Le chant d’Isis.
Nil, écoute mon chant, vois mes larmes, mes pleurs,
Et vous, tombeaux des rois, embrassez ma détresse.
Comment de cet effroi dis-moi, toi, la prêtresse
Puis-je effacer l’offense et chasser les douleurs ?
A quoi me sert la vie puisque je t’ai perdu.
Osiris, ma moitié, mon infini, mon double,
Peux-tu seulement voir la noirceur qui me trouble ?
Sans toi nul horizon, sans toi nulle vertu.
Maât seule connait ce qui me désespère.
Quand je m’offrais à toi l’Egypte s’enivrait
Puis l’Égypte en riant venait me délivrer,
Je t’avais pour mari, pour compagnon, pour frère.
Comme il me semble impur cet air que je respire.
Alors qu’il fut chargé des parfums de l’amour
Quand, à l’heure où l’ibis du crépuscule accourt,
Tu venais boire en moi tous les ors de Palmyre.
Hélas ! Seth est venu déchirer notre union,
Ouvrir à deux battants les portes de la haine,
Me changer en esclave alors que j’étais reine.
Toi mort et moi perdue, cruelle communion !
Emporté par le fleuve Osiris tu t’envoles
Et s’envole avec toi mon amour absolu,
L’hiver triste a chassé notre été révolu.
Alors me sont venues les espérances folles.
Près du fleuve sacré j’ai voulu te chercher.
J’ai suivi cent chemins, arpenté mille routes,
Luttant contre les vents, luttant contre mes doutes,
Jusqu’à te découvrir sous des lotus couché.
Par la grâce de Rê, un seul battement d’ailes
Suffit à t’éloigner du Royaume des morts.
Et quand je vis le feu reconquérir ton corps
Je compris que les dieux m’étaient restés fidèles.
Nil, écoute mon chant, doux fleuve que j’aimais,
Tu m’as rendu l’amant qui habitait mon âme,
Tu m’as rendu la vie, l’espérance, la flamme,
Je serai ta servante, ô Nil, à tout jamais.