Dit du minerai blanc
À René Depestre
Bien avant que la sueur indienne ne tarisse au soleil,
Avant que la frénésie dorée ne les laisse exsangues
Il n’y avait pas d’Indiens au fond des mines d’Europe
Et l’on y détournait les grands fleuves musculaires,
Dont le sang ne coulait pas encore à l’océan…
Les marchands se ruaient sur l’inépuisable coffre de la chair blanche
Ils se bousculaient sans pitié
Vers l’aube étincelante du corps blanc
Et la terre éclatait du vacarme des pioches
Creusant cet épais minéral
Des alchimistes cherchaient des secrets
Pour faire durer, par alliage, ce précieux métal
Et les dames rêvaient de porcelaines blanches,
D’ustensiles en fer blanc
Et même de thés blancs pour assouvir leur soif
Les curés faisaient sonner des cloches blanches
De Reykjavik à Jérusalem ; le père Noël,
Distribuait chaque année aux enfants,
Des petits soldats de fers blancs tachés de plomb
Et de grands capitaines forgeaient leurs épées dans ce minerai,
Chauffé à blanc sur les champs de bataille
Ainsi des siècles durant, le monde a tremblé
Des tarières fouillant les entrailles de ma race
Préférée au talc et au sel ; meilleure que le marbre et l’ivoire,
Creusée, couche après couche, vers les profondes fusions…
Combien de Barbaresques ont poussé des razzias,
À travers l’écumeuse clarté de nos corps ?
Les années – tiges d’un blé pâle – ont été fauchées, fendues,
Perlées de rosée blanche
Peuple pillé, peuple de fond en comble retourné
Comme une terre de labour
Peuple défriché pour l’enrichissement des grands marchés internationaux
Cherche dans ton silence le feu de la Mort Blanche
Et nul n’osera fondre la force et les richesses
Dans le métal blanc de ton fer encore nu