J’avais muté.
Je ne me fiais plus aux désordres des échecs de ma vie, que je prenais désormais comme un jeu auquel je n’avais plus rien à perdre. Un jeu blafard, sans limite et sans règle.
Je voulais jouer au plus affreux avec le monde. Jouer au plus empressé avec le temps. Je voulais de la grandeur dans mes tourments, de la noblesse dans mes excès, de la volupté dans mes crimes.
Je voulais corrompre la balance en misant sur la faiblesse de sa clarté. Car seuls, à l'intérieur de l’Être, valse l’ange dans la putréfaction, se repent le démon en fausses excuses, en louanges, en insinuations.
La dualité supporte le monde, sur ses épaules agiles et tangentes : apportant assez d’eau pour ce qu’il y a de lumière, assez d’horreurs pour compenser la beauté, suffisamment d’espoir pour supporter l’anéantissement. Car l’un sans l’autre conduirait à l’ignominie ou au chaos. L’équilibre demande des cordes aux passions, de la noirceur aux exaltations, de la raison aux idéaux. Je voulais pervertir les détails. Tarir les certitudes. Tromper les spéculations. Et m’enfuir.
Je voulais croire, toujours, à une échappatoire possible à ma nauséeuse dépréciation et à mon dissonant ennui. Je voulais pour tous les atteints de drames, une dernière lueur, fût-elle de revanche, d’éclat, ou d’obscénité. Je voulais, pour chacun d’entre nous, une simple prétention à vivre. Comme une dernière supplication à notre esprit.
On a toujours le temps pour une prière, comme dernière carte à jouer lorsque tout semble perdu. La prière, c’est le dernier joker de notre humanité. C’est le droit de véto incertain. Sans ce sursaut de nos âmes, nous ne serions que l’éphémère buée de nos rêves illusoires, nous ne serions que le souffle de nos étoiles blessées, que le froissement de nos matins désenchantés, ou l’ombre de nos prières cachées au fond du noir.
Nous serions alors trop tristes pour être réconfortés.
A cela, je choisissais la brillance. Je choisissais l’ostentatoire.
Et en mentant, je promettais de déguiser ma dernière heure en gloire.