Après le repas, promptement préparé par papa, imperméable aux remarques de maman qui lui reprochait de ne pas s'être lavé les mains, de salir la cuisine avec ses chaussures sales, de mettre trop de poivre, trop de sel et trop d'ail, elle et lui ont pris la voiture pour faire un p'tit coucou à Matante Jacqueline, la vaisselle pourrait bien attendre, là-dessus, ils étaient d'accord. Philippe, lui, est sorti faire un tour à vélo.
Seul à la maison avec Rex et les canaris, je suis monté dans ma chambre, il y faisait suffocant. J'ai jeté mes habits, tous mes habits sur le lit de mon frère et je me suis couché dans le mien, le drap à moitié remonté sur mon corps. Suivant les lois d'une fonction croissante du second degré, l'effleurement aléatoire de l'ourlet du tissu sur le bas de mes fesses exacerbait mon excitation tandis que de l'autre côté de mon bassin, mon va-et-vient entêté me procurait une sensation de fermeté et de puissance. Parallèlement, mon esprit embué aspirait les images que ma mémoire avait collectées les unes après les autres à travers toute la documentation rassemblée au cours de ma courte vie.
Il y avait celles vues dans "Lui" ou "Playboy" qu'on achetait à la sauvette, entre copains, et dont on se débarrassait vite fait.
Il y avait aussi celles provenant de bandes dessinées pour adultes qui traînaient à la maison sans que j'ai jamais su qui les y avait déposées. L'une d'elle racontait l'histoire d'une guerrière à la plastique inoubliable faite prisonnière par un chef viking. Je ne vous fais pas un dessin...
Mais surtout, il y avait celles des cassettes VHS que papa glanait par ci-par là et planquait à la bonne franquette selon son inspiration. Quel émoi le jour où ma mère croyant montrer une vidéo de famille, d'ailleurs intitulée "Voyage à Paris, 1980", fît apparaître sur l'écran de la télévision familiale, devant les yeux plus amusés que médusés de Mononc Johan et de Matante Nicole, une fellation en gros plan pratiquée par Paola Senatore sur un partenaire dont on voyait mal le visage !
Ces images et mes envies, mes sensations, mes besoins qu'elles épiçaient, m'amenaient, parfois plusieurs fois par jour, à dessiner le sommet "S" de la parabole du plaisir en solo. Mais jamais, sur mon écran de cinéma en sous-sol, je ne me suis passé une image de Martine. Je ne me l'interdisais pas. Simplement associer Martine et ma sexualité était impossible, inimaginable.