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L'EUROPE
Chapitre 4 & 5

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Chapitre 4

 

 

     Koum avait été le premier à se lever ce jour-là lorsque le téléphone sonna. Il décrocha immédiatement.

 

− Allo ! Allo Sita !

 

     Il avait reconnu la voix de Sita Margot.

 

− Mon fils bonjour j’espère que les enfants et toi allez bien.

 

− Oui Sita tout le monde va bien.

 

− Tu sais depuis un moment la vie de ton frère ici est lamentable, je te demande de le faire venir là-bas.

 

− Maman c’est dur en ce moment, je ne peux faire venir personne ici. Maman tu ne lis pas les journaux, ni n’écoutes même pas les informations.

 

− Qu’est-ce qui pourrait t’arriver Petit-papa ? C’est ton frère vous n’êtes que deux. Ce sacrifice tu le fais pour ton feu père et notre famille. Ne l’oublie pas.

 

− Maman, la vie ici n’est pas comme celle de Douala. Il lui faut avoir des papiers en bonne et due forme, un visa et un billet d’avion. Après, un logement, car ici ma famille et moi avons un petit appartement de deux chambres, dit-il d’un ton agacé.

 

     A cet instant précis, Koum songea à clore cette conversation avec sa mère. Celle-ci était têtue. Mais il lui laissa malgré tout le soin d’aller au bout de son idée.

 

− Petit-papa, il pourra dormir au salon en attendant qu’il trouve du travail et ensuite son logement.

 

− Maman écoute, ce n’est pas du tout aussi facile que tu le penses. Tu ne sais pas du tout ce qu’on endure lorsqu’on est sans papiers.

 

− A genoux mon fils, nous allons prier pour que cela marche.

 

     Koum après cette conversation se demandait quelle mouche avait piqué sa maman pour lui faire une telle proposition. Il avait une vague idée de son enfance au Cameroun. Le visa était difficile à obtenir. Une question restait en suspens. Comment procéder pour le faire voyager sans visa ? Une idée traversa de manière fugace son esprit. Il la repoussa. Mais elle revint. Toute la journée elle l’assiégea littéralement. Finalement, il décida donc de prendre un gros risque : envoyer ses propres papiers et un billet d’avion à Ebosse. Pourquoi pas ? Tant de gens le font. Un coup ça marche, un coup non. C’est connu. Il suffit de mettre le commissaire de l’aéroport au courant de l’affaire, il fixe un prix, on le lui paye, et le tour est joué. C’est lui-même qui vient accompagner le voyageur frauduleux jusqu’à la porte de l’avion. A Paris ou Bruxelles, c’est alors une question de chance, les Blancs confondent les visages des Africains, tout comme nous-mêmes le faisons pour les leurs.

 

Deux mois plus tard, il le fit. Il fit parvenir à Ebosse son passeport puis un billet d’avion, et de l’argent pour le commissaire de l’aéroport. A Paris Roissy, sa conviction était qu’«il n’y a pas plus Noir qu’un Noir qui ressemble à un autre Noir », pensa-t-il. Par bonheur, tout se passa bien. 

 

 

Chapitre 5

 

    

     Un soir, Koum après le boulot, avait informé Elena qu’il ne serait pas là pour souper et qu’il rentrerait un peu plus tard que d’habitude. En effet, il devait aller accueillir Ebosse à l’aéroport.

 

     Lorsque le vol d’Air France atterrit, Koum fut excité au plus haut point. En apercevant son frère parmi les voyageurs, son émotion fut énorme. Cela faisait plus de dix ans qu’ils ne s’étaient pas revus. L’étreinte entre les deux frères fut émouvante et longue.

 

− As-tu bien voyagé ?

 

− Oui, mais je suis mort de peur, ça été pour moi la première fois de prendre l’avion, et surtout je tremblais à l’idée que la police ne découvre que ces papiers que tu m’as envoyés ne sont pas les miens…

     Tous les deux éclatèrent de rire.

 

− Ne perdons pas de temps, quittons ce lieu, et allons à la maison, tout s’est très bien passé, gloire au Seigneur.

 

    Dans la voiture, Koum prit des nouvelles de la famille. Il voulait tout savoir : comment allait Sita Margot, Anna et les autres sœurs, les neveux, les oncles et tantes restés au pays. Ils évoquèrent quelques anecdotes du passé et des jeux de leur enfance.

 

Mais, ce fut comme une parenthèse dans le temps, car très vite la réalité allait s’imposer à eux.

 

 

                                                  *                 *

 

                                                            *

  

     Ainsi qu’il arrive si souvent en Europe, la cohabitation entre les deux frères tourna rapidement court. Ebosse dut déménager de la maison de Koum, et gagna la rue. Il devint à la fois un « sans-papiers » et un « sans domicile fixe », à savoir un « SDF ».

    

Erika et Joakim, les gosses de Koum, se posaient chaque jour des questions à propos de leur oncle. Il était presque tout le temps à la maison, désœuvré et ne trouvait pas d’emploi. Il passait de nombreuses heures à zapper les chaînes devant la télé.

 

Au bout d’un moment, il commença à sortir et à rentrer à des heures indues, et souvent en titubant. Il avait bu de l’alcool plus que de raison. Il en puait même parfois.

 

Un de ces jours, Koum furieux l’apostropha :

 

− Au fait, Ebosse, que fais-tu dehors à des heures aussi tardives ? Tu sais bien que tu n’as pas de papiers. Dès que la police t’arrêtera, tu seras envoyé dans un centre de rétention, puis rapatrié au Cameroun. Quant à moi, je serai dans de grandes difficultés si d’aventure il arrivait que l’on découvre que tu es entré sur le territoire français en usant de mes papiers. Faux et usage de faux, c’est la prison, inévitablement.

    

La réponse d’Ebosse avait laissé pantois Koum :

 

− Préoccupe-toi d’abord de tes affaires ! Personne ne t’a forcé à frauder et je ne suis pas venu ici pour rester cloîtré chez toi. J’ai besoin de vivre. A moins que tu ne m’enfermes, je continuerai à sortir. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, je suis adulte.

 

Le sang de Koum ne fit qu’un tour. Il ressentait une irrépressible envie de lui coller une gifle sur le visage. Il se mit à trembler de colère de tout son corps devant cette réponse ô combien cavalière.

 

- Vas-y, frappe-moi, allez, fais-le, je lis dans tes yeux, Koum, frappe-moi, si tu es un garçon, mais dis-toi bien que je vais te le faire regretter sur le champ. Qui es-tu ? Un vaurien comme toi ? Qui es-tu ? Je te le demande, Qui es-tu ? Parce que tu es arrivé en Europe avant moi ? Tu me dépasses ? Hein ? Tu me dépasses ? ça alors ! ça alors ! L’Europe trompe les gens hein !

 

La poitrine de Koum enfla. Son cœur se mit à battre tel un tambour géant.

 

- C’est à moi que tu dis ça ? A moi ? Hein ?

 

- Oui, à toi, je m’adresse à qui si ce n’est à toi ? Je te le dis, tu es qui ? L’Europe trompe les gens hein, vraiment !

 

Koum ne crut pas ses oreilles qu’Ebosse lui parle sur ce ton. La discussion dégénéra en injures. Elena sortit de son silence et s’emporta. Elle déversa tout le rejet pour Ebosse qu’elle gardait au fond de son cœur, sans plus aucune retenue. Ce dernier ne l’entendit pas de cette oreille Il se tourna vers elle, leva la main pour la gifler. Koum s’interposa. Il saisit sa main. Tous les deux roulèrent au sol. Ils se mirent à tout renverser dans leur empoignade. La salle de séjour, en un rien devint sens dessus-dessous. Les meubles se mirent à voler en éclats, dans un énorme vacarme, et les voisins se mirent à tambouriner contre le mur, tout en vociférant : « nous allons appeler la police si vous n’arrêtez pas ! ». Ces mots tétanisèrent Koum et Ebosse. Ils cessèrent tout net de se battre. Koum tout essoufflé, les boutons de sa chemise arrachés, le nez ensanglanté, suite à un coup de tête d’Ebosse lui dit :

 

− Je ne te laisserai pas mettre ma famille en danger et moi-même m’entends-tu ? Sors de chez moi, sort tout de suite, va-t’en, sinon je te tue, va-t’en, tu es un ingrat, tu es habité par l’esprit du diable, sors de chez-moi, n’y remets plus jamais les pieds, tu m’entends ? Plus jamais, va-t-en…

Publié le 08/07/2025 / 5 lectures
Commentaires
Publié le 08/07/2025
Bonjour Yana, on est prit par l’histoire aux multiples rebondissements, et l’on aimerait plus de description et plus de lignes dans chaque chapitre pour en apprendre bien davantage sur chaque personnage. A suivre.
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