Exrait de "Ressac", mon premier roman.
Anaîs est une infirmière qui souhite opérer une reconversion professionnelle. Elle a rendez-vous avec un banquier parisien afin d'obtenir un prêt.
Ils buvaient leur café sans un mot, éclairés par la lumière ocre jaune de fin d’après-midi. Anaïs semblait perdue dans ses pensées, les yeux écarquillés sur le néant. Le soleil lui semblait différent à Paris, moins chaud, moins intrépide. À Montpellier, sitôt les premières tiédeurs, les gens revêtaient tee-shirts et bermudas et s’exposaient sur les pelouses des jardins publics. Un peu comme en Angleterre, à la différence près que les Anglais se dévêtaient dès le moindre rayonnement, de mars à novembre. Ici, les promeneurs présentaient une sorte de retenue naturelle, peut-être due à la beauté et à la solennité de la Place Vendôme et préféraient se réfugier dans les zones d’ombre disponibles. A moins que l'astre ne soit moins adulé à Paris ? C’était inconcevable pour elle. La caresse de ses rayons lui procurait un plaisir infini difficile à dissimuler, une sorte de contact très sensuel apparenté à l’effleurement d’une main, parsemant des dizaines de petits foyers brûlants sur sa peau. Tout à cette sensation délicieuse, elle offrit son visage au ciel en soupirant de bien-être.
Le banquier, en léger retrait, observait cette femme incroyable, inconsciente de sa sensualité dont le bien-être évident s’affichait d’une façon naturelle et sans retenue. Elle semblait conçue pour vivre dans la lumière. Des flammes claires allumaient sa chevelure et jouaient, mutines, avec les boucles auburn échappées de son chignon. Il pensa la photographier, mais devant le risque de briser l’instant magique, se contenta de graver l’image au plus profond de sa mémoire. Au nid du cou dénudé, il perçut le tressaillement régulier des battements de son cœur. Il eut envie d’y poser sa bouche. Dans ce moment hors du temps, il la trouva belle, belle et émouvante, belle et fragile… Belle et extrêmement désirable…
Anaïs frissonna malgré la chaleur du soleil à travers la baie vitrée, elle savait très bien que la climatisation du bureau n’y était pour rien. La présence de cet homme dans son dos perturbait sa régulation thermique et induisait des chauds et froids incessants. Il était vraiment tout près d’elle. Elle sentait son haleine dans son cou, son souffle devenu plus court depuis une minute.
Il était grand temps de se reprendre et d’aborder enfin le motif de ce rendez-vous : L’obtention de son prêt.
— Pourquoi diable as-tu accepté ce café ? Tu n’as pas tout de même pas oublié le but de ta visite, ma belle ? lui glissa une petite voix moqueuse dans sa tête.
— Ah la ferme ! Je sais ce que j’ai à faire, s’auto- répondit-elle, agacée.
Prenant son courage à deux mains elle se retourna d’un mouvement décidé pour poser sa tasse sur le bureau. L'homme n’avait pas bougé d’un centimètre et elle se heurta contre sa poitrine. Il était grand, elle ne l’avait pas vraiment remarqué en pénétrant dans la pièce mais elle en prenait pleinement conscience à présent. Il la dominait d’une bonne tête et le visage d’Anaïs se trouvait de ce fait au niveau de son cou, juste sous une pomme d’Adam légèrement proéminente, dont les allers et retours nerveux dénotaient le trouble de son propriétaire.
— Tu t'appelles Anaïs, pas Eve, entendit-elle en voix off.
L’odeur de la peau masculine assaillit le cerveau d’Anaïs, ou était-ce une réaction biologique, un signal à son hypothalamus ? Elle n’aurait pu le préciser. Elle avait retenu de ses études, que chez les mammifères les phéromones transmettaient des messages sexuels entre individus d’une même espèce, mais cela n’avait jamais été prouvé chez l’homme. Eh bien, il serait bon de développer des travaux sur le sujet, elle était prête à témoigner ! En tout cas, pas besoin de la science, pour démontrer que la communication passait parfaitement entre les deux personnes de cette pièce. A l’œil nu, on pouvait détecter que l’homme mettait la femme dans tous ses états, et que l’effet était totalement partagé.
Il prit doucement la tasse des mains d’Anaïs, la posa sur le sous-main à côté de la sienne. Elle se sentit dans la peau d’un lapin devant un cobra, hypnotisée par les gestes d’une lenteur indescriptible, comme si chacun d’entre eux revêtait une importance capitale.
Elle eut l’intime conviction que tout allait basculer, il allait l’embrasser. Une sourde crampe presque douloureuse irradia le bas de son ventre et s’insinua entre ses jambes flageolantes. Il avait suspendu son geste… Pitié ! elle n’en pouvait plus d’attendre ! Elle prit l’initiative et posa une main sur la poitrine masculine, puis la deuxième, et leva son visage vers lui. Il ne bougeait toujours pas, un demi-sourire dessiné sur ses lèvres charnues. “Putain, que ce type est sensuel ! " pensa-t-elle.
— Embrassez-moi, s’il vous plaît, supplia-t-elle d’une toute petite voix.
Ce fut le signal qu’ils attendaient tous les deux. Leurs bouches s’attrapèrent avec une avidité proche de la violence. Leurs dents s’entrechoquèrent sous la force du baiser, sans crainte de blesser l’autre. L’heure était à l’assouvissement d’une attirance irrépressible et incontrôlable. Elle sentit à peine une douleur quand l’incisive de l’homme entailla sa lèvre inférieure. Il n’eut même pas un recul quand elle le mordit à son tour. Ils partagèrent avec délectation, le goût fade du sang mêlé à celui du café. On aurait dit le combat de deux vampires assoiffés, s’il n’avait fait plein jour dans la pièce.
Il accrocha les cheveux d’Anaïs d’une main, lui tira fortement la tête en arrière pour l’obliger à tendre son visage vers lui et l’empêcher de se soustraire à son baiser. Sous la force du geste, l’unique épingle qui retenait ses cheveux en chignon se détacha, pour rejoindre quelques trombones étalés sur le bureau, libérant l’opulence de la masse rousse telle une torche embrasée…
Elle jeta littéralement ses bras autour de son cou, comme une naufragée face á sa dernière minute de vie. Il émit un grognement rauque, quand elle s’écarta pour rependre son souffle et il tenta de reprendre sa bouche. Elle eut un mouvement de recul en apercevant les traces de sang sur ses lèvres. «Nous sommes complètement fous ! » se dit- elle, en abandonnant le peu de conscience qui lui restait.
Le train de la passion était lancé à pleine vitesse, et nul signal d’alarme ne pouvait plus le ralentir, ni le stopper, encore moins opérer une marche arrière. Elle sentit la main de l’homme s’immiscer sous sa jupe, en une caresse possessive et audacieuse, qui la laissa pantoise de désir. Instinctivement, ses jambes lui laissèrent le passage. La tête lui tournait. Elle fut prise d’un vertige sous la précision des caresses et perdit l’équilibre, toute force abandonnée. Un soupir s’échappa de sa bouche ne laissant aucun doute sur le plaisir que cette main lui procurait. « Encore » laissa-t-elle échapper, absolument désorientée. Il la rattrapa avant qu’elle bascule, la souleva littéralement en plaçant ses bras autour de ses cuisses. Elle encercla aussitôt les fesses masculines de ses jambes et plaqua son bassin le plus étroitement possible à celui de son partenaire. La position avait complètement remonté la jupe de la jeune femme au niveau de sa taille, laissant apparaître deux fesses ovales débordant d’une mini culotte de dentelle blanche. Il toucha le tissu étriqué entre les dunes douces et arrondies et remonta vers une chute de rein entourée d’une fine chaîne. C’était sa raison qui était en chute vertigineuse !
Il bascula la jeune femme sur le bureau et sa tête, en cognant sur le placage vernis, envoya valser le pot à crayons lesquels roulèrent bruyamment jusqu’au sol. Elle entendit le bruit du zip de son pantalon, celui d’un sachet ouvert avec les dents, et le craquement de sa petite culotte écartée sans ménagement. Elle alla à sa rencontre avec un petit cri aigu.
L’assaut dura à peine quelques minutes. C’était plus un soulagement qu’un acte d’amour, une question de survie qui les réunit au même moment dans la jouissance. Rien n’aurait pu empêcher cet instant. C’était écrit à la minute même où leurs regards s’étaient croisés.
Ils restèrent un instant soudés l’un sur l’autre à la recherche d’un second souffle. Le banquier se souleva et libéra Anaïs de son poids. Contre toute attente, elle ressentit un grand vide. Puis il lui tendit la main pour l’aider à se relever, elle s’en saisit maladroitement et se remit sur pied en chancelant. Ils avaient l’air aussi hagard l’un que l’autre, lui sa tignasse brune hirsute et le pantalon aux chevilles, elle, la jupe encore remontée au dessus de sa taille et des trombones plein les cheveux.