«On ne va pas reconstruire simplement de bâtiments, mais construire un pays, un Etat, une économie sous une nouvelle forme […]» P. Duquesne, ambassadeur, membre CIRH, Nouvelliste 18 août 2011
Si vous expliquez à un haïtien que depuis quelques bonnes années la frontière est sécuritairement dominicaine, il se fâchera avec intention de vous tuer. Personne ne s’enrage face au spectacle de la fameuse place des Héros inconnus. Un soir d’avril 201., nous observions l’effondrement d’un mur après la pluie. Le lendemain, nous apprîmes qu’il y eut dans le même secteur au moins trois écroulements. Ne sachant qui s’occupe de la sécurité des citoyens, nous avions choisi de nous taire.
Chez nous, un dossier enterre un autre facilement. Une sorte d’entente tacite entre nos politiciens, qui sont avant tout croque-morts. Pensez-vous qu’au Chili, pays aussi des généraux Augusto Pinochet et Manuel Contreras, «tout le monde» est favorable à la présence haïtienne? Deux siècles de guillotine n’ont pas rendu la France «égalitaire»… On n’a pas besoin d’être ouvrier et lecteur (Bertolt Brecht) pour constater que, partout dans la Caraïbe et au-delà même, les maçons haïtiens ont «traîné les blocs de pierre», édifié des «Murailles de Chine» et des «arcs de triomphe». Combien de siècles faudra-t-il aux élites économiques, politiques et à la caste intellectuelle pour comprendre que presque tout le monde a envie de fuir à pied et en courant!
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Il y a plus de 30 ans, je me suis lié d’amitié, sans contrainte aucune, avec Gregor Samsa. Imaginez, quel problème existerait entre la créature qu’il est devenu, pour quelqu’un né dans un pays de loups-garous? Nous sommes, intimement habitués aux anges qui deviennent démons, en un clin d’oeil. Un jeune boursier me raconta sa mésaventure, suite à d’importantes découvertes dans l’un de nos anciens consulats, à Cuba. Dans les premiers mois de son séjour, il logea dans une maison où on lui offrit des collections complètes de registres, impeccablement tenus par notre consul général à Santiago, au début de nos relations diplomatiques avec le pays de José Martí. En 2014, nous avons célébré 110 ans de relations diplomatiques avec Cuba.
Visiblement, personne ne s’intéressait à ces poussiéreux registres. En bon citoyen, notre ami se mit à écrire aux Affaires Etrangères. Ses lettres restèrent sans réponse ! Il décida donc d’utiliser le téléphone. Le ministère ne déclencha aucun mécanisme administratif d’intention de récupération.
Enfin, pendant qu’il me racontait son histoire…, je pensais que ces gros cahiers auraient pu disparaitre, s’ils se trouvaient à la capitale, lors du séisme. Généralement, on plaçait ce genre d’archives, entre un vieux dépôt jamais entretenu ou près des toilettes, à toutes fins utiles… La Havane est une imposante ville qui inspire, tout naturellement. C’est une partie du monde où chacun semble avoir une histoire à raconter. C’est peut-être là que j’ai commencé à utiliser l’une de mes expressions favorites, “la vraie vie”. Les cubains font preuvre, au quotidien, d’une créativité face aux difficultés qui défie l’imagination. Je reste persuadé que ces dispositions, à la fois spirituelles et caractérielles, sont antérieures à la Révolution.
C’est, aussi, certainement cet univers-là, qui a permis à Hemingway d’atteindre la plénitude de sa phrase intense. Lorsqu’on se met à marcher, à travers La Havane, on croit parfois capter les palpitations du cœur, sur les lèvres des gens. Le cubain a une façon très originale de s’adresser, en toute franchise à son interlocuteur; une sorte de parler direct, avec le cœur ouvert!
-Il parait que la ville s'est réveillée sous le choc, ce matin…
-S'est réveillée ou n'a pas dormi ?
Petit déjeuner dominical à l’ambassade