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Défi février On nous taille un beau costume ("Le tailleur" de F. Reynaud constitue la seconde partie du texte.)

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Ce texte participe à l'activité : Facture sociale

"Consommez moins d'énergie !" nous hurle-t-on de Bruxelles, de Strasbourg, de Berlin ou de Washington. "Consommez moins de gaz et tombez moins malades", entend-t-on encore. Mais "consommez plus de services, beaucoup plus !" et "Digitalisez-vous bon sang !"

 

Puisque leur système n'est pas correctement calibré pour nous, nous n'avons qu'à nous démerder afin de rentrer quand même dans leurs petites cases de merde, celles imaginées par le gratin de l'économie puisque c'est lui maintenant qui chapeaute la société entière.

 

Ils ont mis le feu à l'Ukraine mais le Kremlin n'est toujours pas à genou alors ils créent un embargo sur le gaz russe.

- Mais Sire, et la populace ?

- Ils n'ont qu'à bien se tenir, l'épaule gauche plus basse, la droite rentrée, la hanche droite redressée et la jambe gauche en l'air !

 

- Bonjour M'sieur l'tailleur. C'est moi que j'suis venu y'a deux jours chercher mon costume.

Vous vous souvenez de moi ? Je r'viens vous voir aujourd'hui parce qu'il y a les copains qui m'ont dit : "Ton nouveau costume, c'est pas qui te va mal. Il te va même bien, seulement là et là, y'aurait comme un défaut que ça ne nous étonnerait pas."

- Entrez donc mon cher ami ! Et bien, on peut dire que je vous ai fait un beau costume à vous, hein ! Et puis du beau tissu ! Vous avez vous le tissu que je vous ai donné ? Tâtez-le ! Non, tâtez-le encore un coup ! C'est du nylon-éponge. Il pleut, ça ressort tout ! Vous êtes content du tissu, hein ?

- Ça, le tissu, j'suis content, seulement, c'est les copains, ils m'ont dit "tu devrais retourner voir ton tailleur parce que ton costume, là, là, y'a comme un défaut."

- Et la doublure ! Vous avez vu la doublure ? La même que la mienne ! C'est de la satinette de Maubeuge mélangé avec du crêpe de Chine. Et le crêpe de Chine, 'faut payer le voyage. Vous allez me dire aussi que vous n'êtes pas content de la doublure, hein ?

- Si ! Ça, la doublure, le tissu, j'suis content seulement c'est les copains. Ils m'ont dit : "ton costard, là, là, y'a comme un défaut."

- C'est pas un défaut, c'est la coupe Melba ! Au début ça surprend et puis on s'y fait. D'abord vous vous tenez mal, vous êtes tout dégingandé là, forcément qu'il peut y avoir comme un défaut ! Si vous vous tenez droit, y'aura pas de défaut. Je vous assure ! Jamais je n'ai fait un défaut à un costume-moi, chez ami. Je suis le meilleur tailleur du carreau du Temple. Je voudrais faire un défaut que j'pourrais pas. Approchez-vous ! Là ! Regardez-vous devant la glace ! Et tenez-vous droit ! Vous êtes un homme ? Alors redressez-vous ! Quand vous vous redressez soulevez l'épaule gauche, surtout l'épaule gauche. Encore un peu d'épaule gauche ! Baissez un peu la droite, là, vous voyez ? Ça a disparu, oui ou non ?

- Oui, le défaut a disparu... à gauche parce que quand même là à droite, euh, y'a comme un défaut.

- C'est parce que vous vous tenez mal. On va arranger ça. Bougez pas l'épaule gauche. La droite, ramenez-la... Encore un peu. Ne bougez pas la gauche surtout ! Où c'est que vous voyez un défaut là, vous ?

- Ah oui mais alors la veste-là ! La veste, elle est pas d'équerre.

- C'est parce que vous vous tenez mal. La hanche droite, relevez-la. Encore un peu ! Bougez pas les épaules ! C'est pas d'équerre, ça, Mmh ?

- Si j'relève la hanche, là, c'est d'équerre, seulement les pantalons, ils en prennent un coup.

- C'est parce que vous vous tenez mal ! Bougez pas la hanche. Laissez-la comme elle est. Relevez la jambe gauche ! Encore un peu ! Bougez pas les épaules non plus ! Ecrasez-vous sur la hanche ! Y'a un défaut dans ce costume ? Ça tombe bien là ! Oui, ça tombe bien !

- Oui, 'faut reconnaître une chose, si je me tiens comme ça tout tombe bien. Je me tiendrai toujours comme ça puisque comme ça ça tombe bien. Voilà, je m'excuse de vous avoir déranger. Je vais m'en aller puisqu'il n'y a plus rien à dire. Au revoir Monsieur le tailleur.

- J'suis en train de penser. Celui-là, quand les gens vont le voir passer dans la rue, ils vont se dire qu'il a de la chance d'avoir trouvé un bon tailleur, faire un costume qui tombe aussi bien sur un gars aussi mal foutu.


Publié le 06/02/2023 / 1 lecture
Commentaires
Publié le 07/02/2023
Seul l'empereur, le vrai, le manchot s'entend, peut aussi dignement porter ce costume-là, sans avoir à y mouler son corps dedans avec force contorsions et simagrées. La réalité de l'être lui suffit, même en se dandinant, en se dodelinant ou en se ramassant magistralement sur la glace. C'est cela seul l'art du beau costume, celui qui sied naturellement sans avoir à y réfléchir. Joli choix, en tout cas, comme diatribe, pour le sujet posé :-)
Publié le 07/02/2023
Coucou Patrice. Sympa le petit clin d'oeil bien trouvé . Je vois que tu poursuis ton roman contre vents et marées.. Où en es-tu justement?
Publié le 07/02/2023
que tu t'intéresses à mon travail. Je pense souvent aux commentaires que j'ai lu ici et notamment aux tiens. Tu m'avais dit qu'il fallait laisser reposer et y revenir. C'est absolument vrai, j'en suis convaincu, trop de relectures trop vite me font perdre la boule. J'ai donc terminé la première partie "Un soleil artificiel" j'en ai fait une correction avec "Antidote" et j'ai relu une fois. Maintenant, je le laisse au placard et je n'y toucherai plus avant un bout de temps. J'avais imaginé le faire lire à des amis mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée car la rédaction est perfectible alors, une fois la version suivante terminée, à qui faire lire ? En même temps, j'ai très envie d'avoir le sentiment de personne comme toi, Léo, Jean-Luc ou Véronique. Cette partie fait 21.000 mots. Je pense poursuivre non pas par la partie suivante mais par la partie finale. Il est même possible qu'il n'y ait plus besoin de partie intermédiaire. La partie finale s'intitulera "Président des États-Unis". Bref, si tu as envie de te farcir la lecture de 21.000 mots, je serait très heureux de te les envoyer pour que tu me donnes un premier sentiment. Encore merci pour ton intérêt ! ;-)
Publié le 07/02/2023
Tu sais il n'y a rien de figé dans la rédaction d'un roman. Certains utilisent un plan, d'autres pas. Certains commencent par le début, d'autres traitent les parties en fonction de leur inspiration. C'est très bien de laisser reposer ton travail. Tu le verras d'un autre oeil quand tu le reliras. L'oeil trop habitué ne lit plus rien de valable. Prendre du recul, il n'y a que ça de vrai. Pour ma part, je fais toujours lire par une ou deux personnes objectives mon travail au fur et à mesure. D'abord pour m'assurer de la fluidité et de la compréhension de ce que je veux faire passer. Bien sûr, il faut savoir accepter la critique, changer ce qui doit être changé, et défendre ce que l'on pense être primordial pour l'avancer du roman. L'idée étant d'aboutir sur un manuscrit assez "propre" tant dans le fond que la forme pour capter l'attention d'un éditeur ( ce qui n'est pas une mince affaire), et surtout ne pas se décourager, travailler son texte, faire les pauses nécessaires. C'est pour cela qu'écrire un roman est souvent très long. Eh bien, je lirai ton texte avec plaisir en te donnant les conseils que je pense modestement t'être utiles. Un conseil tout de même avant de faire lire tes textes, protège les. Tu peux simplement t'envoyer par la poste ton manuscrit ou partie, ou clé usb , et conserver l'enveloppe sans l'ouvrir, le cachet faisant foi. Tu peux aussi envoyer un exemplaire à la société des gens de lettres.
Publié le 07/02/2023
comment te l'envoyer ? Ceci dit, j'ai été facteur et le coup de l'enveloppe ne vaut pas. En effet, il suffirait de s'envoyer une enveloppe ouverte et d'introduire le contenu plus tard à un moment sans rapport avec la date du timbre. De toutes façons, le recours à la justice n'est efficace que si l'on est riche. Je suis bien payé pour le savoir.
Publié le 07/02/2023
je te donne mon mail, tu peux me faire parvenir le pdf. Je le lirai avec plaisir et objectivité. Je te ferai parvenir mes impressions au fur et à mesure. Je mettrai sûrement un peu de temps, je lis doucement, et je suis aussi en train d'écrire mon prochain roman. mon mail: fabienfabien177@yahoo.fr
Publié le 08/02/2023
Merci ! Je t'envoie ça tout de suite !
Publié le 08/02/2023
Merci ! Je t'envoie ça tout de suite !
Publié le 11/02/2023
J'ai beaucoup ri et avec gravité, car c'est tout à fait représentatif de la société moderne, où tout repose sur ce que tu fais bien ou non, des injonctions permanentes, qui se succèdent. En une décennie on a réussi à faire culpabiliser tout le monde sur tout avec toujours plus de privations pour le plus grand nombre et des libertés et possibilités quasi infinies pour quelques uns... à terme une poignée probablement (de nouveaux dieux terrestres en quelque sorte). Et pour coller au costume sociétal, il faut effectivement de plus en plus souffrir. Plein de prises de consciences étaient nécessaires et salutaires (violences en tout genre, pollutions environnementales, rationalisation énergétique...), mais l'on est passé de tout à tout avec une forme de radicalisation de tous les courants dits humanistes qui si l'on n'y prend pas garde instaurera une nouvelle dictature, celle de la perfection et de l'uniformité, de ce à quoi on doit absolument ressembler au risque d'être un paria ou un poids mort pour la société... autrement dit le retour du fascisme. L'humour a toujours été un levier formidable pour dire les choses avec beaucoup d'efficacité, merci pour ce partage Patrice.
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