L'ancre a bien été ajoutée. Vous retrouverez l'ensemble de vos ancres dans la rubrique Reprendre ma lecture

 

Hier matin, j'ai essayé de me lever. Impossible. J'avais l'impression d'avoir des lances dans la poitrine, qui me plaquaient au lit. Trois semaines d'arrêt : épuisement physique et nerveux. Le médecin vietnamien qui me soignait avait conclu le diagnostic en me disant : « il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier ! J'ai pratiquement toutes les oeuvres de Stefan Zweig, introuvables à cette époque, que j'ai pu me procurer dans les fonds d'édition par un ami libraire. Les prix n'ont même pas été révisés. Je paie certains livres au prix qu'ils valaient dans les années 30. Sur beaucoup d'entre eux « 24 heures de la vie d'une femme » ou « Amok », je vois sur la couverture le nom de l'éditeur français « Victor Altinger » disparu depuis, dont le fonds a été repris par « Stock ». Je connais mal l'auteur. Mais, quelques années plus tôt j' avais lu dans «Le Monde », sous forme de feuilleton, « Le joueur d'échecs », qui m'avait passionné.

Nous étions une bande d'amis au Quartier latin, à attendre tous les jours pendant un mois le marchand de journaux qui passait au café, vers 14:00. Nous étions même allés au « Tournon », café situé en face du Sénat, pour voir les joueurs d'échecs, jeunes immigrés d'Europe de l'Est et nous mesurer à eux, pour nous faire battre à plate couture, en quelques minutes. Quelques années plus tard, je découvre « La confusion des sentiments » et décide de me procurer l'ensemble de l'oeuvre. J'achète aussi quatre Modiano, mon auteur préféré de l'époque. Je suis seul toute la journée. Je n'écris plus depuis plusieurs années. Je le regrette, sans pour autant me remettre à l'ouvrage, car, pour moi l'écriture ce n'est pas du travail, mais de l'inspiration.

Cassé par la vie comme je suis, sans estime de moi-même, au fond du trou, je n'ai rien qui puisse me faire aller de l'avant. Je me réfugie dans la lecture, les mots des autres, leur monde aussi, pour me faire oublier le mien.Je viens de terminer la lecture de « Villa triste », de Patrick Modiano, lorsque j'entends une double explosion dans la cuisine. Les deux oeufs durs que j'ai oubliés sur le gaz. Il y en a un peu sur les murs. Je nettoie. Je prends un deuxième roman de Modiano, que j'abandonne au bout d'une vingtaine de pages. Il ressemble trop au précédent. J'ouvre le grand sac plastique qui contient l'essentiel de l'oeuvre de Stefan Zweig. Je lis « Amok », nouvelle d'une centaine de pages, d'une rare intensité, à la chute carrément imprévisible. Je suis dans le même état d'esprit que le héros du texte, complètement habité. Je me laisse aller sur le canapé, me détend un peu, reprend un deuxième ouvrage, une biographie. Je n'aime pas les biographies, la feuillette néanmoins. 2:30 plus tard, j'ai découvert la biographie la plus passionnante que j'ai pu lire à ce jour « Magellan ». Je pose le livre. Je suis abasourdi par sa forme, son contenu. Cet écrivain fait du lecteur ce qu'il veut, en tout cas son obligé. Quelques heures après, je me dis que je devrais me remettre à écrire. Mais, je sens le découragement m'envahir. Jamais je ne pourrai écrire aussi bien. 

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Marcel nous a quitté le 29 avril 2020 et c’est avec l’accord de son épouse et avec le souvenir de tous ses amis que nous sommes très heureux et émus de continuer à faire connaître ses textes et son talent que vous retrouverez sur ce compte. N’hésitez pas à vous y abonner, à partager ses textes, et à laisser des commentaires pour faire perdurer ses textes et son souvenir.


Publié le 13/09/2024 / 9 lectures
Commentaires
Publié le 13/09/2024
J'ai découvert et lu Zweig et Modiano grâce à Marcel. Nous nous retrouvions, seuls ou en compagnie d'autres auteurs au Canon des Gobelins à deux pas de la Gare d'Austerlitz. Il me donnait le livre car il considérait que les livres devaient se transmettre et il m'a ainsi permis de me construire grâce à la littérature. Marcel était passionné des mots et il attendait avec impatience la création de cette plateforme d'écriture. C'est avec beaucoup d'émotions que je vais relire et commenter l'ensemble de ses textes. Celui-ci est conforme à ce qu'il était, un passionné de Zweig et de Modiano, et Zweig lui avait bien coupé l'envie d'écrire tant il considérait sont talent écrasant, et qu'il était bien vain d'écrire après lui. Heureusement, il s'est remis à écrire et même à s'inscrire dans un atelier d'écriture du soir. Il m'avait donné à lire également la biographie de Balzac par Zweig et je découvrais dans ce texte que celle de Magellan était encore plus brillante. Je ne l'ai pas encore lue à ce jour et me promets de le faire.
Publié le 13/09/2024
Merci Léo pour l’historique. :-) Il me semblerait vain de vouloir égaler Zweig car plus que le style, pour moi c’est la présence même de Zweig qui le rend inimitable dans une bibliothèque. Elle est aussi inimitable que l’est celle de la personne de Neal Cassidy qu’on l’appelle Dean Moriarty ou pas: c’est une personnalité. On connaît mieux Zweig en lisant ses biographies. Sa personnalité ses doutes et ses craintes deviennent transparents à mesure qu’il enquête sur les autres comme si ses enquêtes le révélaient à lui-même. Cependant, celle de Magellan ne m’a pas bouleversée autant que la lecture de Marie Antoinette avec une transition magnifique de la légèreté au tragique. J’aime les travaux de Zweig autant que j’apprécie les écrits de Léon Blum sur Stendhal. A lire l’un, on se prend de sympathie pour l’autre. Il y a de la tendresse dans sa compagnie chaleureuse et tout pour engager à lire ou écrire. Alors, voilà qu’est-ce qui empêche de parler ou d’écrire chez Zweig, c’est très mystérieux pour moi mais peut-être as-tu la clef de ce texte toi qui en connaissait l’auteur? Et pourquoi la biographie de Magellan plus qu’une autre?
Publié le 14/09/2024
Pour lever ce mystère il faudra que je lise les deux biographie, celles de Magellan et de Marie-Antoinette.
Publié le 14/09/2024
Merci de partager ce très joli texte de Marcel qui sonne juste. Tu le fais connaître et tu le rends sympathique. J’ai rencontré la même expérience que Marcel avec Modiano en refermant un livre parce que j’avais l’impression d’entendre le même air de musique. Côté Zweig, je n’ai pas lu Amok. À plus tard.
Publié le 16/09/2024
Chouette. Chouette et simple. Chouette, simple et universel.
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