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Dit du minerai blanc

 

À René Depestre

 

Bien avant que la sueur indienne ne tarisse au soleil,

Avant que la frénésie dorée ne les laisse exsangues

Il n’y avait pas d’Indiens au fond des mines d’Europe

Et l’on y détournait les grands fleuves musculaires,

Dont le sang ne coulait pas encore à l’océan…

 

Les marchands se ruaient sur l’inépuisable coffre de la chair blanche

Ils se bousculaient sans pitié

Vers l’aube étincelante du corps blanc

Et la terre éclatait du vacarme des pioches

Creusant cet épais minéral

 

Des alchimistes cherchaient des secrets

Pour faire durer, par alliage, ce précieux métal

Et les dames rêvaient de porcelaines blanches,

D’ustensiles en fer blanc

Et même de thés blancs pour assouvir leur soif

 

Les curés faisaient sonner des cloches blanches

De Reykjavik à Jérusalem ; le père Noël,

Distribuait chaque année aux enfants,

Des petits soldats de fers blancs tachés de plomb

Et de grands capitaines forgeaient leurs épées dans ce minerai,

Chauffé à blanc sur les champs de bataille

Ainsi des siècles durant, le monde a tremblé

Des tarières fouillant les entrailles de ma race

Préférée au talc et au sel ; meilleure que le marbre et l’ivoire,

Creusée, couche après couche, vers les profondes fusions

Combien de Barbaresques ont poussé des razzias,

À travers l’écumeuse clarté de nos corps ?

Les années – tiges d’un blé pâle – ont été fauchées, fendues,

Perlées de rosée blanche

 

Peuple pillé, peuple de fond en comble retourné

Comme une terre de labour

Peuple défriché pour l’enrichissement des grands marchés internationaux

Cherche dans ton silence le feu de la Mort Blanche

Et nul n’osera fondre la force et les richesses

Dans le métal blanc de ton fer encore nu


Publié le 12/08/2024 / 8 lectures
Commentaires
Publié le 12/08/2024
Il n'y a que les répétitions du début (indienne, indien) qui me gênent d'emblée, sinon tout le reste coule tel le fleuve de vos révoltes parfois crues comme dans "Les meurtrières" mais aussi sensibles sur les autres textes. C'est travaillé et les déclinaisons du blanc et à la fin du peuple sont à mes yeux et dans mon ressenti réussis. Merci d'avoir de ces nouveaux partages.
Publié le 12/08/2024
La remarque est juste ; je me suis juré d'arrêter de toucher à ce manuscrit, soumis cet été à plusieurs éditeurs, mais si j'arrive à le placer quelque part, je corrigerai cette répétition : )
Publié le 14/08/2024
Mais qui est René Depestre? ^ La répétition "indien"/ "indienne" ne me choque pas peut-être parce que je n'ai aucun sens du rythme. Ce serait absurde d'utiliser une expression coloniale comme "faire suer le burnous" s'il s'agit d'indiens. Si vraiment, c'est gênant et que tu souhaites encore modifier ton texte, à part "sueur indienne", il reste à "exploiter" les noms de nationalité en -ienne de l'Amérique du Sud en deux syllabes... (si je ne me retrouve pas encore à rebours). Là, je trouve seulement "chilienne"... À plus tard. :-)
Publié le 14/08/2024
Wiki : "René Depestre est un poète, romancier et essayiste né le 29 août 1926 à Jacmel en Haïti. Il publie en 1945 son premier recueil de poèmes, Étincelles. Activiste politique, il doit quitter Haïti après l'arrivée au pouvoir d'un régime militaire. Il s'installe à Paris et y suit des cours à la Sorbonne. Il rejoint Cuba en 1959 et soutient le nouveau régime de Fidel Castro, puis déçu par l'orientation de la révolution notamment après l’affaire du poète cubain Heberto Padilla en 1971, René Depestre décide de quitter l’île en 1978. Dans les années 1980, il s'installe à Lézignan-Corbières. Son roman Hadriana dans tous mes rêves reçoit le Prix Renaudot en 1988." Le texte que je pastiche est le texte "Minerai Noir", qui commence ainsi - c'est une traduction - : Quand la sueur de l'Indien se trouva brusquement tarie par le soleil / Quand la frénésie de l'or draina au marché la dernière goutte de sang indien / De sorte qu'il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d'or On se tourna vers le fleuve musculaire de l'Afrique / Pour assurer la relève du désespoir / Alors commença la ruée vers l'inépuisable / Trésorerie de la chair noire / Alors commença la bousculade échevelée / Vers le rayonnant midi du corps noir" C'est un très beau texte sur la traite transatlantique ; il participe d'une certaine manière au mouvement de la négritude ; mon texte, de son côté, développe aussi un imaginaire racial - qui s'est redéveloppé en France, plutôt à gauche, depuis les années 70, alors qu'avant, il été plutôt développé à droite, chez Gobineau et consort - mais en prenant le contrepied du discours du "privilégié blanc" qui oblitère toute l'histoire populaire de l'Europe - oui je commente quelque chose d'évident, désolé ^^-.
Publié le 14/08/2024
Trop bien Enki, merci pour ce partage, notre ami Gilbert Mervilus présent sur ce site appréciera de croiser ici la route d’un de ses compatriotes et engagé qui plus est. Ce complément confirme que tu écris comme je l’ai dit ce soir à Sophiak, avec une plume trempée dans l’encrier de l’authenticité et du cœur, c’est génial. Et comme tu travailles encore et encore, j’ose même pas imaginer où te portera ton écriture. À plus tard,
Publié le 14/08/2024
Salut Enki! Grand merci pour ces précisions. Wiki ne me dirait pas pourquoi quand je te lis, une dédicace de trois mots cache une grande déférence vis-à-vis d'un auteur illustre mais confidentiel pour beaucoup. L'extrait ne dit que peu de choses de l'imaginaire que tu développes en miroir du sien en revanche ton commentaire dit beaucoup. Bravo à toi mais pitié ne surestime pas ton lecteur. Je n'ai rien à prouver ici donc je n'ai pas peur de passer pour une cruche: sans le contexte, sans l'horizon d'attente que l'on ne partage pas forcément avec toi, on peut juste te dire si ça sonne juste ou si ça plaît, au-delà, je doute de pouvoir être aidante. Merci pour le développement que tu apportes: le titre, l'explication et les vers. Tu communiques très bien ton admiration pour l'original et tu donnes envie de le lire. Enfin, je crois que tu devrais tenir ta promesse parce qu'au regard de l'original ton pastiche est parfait. J'espère vraiment que tu rencontreras la personne qui trouvera comment rendre cette pépite accessible à un lecteur lambda (la personne qui te lira entre deux corvées ou dans les transports en commun) parce que c'est sur le temps qu'il nous reste qu'on lit finalement. À bientôt de te lire :-)
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