Ce texte est un hommage en pensées à Gisèle Prévoteau, auteure et amie partie trop tôt.
La fillette aux éclats de vers
La fillette aux éclats de vers, ne gravera plus l’écorce de mon cœur. Elle n’inscrira plus la beauté de son âme en sursis ; celle qui bouillonnait, pulsait, et tambourinait pour vaincre le parpaing-prolifère, qui emmurait le vivant. La geôle terrestre n’enchaînera plus ses maux aux ombres glaciales de la raison. La fragilité insurgée demeurera muette, bâillonnée des plumes d’ange qui lui ont poussées. De longues ailes fines ont battu l’envolée. Aussi fortes qu’avait tambouriné ce cœur flamboyant. Fillette s’est évaporée au fil de mes larmes.
J’ai pleuré encore, alimenté ma crue de chagrin jusqu’à me noyer dans les flots de ton absence. Puis je me suis cramponné. J’ai dérivé sur notre embarcation sommaire. Tu sais ? Celle que nous avions constituée de mots et d’autres, que nous avions solidement attachés aux liens de notre souvenir. Entends-tu les lattes de mes phrases déformées par la douleur, craquer en notre dernière descente sur les flots du malheur ? Vois-tu fillette ceux que tu as combattus défiler sur les rives de mon au revoir ?
Çà et là, des spectres en débâcles qui s’agitent et hurlent jaloux, notre passage triomphant. À quel point demeurent-ils pathétiques ? À se heurter les uns aux autres, à s’empoigner de leur fureur sourde. Entends-tu geindre et se morfondre la peuplade des bouffeurs de rêves ? Leurs marmites qui bouillent et persiflent leur vide nouveau. Aperçois-tu au loin les sombres nuages se frictionner de haine pour nous faire chavirer, cracher leurs bourrasques inutiles de leur mimique édentée ? Ah fillette, qu’il est bon de voir s’effondrer les enfers, les abysses rachitiques s’évaporer de leurs os. La perfidie tournoyer et se prendre les pales dans son ordurière manœuvre, chuter puis ramper aux déserts arides. Dans le lointain, la charge monstrueuse enfonçant la porte des geôles de leurs consciences. Les entends-tu à présent pleurnicher leurs regrets ? Agenouillés dans les ruines de ce qu’ils n’ont jamais été et de ce qu'ils ne pourront désormais plus détruire.
S’il te plaît fillette, reste-moi juste encore un peu ! Que je puisse te conter ces censeurs qui tricotent de leurs mains nos pelotes d’espoirs. Une maille à l’endroit, un mot à l’envers, une armure de profonde repentance. Et là encore, ces pilleurs de bonheur semant leur pardon au gré des saisons. Tes tourmentes sont derrière fillette, elles ont péri par tes larmes ; ton sang d’encre comme une ultime épitaphe : « ci-gît les maux orphelins… ».