Son village d’enfance

PARTAGER

Son village d’enfance

 

C’était un petit village, pas bien grand,

juste assez pour contenir le bonheur d’un été.

On y arrivait comme on entre en vacances,

le cœur déjà ouvert.

 

Chez sa grand-mère, tout le monde se retrouvait.

Quatre enfants, leurs conjoints, leurs enfants.

Et l’oncle de Marseille, Micheline, Luc, Bertrand.

Ils arrivaient en DS.

Quand il la voyait, il savait qu’ils étaient au complet.

 

Deux semaines, peut-être plus.

Le temps là-bas comptait autrement.

Les vaches qu’on ramenait du champ,

la traite du matin,

les cousins qui riaient,

le café dans des tasses imaginaires.

On inventait des familles, des maisons, des vies.

On jouait sérieusement,

comme seuls les enfants savent jouer.

 

Un jour, il trouva une montre.

On passa une annonce.

Les propriétaires la récupérèrent

et lui donnèrent cinquante francs.

Il s’en souvient : il était fier.

 

Il y avait la fontaine,

les capucines accrochées aux pierres,

la balançoire de corde,

les feux d’artifice du 14 juillet

au bout de la route étroite.

 

Puis les étés se firent plus courts,

les retrouvailles plus rares.

Un jour, la DS ne vint plus.

Ils étaient partis à Nouméa.

 

Luc, son cousin, lui manquait.

Beau, souriant, accroché au cou de sa mère.

Chaque départ était un déchirement.

Il pleurait en silence,

la boule au ventre,

des jours durant.

 

Quand la DS repartait

 

On riait encore,

on se saluait cent fois,

on disait “à l’année prochaine”.

On se promettait presque

de ne jamais grandir.

 

Mais la DS tournait au bout du chemin.

Et lui restait là,

sans rien dire.

 

Il pleurait.

Pas fort.

Mais pour de vrai.

 

Parce que c’était fini.

Parce que c’était beau.

Parce qu’il le savait déjà.


Publié le 20/08/2025 / 4 lectures
Commentaires
Publié le 21/08/2025
Merci de partager ces morceaux de bonheur, cette époque légère faite de bonheur simple et de ces fameuses DS.
Publié le 23/08/2025
Il se dégage de ton texte très cher Michel une magnifique nostalgie et j’ai beaucoup aimé cette formule : ""On inventait des familles, des maisons, des vies. On jouait sérieusement, ». Tu as vraiment le chic pour faire naître des formules efficaces, peine de sincérité les rendant émouvantes. Bravo et merci.
Connectez-vous pour répondre