Pourquoi avoir voulu faire publier « Ambre Gris » ?
Pour me faire remarquer sans doute, comme à l’âge de 10 ans, quand je fis l’enfant de chœur lors des messes dominicales à Saint-Pierre. Le Saint Pierre de Lessines, hein ! Pas celui de Rome, bien sûr. Ma première scène, celle sur laquelle j’ai fait mes armes si on peut dire, c’était le sol en carrelages à droite du curé. Très grande salle, haute de plafond, mais aucun light-show excepté la seule lumière du jour et puis quelques cierges aussi, mais pas de quoi faire du vrai bon boulot. Pour le son, il y avait bien une sono, mais ça sonnait quand même très moyen. Et puis franchement le curé était tout sauf un showman. Vraiment trop mou ! C’était pas avec lui que j’allais décrocher la lune, alors j’ai rendu mon aube.
L’année suivante, on cherchait du monde à la chorale du coin et j’avais entendu dire qu’ils allaient faire une tournée aux États-Unis ! L’Amérique !!! Je me suis présenté évidemment, comme d’habitude sans prévenir mes parents, et j’ai été retenu. C’était quand même une putain de distinction de partir aux USA, moi qui n’avais jamais dépassé le Grand-Duché du Luxembourg. Les copains, ils allaient être drôlement épatés ! Et puis même pour moi, l’Amérique, c'était pas rien… que je croyais, parce que là ou ailleurs c’était quand même toujours dans les églises que ça se passait. Et chanter les Sabat Mater et les Jubilate deo, c’était pas vraiment comme ça que j’avais imaginé les choses.
Alors quand, en 76, on a découvert les Beatles ou plutôt l’un de leurs albums au Luxembourg justement, dans un supermarché, pour mon frère et moi, ça a été la révélation. On allait apprendre à jouer, de la guitare pour moi parce que la guitare, ça en jette quand même, et de la basse pour lui. Je m’y suis cramponné à cette idée de pop-star. J’y ai mis toutes mes forces, tout mon temps, toute mon énergie et on a été bons, vraiment bons. Mais malgré nos efforts, notre talent et mes certitudes, on n’a jamais été aussi populaires que les Beatles, ni même que les Rolling Stones d’ailleurs. Alors, je me suis mis à renoncer… jusqu’à ce que je me mette à écrire, à aimer ça et à comprendre que les copains ne trouvaient pas mes textes trop dégueulasses. Bardaf, je me suis repris à rêver largement au-dessus de mes moyens ! Goncourt ! Journal de 20 heures sur France 2 ! Dédicaces en compagnie d’Émile Zola et d’Hemingway !
C’est un peu haut, je sais. Mais si on ne vise pas la lune, comment espérer atteindre ne fut-ce que le nuage le plus bas ?