Le texte ci-dessous était mon plus grand défi. J'espère l'avoir assez bien réussi mais n'hésitez surtout pas à être critique et à l'exprimer. Le contexte : il s'agit de donner à mon fils quelques indications qui pourront peut-être lui être utiles, l'air de rien.
Pendant que Philippe faisait sa toilette, je me suis allongé sur mon lit, à l'aplomb de la lumière allumée qu'adoucissait un abat-jour de tissus fleuri. Il faisait très chaud dans la chambre et le bruit de l'eau qui coulait sous pression... mes idées se sont évaporées. Cinq ou six blanchisseuses semblables me renseignaient. Leurs cheveux blancs permanentés recouverts de charlottes rose pâle comme leur tablier leur donnait l'apparence de l'aimable sagesse. Elles me regardaient et me parlaient sans qu'aucun son ne me parvienne. Leur index m'indiquaient tous la même direction, celle d'un ascenseur en chêne ciré, très ancien au fond d'un corridor au tapis plain rouge vif. Sur une plaque de cuivre soigneusement sidolée, les noms correspondant aux différents étages étaient indiqués en caractères imprimés. Mais les inscriptions étaient si basses que même accroupi, je ne parvenais pas à les déchiffrer. Avant que mes yeux puissent lire, maintenant que j'étais étendu sur les fleurs rouges qui tapissaient le sol, trois jeunes filles m'ont enjambé pour ouvrir la grille en fer forgé. Elles portaient des robes sombres près du corps sous leurs lèvres maquillées par un rouge des plus vifs. Elles m'ont montré du doigt la voie à suivre et l'ascenseur s'est mis en branle. Il nous a emporté tous les quatre à l'horizontale, nous faisant survoler un parc ensoleillé et fleuri avant de nous amener dans une autre aile du bâtiment et de repartir à la verticale. La porte s'est ouverte et les trois brunes incendiaires ont disparu me laissant me couper les ongles, seul, dans la senteur du bois huilé. Subitement une généreuse gerbe d'eau chaude venant du plafonnier m'a inondé de plaisir à deux reprises avant que je me lave. Encore dégoulinant, je me suis rasé et parfumé. Je portais un jeans et une chemise propre devant le grand miroir d'une garde-robes. Mes pieds nus sur le sol pourpre, j'ai donné deux coups sur mon reflet. Les trois filles, maintenant juste vêtues de nuisettes légères, sont apparues pour disparaître aussi vite dans la chambre derrière moi. J'ai fait un pas en avant vers Martine, de profil, assise qui se brossait les cheveux devant sa coiffeuse. Dans le silence, je me suis mis à danser, détendu et souple. Léger, aérien même, je me suis approché d'elle et je l'ai emmenée s'envoler avec moi. Lorsque nous nous sommes effondrés sur le lit, les Cardigans, juste pour nous, ont ouvert "Gran Torino" avec "Erase and rewind". Martine et moi, allongés l'un sur l'autre, nous riions en échangeant des baisers affamés. Sans complexes, nos lèvres embrassaient là où elles le souhaitaient, comme elles le souhaitaient. Sans gênes, elles se laissaient guider par le moment, par notre plaisir et par nos envies exceptionnellement en phase. Nos mains aussi caressaient, pressaient ou se cherchaient dans un chaos sans brides. Nos doigts se mirent à déboutonner le chemisier lilas de Martine et ma chemise bleue ciel pendant que la chanteuse suppliait de l'emmener plus haut, de venir l'emporter plus haut.
"And take me higher
Come take me higher"
L'éjaculation est à l'amour ce que la déglutition est à la gastronomie. Dans l'exquise attente de nous dévorer plus loin, nous nous mangions des yeux, des mains et des lèvres. Affamés avant le festival des mets que nous allions engloutir, nous jouissions de n'en être qu'aux zakouskis, prêts à faire traîner, longtemps, sous la langue, dans le palais, et n'importe où où nos sens nous le suggéreraient.
J'ai fait rouler Martine sur le ventre. Sa chemise rabattue sur sa chevelure laissait apparaître le haut de son dos seulement habillé par la fermeture de son soutien-gorge. En apesanteur, un flacon "Art érotique Shunga" flottait. J'ai réchauffé un peu de l'huile de massage dans le creux de ma main avant de la verser sur le dos de mon amour, entre ses omoplates et sur sa taille. Mes mains glissantes de baume parfois s'égaraient à la naissance de ses seins ou plus bas que le bas de sa taille, à l'écoute des moindres de ses réponses.
Au fur et à mesure que nos respirations s'accéléraient, mes paumes lubrifiées exploraient plus loin le jeune corps magnifique de Martine. Sous son ventre, elles se mirent à presser fort le fourré qu'elles avaient rencontré, forçant les cuisses à s'ouvrir un peu plus. Mes doigts maintenant sous le tissus Petit Bateau parcouraient la toison de mon amante et agaçaient plus loin sa petite fente chaude et glissante. Côté lune, mon extrémité en feu se rafraîchissait entre ses deux jolies fesses fraîches et rebondies que son innocent sous-vêtement abandonnait graduellement. Instinctivement, nos bassins se sont balancés d'avant en arrière et d'arrière en avant dans un perpétuel mouvement qu'on aurait dit chorégraphié. Nous ruisselions, mélangés ainsi l'un à l'autre. Un colibri déposa sur mon sexe quelques gouttes de soin lubrifiant intime à base d'huile végétale. Je suis retourné du côté soleil. Ma main et mes hanches ont guidé la flamme qui me brûlait le ventre jusqu'à l'adorable petite fente de plus en plus chaude, de plus en plus glissante. Indécis, je restais sur le pas de la porte, exaspérant mon hôtesse. Je passais la tête et puis non, je ressortais avant de revenir sur mes pas. Devant mes tergiversations, le passage s'élargissait. Doux, onctueux et chaud, il m'aspirait irrémédiablement jusqu'à ce que je pénètre le paradis. Mon amoureuse et moi, cramponnés l'un à l'autre, nous ondulions dans un ciel bleu azur surchauffé par un soleil ardent. Un gros nuage est apparu et quelques gouttes tièdes m'ont mouillé le visage. Philippe, au dessus de moi, s'essuyait les cheveux. "Tu t'es assoupi ? Ça y est ! Tu peux y aller, la salle de bain est libre."
Encore somnolant, je me suis levé pour faire ma toilette avant de rejoindre Martine dans la chambre d'en face. Enjoué comme toujours et heureux comme jamais, je me suis pointé et je l'ai cajolée du mieux que je savais, du mieux qu'un garçon qui a l 'habitude de manger du merle peut le faire, lui et son inhérent manque d'ambition. Je pense que j'ai adoré ce moment comme les précédents. J'étais avec elle. Dans ses bras, pour un instant, j'étais le plus beau, le plus grand et le plus fort et cette certitude faisait plus que me suffire. C'était un total sentiment de plénitude qu'à à travers tout mon être je ressentais.
Pas elle.
Juste avant le repas du soir, Martine et Marilyne s'étaient un peu isolées. Assises une seconde sur la marche de la fontaine de la place Georges Clemenceau, Marilyne a demandé
- "Et alors ?"
- "Y'a rien eu" lui a confessé Martine, un peu gênée. Marilyne lui a retourné la pareille ; dans la chambre d'en face, non plus, "il n'y avait rien eu".
Y-a-t-il eu de l'orage ? La tempête a-t-elle fait rage ? Sa bite s'est-elle enfoncée dans le fond de ta chatte ? Des spectatrices ! Serions-nous Zeus, Eole, Eros face à des villageoises hébétées juste capables de subir notre divin bon vouloir ? Mais le dieu du tonnerre peut très bien décider qu'il n'y aura pas d'orage et le commandeur du vent peut décréter un temps calme. Pourquoi ne pourrions-nous pas prescrire, pour un temps au moins, certes un peu long dans mon cas, une météo platonique ? Martine et toutes les filles en soquettes attendaient de moi, de nous, que nous fassions la pluie et le beau temps en les initiant à ce qui me semble abusif de nommer l'amour. Mais, sauf pour ceux qui étaient descendus dans la cave de leur conscience, là où le cerveau est facultatif, nous, pitoyables dieux d'Olympe, nous n'en étions nous-mêmes qu'à nos balbutiements. Moi à 19 ans, initiateur des sous-bassement de l'amour ? Avec le recul, je ne suis pas surpris d'avoir déçu. Ayant toujours été un cérébral, j'ai besoin de franchir le point A avant de tenter d'atteindre le point B. Pour cela, il me faut du temps, plus de temps, beaucoup de temps, beaucoup trop pour les impatientes pressées de devenir, femmes, adultes, électrices, conductrices, mères, à part entière dans la vie active, grand-mères, retraitées, veuves et finalement inhumée en E4 sous le regard toujours aussi imbécile d'une Sainte Vierge largement plus menteuse que vierge.