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J'inscris le rêve au Patrimoine de l'Être heureux

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- Laissez-moi rêver ! cria-t-il. 

 

 

Assis sur le sable humide, il regardait la mer. Elle prenait sa couleur hivernale tous les jours un peu plus, en emboîtant le pas à celle du ciel. Tantôt grise, tantôt noire, quelquefois bleu foncé. De temps à autre, un soleil timide faisait une rapide apparition et la faisait étinceler avec discrétion. Sur le rivage, le courant avait fait échouer des herbes marines de toutes sortes, des algues, des coquillages vides, de la matière visqueuse asséchée, comme pour se délester d’un trop plein asphyxiant. La nature se renouvelait assez massivement, de plain-pied avec le cours cyclique des saisons. Il n’y a rien de plus convaincant pour définir la Vie que la mer, de par ses constituants organiques divers, ses fluctuations, ses colères et ses accalmies.

 

 

Il regardait la mer avec l’espoir qu’elle lui parle, qu’elle éveille en lui ses passions multiples. Son ressac le faisait osciller entre présent et passé, entre intensité et vacuité, entre énergie et inertie, entre force de vie et sentiment de vide …

 

Il détestait le passé. Il détestait le poids du passé. Il haïssait ses obsessions, leur retour régulier et les oppressions thoraciques qu’elles lui donnaient. Il aurait voulu se défaire de tout cela comme le faisait la mer sous ses yeux. Se vider, se délester, se renouveler. 

 

 

Sa vie entière a été don de soi. À sa mère, à celle qu’il aima de toute la puissance de son jeune cœur d’homme, à ses fils, à ses amis vrais. La véracité était chez lui un critère d’implication, le seul par ailleurs et, pour cela, son long nez intérieur avait un flair infaillible. Il ne se donnait qu’aux gens vrais, c’était un critère incontournable chez lui, même s’il savait qu’autant d’exigence au quotidien était surréaliste. Mais c’était ainsi. Sa mère était partie depuis longtemps, sa femme évoluait tous les jours un peu plus dans le sens de l’abandon de ses idéaux, ses fils faisaient leur vie et ils avaient bien raison. Et lui interrogeait la mer : Était-ce que cela l’Existence ?

 

 

Sa femme qui fut une icône de la transgression en son jeune âge, en sa belle maturité, semblait aujourd’hui revenir à un schéma classique insupportable de médiocrité. Avait-elle été dans le jeu ? 

Était-elle une traditionaliste dans le fond ? De celles qui avec l’âge choisissent le chemin de la sagesse séculaire ? Pour faire comme toutes, pour le regard des autres … Ces séniors de l’image et des rôles qui siéent … ?

 

 

Détestable. Il avait la haine des sentiers battus et vivre pour lui, exister dans le sens philosophique du terme, impliquait une liberté totale et un affranchissement complet des dites « sagesses de retour d’âge ». Il aurait été dans la crédulité à ce point-là ? 

 

 

Il ne voulait pas d’avantage se creuser la tête. Ce moment de contemplation, d’éloignement, de répit des fadaises quotidiennes avait son mérite. Il conjurait tacitement la mer de lui renouveler ses ressources psychiques, de renforcer le désir en lui. Tant le désir était l’essence même de la continuité, de la propension à vouloir avancer et à vouloir croire. Sans cela, son regard et son esprit décapaient tout et ses pas devenaient d’une lourdeur de condamné.

 

 

Il regardait la Grande bleue. Il savait qu’elle l’écoutait, qu’elle le comprenait. C’était elle La Femme pour lui, celle dont il avait toujours rêvé, celle qu’il avait toujours voulue. Mais pour cela, il fallait être un Être d’eau, de ressac, de bleu et de profondeurs sombres. Un Être de mer. 

 

 

Il se leva, tapota son jean pour enlever les grains de sable humide. Son moment de plénitude s’achevait. Il retournait chez lui, la mort dans l’âme. Il détestait sa maison, la pesanteur qui y régnait, son silence … Cette femme qu’il aima tant regardait désormais un Seigneur en qui elle ne croyait pas, dont elle avait, dans sa fervente jeunesse, contesté âprement l’existence. Désormais, elle lui vouait tout son temps et toute sa concentration. 

 

 

Comment allait-il pouvoir continuer avec cette personne qui se vidait de tout rationalisme et de tout Beau d’à-venir ?

 

À suivre 

 

 

 

 

 

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Publié le 01/11/2024 / 3 lectures
Commentaires
Publié le 03/11/2024
Bonsoir, bienvenue et merci de partager avec nous votre texte. Une belle description et surtout introspection. Il y a de la solitude qui se mêle au doute, de la souffrance à de l’éphémère apaisement qu’apporte la grande bleue. On perçoit une quête spirituelle déjà lancée et qui promet de sincères réflexions. À plus tard.
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