérèrent
et lui donnèrent cinquante francs.
Il s’en souvient : il était fier.
Il y avait la fontaine,
les capucines accrochées aux pierres,
la balançoire de corde,
les feux d’artifice du 14 juillet
au bout de la route étroite.
Puis les étés se firent plus courts,
les retrouvailles plus rares.
Un jour, la DS ne vint plus.
Ils étaient partis à Nouméa.
Luc, son cousin, lui manquait.
Beau, souriant, accroché au cou de sa mère.
Chaque départ était un déchirement.
Il pleurait en silence,
la boule au ventre,
des jours durant.
Quand la DS repartait
On riait encore,
on se saluait cent fois,
on disait “à l’année prochaine”.
On se promettait presque
de ne jamais grandir.
Mais la DS tournait au bout du chemin.
Et lui restait là,
sans rien dire.
Il pleurait.
Pas fort.
Mais pour de vrai.
Parce que c’était fini.
Parce que c’était beau.
Parce qu’il le savait déjà.