Tribunal correctionnel de Tours
Instance du 22 août 2024.
Plaidoirie de Maître Rébecca Stein, avocat de la défense dans l’affaire GARDIN/COURNEUVE.
« Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Jurés, Mesdames et Messieurs de la Cour, je me tiens aujourd’hui devant vous pour défendre François Courneuve, accusé de coups et blessures ayant entraîné une incapacité de travail temporaire supérieure à huit jours, sur la personne de Monsieur Amédée Gardin, associé du prévenu dans la société PLANETIS, une entreprise de services à domicile.
Vous venez d’entendre la plaidoirie de la partie civile ainsi que la réquisition du Ministère Public. Je ne suis pas devant vous pour excuser mon client, son acte n'est pas excusable. La violence n’est pas admissible dans une société où chaque jour, elle est de plus en plus présente et répond malheureusement trop facilement au conflit ou même parfois au simple désaccord. Tous les jours, les médias rapportent en boucle, des faits conflictuels et véhiculent des images agressives. Ces transmissions sont relayées largement par les réseaux sociaux et s’ensuit une vulgarisation qui a pour conséquence la banalisation des actes de violence.
Alors je dis non ! Monsieur le Président, non ! Mesdames et Messieurs les jurés, non ! Mesdames et Messieurs de la Cour, vous ne m’entendrez pas faire l’apologie de la violence en vous demandant d’excuser mon client. Ce n’est pas lui en tant que personne qu’il faut condamner mais son orgueil. Oui ! Mesdames et Messieurs, cet orgueil qui l’habite depuis toujours et l’a conduit à un acte infâme de violence. Pour une simple divergence d’opinion et de gestion, fait somme toute courant entre des membres dirigeants d’une société, mon client en est venu aux mains et a blessé un autre homme, qui plus est son associé. Inadmissible, je vous l’accorde, alors même que l’essence d’une société civilisée consiste à s’écouter les uns les autres avec nos différences et nos convergences. Or, mon client n’a jamais su faire preuve de cette humilité et de cette ouverture d’esprit tout simplement parce qu’il n’en a pas les compétences et qu’il traîne cette déficience depuis sa tendre enfance.
Je ne vais pas être inutilement long mais laissez-moi vous parler de cet orgueil qui est aujourd’hui sur le banc des accusés, l’orgueil que seul il faut juger. Pas cet homme qui le porte comme une croix ! François Courneuve n’est que l’hôte de cet infâme orgueil. Je ne vous demande que d’écouter le calvaire de l’homme qui se trouve devant vous et peut-être le comprendrez-vous.
François est né de père inconnu et a été élevé par sa mère du mieux qu’elle a pu, cumulant deux travails pour permettre à son fils de bénéficier des meilleures chances de s’en sortir mieux qu’elle. Il comprit très tôt que sa mère se saignait aux quatre veines pour lui et n’eut qu’un objectif : être le meilleur pour que sa mère soit fière de lui et puis "les meilleurs sont écoutés, les meilleurs sont respectés" répétait-elle en leitmotiv. Dans sa tête d’enfant il fut le meilleur, dans sa mutation d’adolescent il fut le meilleur et dans sa vie d’adulte il était le meilleur. Les parents des autres enfants vous diront qu’il était bagarreur, les enseignants qu’il n’aimait pas être contrarié et qu’il manquait d’empathie, ses copains de lycée qu’il n’avait aucune ouverture d’esprit en imposant toujours son opinion, et la seule petite amie qu’on lui connût, qu’il était intarissable sur lui-même, ne s’intéressant aux autres que pour les rabaisser, tant et si bien qu’elle envoya rapidement valser cet égocentrique imbuvable. Il n’y avait aucune raison pour qu’il change dans sa vie professionnelle. Bien sûr il remporta haut la main un poste de directeur après un brillant entretien où il en mit « plein la vue » au D.R.H, le même qui le licencia un an plus tard suite à une altercation au cours de laquelle « François Courneuve » contrarié, l’avait bousculé. C’est ainsi qu’il fonda une start up avec son associé Amédée Gardin. François Courneuve se targuait d’être le pilier central de l’entreprise « Sans moi, Amédée ne serait rien ». Alors, lorsque son associé lui fit remarquer qu’il était son égal, il vit rouge. La suite vous la connaissez.
Vous voyez Mesdames et Messieurs que l’orgueil est bien le centre du problème. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il s’agit d’un péché capital, au vu du christianisme, un péché qui est censé vous envoyer en enfer. Mais François Courneuve vit déjà en enfer depuis son plus jeune âge, dévasté par une arrogance qui, chaque fois, ruine un peu plus sa vie personnelle et sociale !
Pourtant je vous jure que l’homme qui est là devant vous, est capable d’inverser la tendance, pour peu qu’on lui tende la main. Cela ne signifie pas qu’il ne doive pas payer pour ce qu’il a fait, mais faut-il pour autant lui infliger une peine d’emprisonnement comme le demande la partie civile et Monsieur le Procureur ? Je ne le pense pas. Certains avant lui ont souffert d’orgueil démesuré qui les a entrainés vers la chute, Napoléon en est un triste exemple. D’autres, comme Steve Jobs ou Muhammad Ali, à force d’aide psychologique et de travail personnel, ont surmonté leur orgueil délétère pour le transformer en force positive.
Mesdames et Messieurs les Jurés, je sais que vous ne condamnerez ni plus qu’il n’est juste, ni moins qu’il n’est nécessaire. Je sais aussi que vous ferez preuve de discernement en saisissant une autre possibilité qui s’offre à vous : Condamnez François Courneuve à des travaux d’intérêt général pour le compte d’Amédée Gauvin avec obligation concomitante de suivre une psychothérapie. L’envoyer en prison ne l’aidera en rien, vous ne ferez que l’enfoncer. Et cette peine, aussi difficile soit-elle à supporter pour un égo surdimensionné comme le sien, sera au contraire un tremplin vers l’ouverture.
Mesdames et Messieurs les Jurés, vous avez un rôle primordial à jouer dans la thérapie d’un homme et dans sa réhabilitation personnelle et sociale. Soyez celles et ceux qui auront permis à François Courneuve de renaitre de ses cendres ! Je vous remercie de votre écoute. »