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J'inscris le rêve au Patrimoine de l'Être heureux 2

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Il traînait le pied, son pas était lourd comme si une masse s’agrippait à ses mollets. Il redoutait le moment de franchir le seuil de ce qui devrait être un foyer, mais qui était devenu un enclos tous les jours un peu plus oppressant. 

C’était ainsi qu’il voyait leur maison. Ajouter à cette sensation d’étouffement, le silence pesant des murs et des personnes.

 

Comment sa femme avait-elle pu muer de cette façon et à ce point ? De quelles manières y avait-il contribué ? En quoi avait-il été décevant ? Était-elle en crise ? Toutes ses tentatives de rapprochement étaient vouées à l’échec et elle déclinait toute proposition de sortie, de balade, de dîner … 

 

Le pire, leurs espaces communs avaient changé du tout au tout. Tout était marqué par la présence de Dieu : des sabots de bois du siècle dernier, un dispositif pour ses ablutions ( bassine, pichet, pierre lisse, court tabouret de bois du XIXème … ) qu’elle faisait à l’ancienne faisant de son Dieu, une entité récalcitrante au progrès. Un accoutrement de prière noir, un long fichu noir, un lot de demi-bas noirs … 

 

Pour lui, cette belle et rebelle étudiante en sociologie perdait la raison, assez sûrement. Le fait de n’avoir pas enfanté de fille ? 

Peut-être, pensait-il.

Elle aurait été un miroir réfléchissant. Parce qu’une chose était certaine, elle n’avait plus la capacité de s’observer et avait fixé des choix de vie qu’elle jugeait justes et incontestables. 

 

Il l’aimait encore. Elle avait la cinquantaine, un corps mince et effilé, des traits nobles et sérieux - devenus raides et intransigeants.

Elle était toujours désirable, mais ces appels-là, elle y était devenue fort sourde et si le discours devenait franc, cela pouvait virer à l’agressivité.

 

Qu’allait-il pouvoir faire avec cette épouse transformée en serviteur de Dieu ? Comment allait-il procéder pour la faire revenir à la vie ? Quel discours arrêter pour lui signifier sa descente aux enfers - paradoxalement ?

 

Ils s’étaient tant aimés. Ils avaient partagé un nombre incalculable d’idées et de situations. Elle était lancée comme une flèche pour tout retourner, tout observer, tout peser et tout contester … Était-ce la ménopause qui faisait des siennes ? Pouvait-elle agir sur le corps et les synapses aussi ? Il n’en savait rien et avait besoin de comprendre.

 

Pour lui, rien dans leur vie n’a pu être la cause de ce revirement. Ils s’étaient éloignés l’un de l’autre au départ des garçons. Déjà du temps où ils étaient encore en études au lycée et vivant avec eux, elle avait commencé timidement sa mue. Elle refusait les câlins en leur présence, disait être une mère et pas une Marie … , refusait tout humour amoureux …

Il ne s’en était pas inquiété et pensait qu’elle voulait s’affirmer en mère. C’était certes un peu étonnant au vu de ce qu’elle était à vingt ans, mais il avait mis cela sur le compte d’une pudeur qu’il trouvait assez sexy parce qu’au final, elle se réservait pour leur intimité.

 

Sexy ! se dit-il. Comment ai-je pu être aussi bête !

 

Elle était aux antipodes du corps, de l’autre côté de la route, tout près des buissons qui abritaient les bêtes les plus craintes. Elle était bien loin, dans les bras d’un Dieu qui ne la calculait pas, mais auquel elle s’attachait de plus en plus, plutôt pathologiquement et à qui elle livrait les motifs de son existence et les clés de sa rédemption. Elle n’était déjà plus sur terre, mais dans l’antichambre de l’au-delà. 

 

Il tourna la clé dans la serrure et franchit le seuil du mausolée. 

 

 

 

À suivre

 

 

 

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Publié le 01/11/2024 / 3 lectures
Commentaires
Publié le 03/11/2024
La religion est ici évoquée davantage à travers les objets plutôt que la doctrine, en quelque chose d’immobile et vain. Le texte illustre très bien le choix de l’image pour ne pas dire l’inverse) : l’humain est d’une complexité incroyable dont chaque clé n’ouvre qu’une frêle part du mystère qui guide chaque destinée. Votre texte est à la fois mystique dans la quête d’apaisement, et incroyablement dur et pragmatique pour ce qui est de la souffrance qui habite que très régulièrement l’humain. A suivre.
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