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Le Poison verbal

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   Un mot, un coup. Un mot, un coup. Un mot, un... Les mots tuent. Mais ça ils ne le savaient pas quand ils l'ont frappé avec leurs phrases qu'ils croyaient anodines. Ils ne savaient pas qu'en lui disant : « t'es nulle ! »« pleure pas ! »« elle est moche ! », « tu sais l'hôpital psychiatrique t'attends. », et le sacro-saint « elle est bizarre !», qu'ils rentreraient dans sa tête pour descendre jusque dans son ventre, et s'emparer de l'un des biens les plus précieux de l'être humain : ses émotions. Ils ne voyaient pas que, chez elle, la peur prenait le pas sur la joie, jusqu'à l'angoisse. Que la colère brûlait ses os. Ils ne voyaient pas que quand ils la regardaient de leurs yeux moqueurs, son coeur s'emballait et qu'elle voulait disparaître, devenir invisible. Ce qu'ils voyaient encore moins c'est qu'ils la détruisaient de l'intérieur, l'amenant même à s'auto-détruire au moyen de la culpabilité. Pour toujours. Jouant avec ses émotions, comme on joue avec une poupée, ils la vidaient à tel point qu'elle ne savait plus qui elle était, l'arrachaient à elle-même. L'arrachaient à elle-même. Alors pour elle, elle n'était rien. Une coquille vide. Les mots avaient creusé un trou béant à l'intérieur. Elle errait dans ce trou noir avec pour unique guide le rêve d'une possible liberté.                                                                                                                 

     Ils lui prenaient tout, inconscients de leurs actes, et, une fois fini, la laissaient seule. Seule avec cette elle-même qu'elle apprenait à percevoir et qui, d'un coup, n'était plus. A chaque fois qu'ils actionnaient les marionnettes Peur et Colère (qu'est-ce qu'ils les adoraient !) son ventre se tordait de douleurs qui venaient enflammer sa poitrine, percer son coeur, puis remonter dans ses joues avant de sortir dans les larmes qui coulaient sur elles. En croyant s'amuser ils l'effaçaient comme une gomme efface les tracs du crayon. Elle ne pouvait pas se défendre, dire quelque chose. Bâillonnée, ses cris résonnaient en elle plutôt qu'en dehors. 

    Aujourd'hui Anastasia le sait ses douleurs sont encore présentes, la fatigue présente, ses émotions sont désordonnées, son cerveau se perd parfois. Elle est fragile. Elle va de chocs traumatiques en chocs émotionnels, en faisant preuve d'un courage qu'elle ne pensait pas avoir. Mais elle sait ce qu'ils ne sauront peut-être jamais : qu'une parole a un effet, qu'un mot ne peut être choisi au hasard, qu'une phrase peut changer une vie. Car oui, si nous ne sommes pas conscients de la portée de nos mots ils peuvent tuer. Nous, comme les autres. Cependant, si l'on fait attention ils deviennent les messagers d'un espoir : celui d'être guéri, d'aider à guérir par la bienveillance, de dépasser ses peurs, de vivre au-delà de la violence, de croire, non à la haine, plus encore à l'amour.

Lucie R. 

Le texte suivant est un écrit ayant pour sujet le harcèlement scolaire. Engagée dans la lutte contre ce fléau j'ai décidé d'écrire, à l'occasion de la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire (toujours début Novembre), un texte, un poème... Je me suis mise au défi de renouveler mon travail autour d'un même thème (en espérant ne pas l'épuiser), en écrivant chaque année, ce qui en fait une tradition.                                 C'est en posant des mots sur ce problème social que j'ai pu mettre des mots, personnellement et avec bien des difficultés, sur ce que j'ai vécu. Je vous prie donc, à cet égard, de ne pas vous approprier les mots ci-dessous car vous pourriez me blesser, et avoir, de ma part, une réponse glaçiale (je n'hésite pas une seule seconde à signaler et bloquer, et je peux même aller jusqu'au tribunal (surtout quand cela vire au plagiat)). En vous précisant cela mon objectif n'est pas de vous faire peur, mais de vous prévenir.                                                        Je vous remercie de votre compréhension. 

Je publierai, le 7 novembre, le texte sur mes réseaux sociaux.

(Le texte n'est pas libre de droits.).        


Publié le 04/11/2024 / 18 lectures
Commentaires
Publié le 05/11/2024
Bonsoir Lucie et merci pour ton texte très émouvant, mais aussi très bien construit. Ton image d’entrer dans la tête jusque dans le ventre. Cette traversée du corps, transperçant la dignité et l’intime est très bien écrit. Et la touche d’espoir en toute fin, qui initie la reconstruction, nécessaire pour ne pas laisser la violence avoir le dernier mot. J’aurais mis les explications du contexte de ce texte en toute fin, après une ligne de séparation. Ton texte a un fort impact, et commencer par lui encore plus interpellant.
Publié le 07/11/2024
Bonjour Léo, je vous remercie pour ce joli, et pertinent commentaire. Après une nouvelle relecture votre suggestion m'a paru judicieuse, alors je l'ai appliqué. Merci beaucoup !
Publié le 08/11/2024
Bonjour Lucie, Ton texte entre en résonnance avec ce que je vis depuis 7 ans, à présent. Un harcèlement organisationnel (c'est la dimension supérieur du harcèlement, car il implique des communautés aguerries à ces pratiques) et surtout des institutions complices, en raison d'un niveau de corruption élevé. Comme toi, j'ai la chance de pouvoir transformer mes traumas en mots, et je suis très combattive...ce qui a toujours été un défaut, mais dans ce contexte, est une qualité. Il était important d' énoncer tout ça afin que tu comprennes pourquoi ce texte, d'une clarté lumineuse et d'une très grande délicatesse, me touche profondément. Car c'est la victoire de l'humanisme bienveillant sur le règne de la barbarie. C'est un manifeste nous rappelant notre mission première: être un être humain decent (a decent human being). Merci pour ces mots qui réparent! («Si vous ressentez de la douleur, vous êtes vivant. Si vous ressentez la douleur des autres, vous êtes humain» Leo Tolstoy)
Publié le 08/11/2024
Bonjour Engome, je suis très émue de savoir à quel point mon texte a pu vous toucher. Je suis tout à fait d'accord avec vous, nous avons tendance à oublier que nous sommes des êtres humains, notamment à cause de toutes les choses superficielles qui sont dans notre société. On en oublie l'essentiel, et c'est bien regrettable.... Heureusement, mettre des mots sur notre vécu nous rappelle qui nous sommes, en plus de faire un bien fou ! Encore merci pour votre commentaire, et au plaisir de vous lire.
Publié le 10/11/2024
Texte poignant de vérité. Il y a encore beaucoup à écrire au sujet du harcèlement. Ce texte est la preuve qu'en tant qu'enseignant on n'exagère pas la portée des mots sur des ado que l'on peut retrouver tremblant devant sa porte de classe contrairement à ce que j'ai pu entendre par ailleurs. La question de savoir en quoi ce tribunal extérieur résonne avec un tribunal intérieur chez chacun demeure ouverte. Une chose est sûre: ces clameurs tuent. Quant à la question de finir "à l'asile", à "l'hôpital psychiatrique": elle heurterait n'importe qui travaillant de près ou de loin dans le secteur de la santé mentale. Ça dénote qu'il y a encore dans l'inconscient collectif, "les fous", "les faibles" et les autres qui seraient "forts" et "bien portants". Pourtant, être fort, ne veut pas dire être sain, il faudrait le crier. Écraser les autres de jugements est une preuve de force mais cette force là est toxique. Il faudrait parvenir à rendre le monde dans lequel nous vivons plus inclusif et un texte comme celui-ci peut y contribuer. Merci donc pour ce partage Lucie R.
Publié le 13/11/2024
Myriam je trouve très juste l'utilisation du verbe "écraser" pour désigner l'effet du jugement des autres. C'est exactement ce que subi un enfant qui découvre la vie avec fracas malheureusement... Si notre monde pouvait respecter (c'est le maître-mot) les différences, le vécu de chacun, il ne s'en porterait que mieux. Enfin, je vous remercie pour votre commentaire, il me touche beaucoup.
Publié le 19/11/2024
Avant toute chose, parce que je suis un vieux con attaché à la rigueur et à la clarté, je dirai que le texte démarre sur une grosse faute. "Les mots tuent. Mais ça ils ne le savaient pas..." Le pronom personnel ne peut qu'être mis pour le nom le précédant, surtout s'il est du même genre. Bien sûr on comprend que tu parles des auteurs de ces mots. Mais cette anomalie m'a contrarié et contrarie, je crois, tout lecteur. Je comprends que tu souhaites jamais ne les nommer de près ou de loin, les malfaisants qui assassinent à travers leurs remarques. Ton "ils" correspond bien à ces personnages diffus qui sont tous et personne. Mais c'est aussi l'intérêt d'écrire, je trouve, devant un dilemne comme celui-ci, comment tourner les mots sans jamais remettre en question ni la clarté ni l"honnêteté du texte ? "(...) son ventre se tordait de douleurs qui venaient enflammer sa poitrine, percer son coeur, puis remonter dans ses joues avant de sortir dans les larmes qui coulaient sur elles." J'ai ressenti ici toute l'intensité du mal-être des victimes pour qui tu as une vraie empathie. Bref, tu es touchée par ce dont tu parles et tu pourrais toucher davantage encore en retravaillant ce texte qui mérite de l'être. ;-)
Publié le 22/11/2024
Cher Fils de Louis, je comprends vos remarques, et suis tout à fait d'accord. Cela peut prêter à confusion de prime abord, avant qu'on ne lise la suite du texte et que l'on sache de qui il s'agit réellement. Je vous remercie pour vos conseils, et ne manquerai pas d'y réfléchir !
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