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Passeport en larmes
Préambule

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Elle c’est le petit loup – on dit P’tit loup – et lui, c’est lui. Ce soir c’est un peu nerveux dans leur vie. Un peu anxieux. C’est parce qu’ils vont devoir se quitter. Oh, pas pour longtemps, cinq ou six jours. Non, sept. Sept jours ne c’est pas long. Mais c’est long quand même. Elle a l’estomac serré et ça se voit. Lui, le voit. Il le sent simplement parce qu’il est aussi perdu à l’idée de la séparation. Sept jours, il a déjà compté en heures, ça fait 168 heures, quand on compte en heures ça paraît moins long. Mais surtout c’est six nuits loin d’elle, loin de son corps dans le lit, le lit où il se glisse alors qu’elle est déjà dormante, et où il ferme les yeux dans la chaleur rassurante. C’est un vieux couple d’amoureux. Ça ne s’explique pas. Il n’y a rien d’extraordinaire. Ils sont simplement à deux.

 

Ils sont là avec l’idée de devoir être séparés pour tous ces jours sans fin. Ne plus sentir leur respiration commune, leurs gestes connus par cœur, c’est si dur. Si dur. Lui, il procède comme dans un film, tranchant le scénario – un jour d’avion, un jour de tourisme forcé, et puis cinq jours encore, pour le travail. Enfin non, quatre seulement, parce que le dernier jour c’est le jour du retour et ça ne compte pas. Ou plutôt si, ça compte double même, c’est le plus beau des jours, celui qui annonce la fin de la séparation, celui où il est de retour dans l’avion – dans la fusée vers elle.

 

Il part loin, comme ça, sans savoir comment c’est, là-bas. Ce n’est pas cela qui l’inquiète. C’est simplement l’idée de la chambre dans le grand hôtel international, la chambre qu’on lui a réservée. La chambre sans elle. Et elle, elle restera là, elle aura un vide dans les gestes du quotidien, la télé, le café du matin. Après tant d’années c’est sûrement ça l’amour. La tendresse et la confiance. Ils vont dans la vie, blottis comme deux enfants, ils s’aiment. Au-delà des lits d’amants, au-delà des chants de la jeunesse, ils ont une substance de vie commune, une nourriture ensemble. Faut dire, faut dire que ça fait si longtemps qu’ils ont l’habitude de sentir l’autre à leur côté. Alors sept jours ça fait une amputation. Mais il ne s’agit que de sept jours. Et il n’y aura pas de morceaux à recoller, ils seront comme deux billes de mercure à nouveau réunies. A nouveau ils se mélangeront, sans un mot. Il n’y a pas besoin de mots.

 

Ce soir c’était le septième jour et il rentrait. Il y avait eu ces six jours, ponctués de coups de téléphone pour se dire le temps qu’il restait. Et ce soir il rentrait.

Publié le 17/07/2025 / 2 lectures
Commentaires
Publié le 18/07/2025
Bonsoir Stanislas, un changement de style radical qui n’est pas pour le déplaire, c’est très bien d’être surpris dans ses lectures. Le fait que l’on ne sache rien de l’extérieur intrigue et c’est un bon ressort pour attiser la curiosité et attendre la suite. A plus tard.
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