En sirotant ma coupe de champagne, le très bavard que je suis bavardais. Charmer a toujours été l’une de mes plus profondes et mystérieuses inclinations. On peut carrément parler d’un sacerdoce, épuisant pour moi et plus encore pour les autres, comme on peut l’imaginer. Ce besoin de séduction, je ne cherche à en tirer aucun autre avantage que me faire croire, à travers les yeux de celle qui m’écoute, que je serais Super Maximum. C’est délirant, je sais, mais lorsque mes entreprises narcissiques aboutissent, en me faisant planer sur la certitude de ma valeur au zénith, elles me baignent dans une chimie psychique parfaite. Je ne crois pas être seul dans ma démence à abuser de cette médecine. Chaque homme, lorsqu’il se recouche sur sa portion du drap auprès de sa partenaire après avoir lu dans ses yeux ce qu’il y a lu, éprouve très exactement le même sentiment… sauf en cas de grosse panne, bien sûr. Pour en revenir à ma psychose, l’autre qui, obligeamment, opportunément ou stupidement m’offre mon trip, peut tout de moi. Ce soir-là, avant de s’endormir, c’est Barbara qui m’avait fait la courte échelle pour me hisser tout en haut de mon château de sable. Ensuite le vol s’était poursuivi sous les étoiles au-dessus, avec les ronflements d’Ana sur ma droite et la respiration presque inaudible de Barbara sur ma gauche. Ses si sensuelles inspirations suivaient chaque exhalation expulsant, tel un ange chassé du paradis, son souffle de sous son corsage. Je n’ai pas pu fermer l’œil.