Pas de raison de s'emballer, non aucune. La porte s'est simplement ouverte par une fausse manœuvre, ou une mauvaise fermeture du gardien de nuit. Simplement ça !
Mais l'insistance des bruits de pas me faisait étrangement penser à mes cauchemars d'enfant, ceux où l'on prend peur au moindre bruit suspect, aux craquements étranges des meubles d'antan, à tous ces phénomènes qui nous trottent dans la tête.
Nous étions le 1er novembre et j'entamais à ce jour ma treizième année d'emprisonnement, déjà treize ans, pour un meurtre que je ne me souvenais pas avoir commis. Treize ans à errer dans ce vieux pénitencier sortant d'un vieux film d'épouvante à la Bela Lugosi. Treize ans à ne même plus me reconnaître dans le miroir écaillé de ma cellule.
Que faire dans une telle situation ? S'évader, fuir à toutes jambes, crier pour combattre cette peur qui vous submerge ?
La vieille porte ouverte sur un couloir sombre, les bruits de pas, les hurlements bestiaux. Et si le vieux Maupuis avait raison, et si cette prison était vraiment hantée par ces esprits d'outre-tombe.
Je ne pouvais pas attendre d'en être convaincu, non surtout pas. Il fallait fuir à toute jambe ce lieu maudit de ce vieux Maupuis, ce vieil ivrogne qui ferait mieux de raconter ses fadaises au zinc d'un troquet.
Je poussais plus en avant cette vieille porte, et à petits pas me glissais vers la sortie. J'étais seul dans ce couloir lugubre, mes codétenus ne faisaient aucun bruits. Etaient-ils toujours là ?
La cellule 15, prêt de la mienne, dans laquelle vivait Charlie, était grande ouverte. Pas un bruit à l'intérieur, seul une odeur pestilentielle en émanait, une odeur de mort, rien de comparable à ce que je connaisse. Charlie y gisait, les tripes à l'air, la gorge ouverte de part en part. Mais aucune trace de sang, seul le désordre de la cellule pouvait témoigner d'un lutte acharné. Le sol carrelé propre me semblait étrange. Une farce, un étrange phénomène et pourquoi pas un poisson d'avril un premier novembre ?
Je ne pouvais plus rester là une minute de plus, il me fallait partir au plus vite. Les grognements s'intensifiaient dans la prison, comme si ils m'avaient repérés, comme si ils voulaient me nuire de quelque façon que ce soit.
Des cris de bêtes, d'êtres humains désincarnés au pire de la souffrance, tels des morts vivants peut-être, qui résonnaient, qui rebondissaient sur les murs de pierre pour en venir à mes oreilles. Je les serrais contre ma tête à ne plus pouvoir tenir. Les larmes me montaient aux yeux, j'en venais à crier de désespoir, courant vers je ne sais où.
Des portes claquaient, mes pas résonnaient sur le sol de pierre, des grincements d'ongles sur les murs, des halètements de bêtes furieuses, des cris de détresse de ces fantômes revenants au monde des vivants.
Si je tenais le vieux Maupuis entre mes mains, je le serrerais tellement fort que j'en ferais sortir ses yeux d'alcoolique de son crâne. J'en devenais fou, à la limite de ma taper la tête contre les murs.
Un étage, deux étages plus haut et toujours cette fuite devant les bruits qui me poursuivent, mes pas deviennent erratiques, sans sens, je ne sais plus où je vais, percutant les murs couverts de sang, des restes humains éparpillés sur le sol poussiéreux du réfectoire, toujours cette même odeur fétide.
Le corps de Charlie reposait à présent sur une des grandes tables, avec le même sourire béant de sa gorge ouverte. Et rien aux alentours, seuls des bruits résonnants.
Les yeux fermés, ma tête entre mes mains, je criais à genoux, les priant de m'épargner, de me laisser partir.
Une secousse, un tremblement, un appel...
Charlie prêt de moi, me demande tranquillement de me calmer, de me réveiller en douceur.
Mes cauchemars n'avaient de cesse de me hanter depuis le mort tragique de mes parents dont Charlie et moi étions les seuls survivants.
Ne jamais faire confiance aux fêtes d'Halloween !