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La colère : J'IRAI PAS

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Ce texte participe à l'activité : Les 7 péchés capitaux

La colère fait partie du cheminement de la personne en longue maladie. Elle est nécessaire et permet le combat.

 

J'IRAI PAS

Ils ont dit que j'étais au bout
De mon chemin mais j' m'en fous.
J'irai pas là où ils prédisent que je vais aller.
Ils peuvent bien faire ce qu'ils veulent,
Sans un cri et sans voix je gueule !
J'irai pas là ils doivent m'emmener,
Avec leurs morts encore vivants,
Et ces vivants pas encore morts
Qui attendent leur tour patiemment 
En serrant trop fort leur passeport.

Ils sont qui ces scientifiques qui expliquent
Avec leurs mots qui compliquent ?
Qu'est-ce qu'ils en savent de mes maux,
De mon moral à zéro,
De ma gerbe à les entendre
Parler de moi à demi-mots ?
Méta, Néo, qui peut comprendre ?
Cancer, c'est pourtant pas nouveau
Comme mot, mais c'est mortel.
Et pas mortel accidentel...

J'irai pas dans leur lit.
J'veux rester là et conjuguer ma vie
Au futur proche, sans artifice,
Sans l'aide de leurs soins palliatifs.
Je suis présent, je suis vivant,
Même si j'ai l'air de faire semblant.
Pourtant je suis déjà mort de peur.
J'ai peur du noir, de la douleur,
J'ai peur du silence et du froid,
Du temps qui passera sans moi.

S.O.S ! Il y a un contrat sur ma tête !
La grande prétresse me guette,
Elle guette la moindre de mes faiblesses.
Peut-être que si je ferme les rideaux
Elle ne verra pas ma détresse,
Elle oubliera le cancer de mapeau ?
Toi, là-haut, si jamais tu existes,
Et pour une fois j'ai envie d'y croire, 
Fabrique une potion d'alchimiste
Et fais-lui perdre la mémoire !

L'éternité, c'est bien trop long pour moi.
J'veux pas y aller... et j'irai pas.

 


Publié le 31/07/2024 / 22 lectures
Commentaires
Publié le 31/07/2024
Petites fautes formelles pour commencer et pouvoir finir avec le meilleur. Lorsque les possesseurs en possèdent chacun un et un seul, le leur reste au singulier. Donc "Qui attendent leurs tours patiemment En serrant trop fort leurs passeports." devrait être "Qui attendent leur tour patiemment En serrant trop fort leur passeport." Le flow saute aux oreilles ! On ne peut pas lire le texte sans entendre la voix qui le crie. Et c'est bien aussi de tourner ce "défaut" en une caractéristique. Pourquoi s'exprimer serait un défaut. Chacun fait de son mieux. S'il crie, c'est que c'est le mieux qu'il puisse faire.
Publié le 01/08/2024
Hé bien voilà c'est tout moi ça. A l'origine, j'avais écrit "leur tour" et "leur passeport" au singulier car il n'en n'ont qu'un seul chacun. Et me voici chez le coiffeur en train de me dire, "frisée et lisse" ? et en même temps "singulier ou pluriel" ? Et voilà que je mets un pluriel et que que je me retrouve cheveux lisses... Je m'empresse de corriger les deux. Merci pour la correction et le ressenti !
Publié le 01/08/2024
Bonjour Agathe, je trouve ce texte génial parce qu'il met le doigt sur une réalité quotidienne côté soignant/soigné. "Parler de moi à demi-mots": on entend encore trop ces débats de salle de garde sur les vignettes cliniques DEVANT des patients eux-mêmes. Le "cas clinique" est une personne qui aimerait bien qu'on la regarde, les chambres deviennent des moulins où l'on perd la notion d'intimité, de distance: c'est insupportable car c'est maltraitant pour tout le monde ... alors oui, il faut se défendre:"sans un cri et sans voix je gueule": il y a de ces regards comme ça. "Avec leurs morts encore vivants et leurs vivants pas encore morts": en une phrase voilà l'ambiance des soins palliatifs, c'est sain de ne pas vouloir y aller. C'est criant et d'une grande justesse: au moment de la pose d'un diagnostic avec pronostic "sombre", les personnes perçoivent un univers où ils n'auront bientôt plus leur place, le temps passera sans eux. Tu dis cela très bien. Et ça me remue parce que ça me pose personnellement la question de l'annonce diagnostique ou comment dire quelque chose à quelqu'un qui n'est pas en état de l'entendre... il y a ceux qui se réfugient derrière des données probantes "néo", "méta", "grade" et personne ne comprend rien car on assomme les gens sous le jargon technique. D'autres envoient leur patient avec une ordonnance aux initiales de mauvais pronostic avec un énigmatique "D.C.B" et le patient ne sait encore rien... Je garde ça en tête pendant la journée car aujourd'hui c'est le jour des amoureux de "l'automne des sentiments", ceux dont le bonheur ne fane pas. ^^^À bientôt.
Publié le 01/08/2024
Ton message me va droit au coeur et parle tellement de la réalité que je me dis qu'on est toutes deux ce qu'on appelle dans le fameux jargon " du milieu". J'ai rencontré ces regards de patients, au centre du débat clinique dans une chambre. J'ai assisté aux staff où ce même patient est "classifié" par le biais d'une codification qui le dirige vers un protocole. Mais je ne suis pas là pour dénigrer le système puisqu'il permet de structurer sans affect et par là-même de sauver des gens en ne faisant pas intervenir sa propre opinion. Mon tecxte est une approche côté patient, sa colère, ses peurs et le refus qui permet, à mon sens, de se battre sans subir même s'il faut parfois abdiquer en dernier ressort. Ce texte fait partie d'un ensemble que j'ai écrit sur le Cancer ( à l'époque où l'une de mes proches avait abdiqué). J'avais souhaité traité le sujet sous plusieurs angles avec tout à tour, de l'ironie, de l'espoir, de la tristesse, de l'humour et aussi de la colère. J'ai eu le plaisir de retrouver mes écrits dans mon ordinateur, à l'occasion de ce défi ( Merci Léo) , en me disant que j'aurais peut-être dû les publier. Mais ce n'est pas un sujet simple et porteur. Raison de plus pour apprécier ton retour et celui d'un fils de Louis. Merci à vois deux !
Publié le 01/08/2024
Peut-être qu’il y aurait besoin justement de ce genre de sujet avec ces mots-là. Après tout, une raison d’écrire cela est probablement qu’on ne le trouve pas ailleurs: pas sous cette forme, pas avec ces mots. Le dernier bouquin sur le sujet -un roman- m’est tombé des mains. Ce n’était pas mal écrit, c’était accessible c’est même un best seller mais c’était vide d’expérience et d’une certaine façon de réflexion. Dans ton texte, le patient semble bombardé de termes techniques. En parlant des émotions du patient sous cet angle, tu proposes une véritable réflexion éthique à n’importe quel soignant. Ça saisit, ça se lit vite mais on le garde en tête pendant la journée. Un livre qui aide à prendre du recul face à la pratique, je pense qu’il serait utile et pas qu’à moi.
Publié le 02/08/2024
Bonsoir Agathe, oui cette colère est légitime et même nécessaire pour certaines victimes de cette terrible maladie qui a d’ailleurs emporté bien des auteurs que j’ai pu côtoyer. Et je suis sûr que bien des personnes qui ont pu l’affronter se retrouveront dans ton texte. C’est important d’être en porte-voix pour celles et ceux qui n’ont pas toujours les mots pour dire. Je souhaitais relever également tout ces très parlants passages, mais Myriam l’a fait et extrêmement bien fait avec toute la sensibilité qui est sienne, et me range vraiment derrière, je ne l’aurai pas aussi bien et justement dit qu’elle. Bravo et merci Agathe pour cette contribution très importante.
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