L'ancre a bien été ajoutée. Vous retrouverez l'ensemble de vos ancres dans la rubrique Reprendre ma lecture

Cher Dada,

J'ai hésité avant de venir accompagné. Mais, je voulais trop te présenter Clara qui est importante pour moi. C'est elle qui m'a ouvert les yeux sur les limites de la famille, qui me fait aujourd'hui te remercier de ne pas m'avoir gardé avec toi pendant toutes ces années !

Tu lui as fait une forte impression : elle te trouve séduisant et drôle, même dans les non-dits, ce que ta lettre ne laisse pas forcément transparaître. Elle m'a dit que je te ressemblais et, maintenant, je le sais. Mais toi ! J'avais l'impression, pendant toutes ces années, que tu avais choisi, après Maman,ta vie de solitaire et je t’enviais.

Est-ce encore vrai, ou es tu fragile en ce moment ? Tu te préoccupes de ce que pourrait penser de toi une jeune fille de dix sept ans, alors que d'habitude ce sont les adolescents qui ont ce genre d'appréhension face aux adultes. Quelle importance : peut-ètre ne serais je plus avec Clara, lorsque nous nous reverrons ! Ne cède pas à la fragilité. Il y a des gens qui t'aiment et toi, tu dois t'aimer aussi.

J'ai aussi l'impression d'une certaine nostalgie liée au temps qui passe, lorsque tu nous vois glisser sur un coussin d'air, comme tu dis, et que tu sens que ton pas s'est alourdi. Peut-être aurais tu des ailes, si tu étais amoureux ?

Tu n'as que trente neuf ans, il n'est pas trop tard. Et d'ailleurs,y a-t-il un àge pour aimer, ètre aimé, s'amuser ? Dada, tu es mon père et je n'en ai qu'un ! Tu seras toujours avec moi.

Ton fils qui t’aime pour deux.

 


 

Marcel nous a quitté le 29 avril 2020 et c’est avec l’accord de son épouse et avec le souvenir de tous ses amis que nous sommes très heureux et émus de continuer à faire connaître ses textes et son talent que vous retrouverez sur ce compte. N’hésitez pas à vous y abonner, à partager ses textes, et à laisser des commentaires pour faire perdurer ses textes et son souvenir.


Publié le 27/10/2024 / 7 lectures
Commentaires
Publié le 27/10/2024
Voilà qui dit beaucoup en très peu de mots sur les limites de la famille. Il y a des jeunes gens/filles de quarante ans qui s'étonnent de leur âge. Que doit-on à ses parents? L'amour? Que le fils veuille aimer pour deux, c'est charmant mais là aussi il y a des limites. Aucune obligation d'aimer même dans la fameuse piété filiale puisque même les plus religieux ne parlent que d'"honorer et de respecter père et mère". Le terme de "tendresse" demeure un peu absent... parfois il est simplement nécessaire de se préserver.
Publié le 29/10/2024
On choisit ses amis mais pas sa famille rappelle le dicton populaire mais la convention sociétale semble imposer le respect et l’amour inconditionnel aux parents, assujettie à la taxe psychanalytique qui pèse sur bien des enfants. Merci Myriam pour ton nouveau commentaire, qui empêche de penser en rond.
Publié le 29/10/2024
L'amour inconditionnel, je le sens réaffirmé dans le texte de Marcel que je lis comme une déclaration d'amour filiale. C'est beau mais voilà: il me semble qu'on est un peu désespéré d'une relation si on propose d'aimer pour deux en écrivant une lettre à "Dada" comme pour lui rappeler l'importance de son rôle. On reste toujours un fils/une fille et on donnerait n'importe quoi pour ne pas être abandonné... et la signature je la lis ainsi "ton fils qui t'aime pour deux" (...et qui sera prêt à tout pour préserver cette relation père-fils. Prêt à tout au point de déclarer: "peut-être ne serai-je plus avec Clara..."). Ici le narrateur parle juste "d'ouvrir les yeux" sur "les limites de la famille". Je trouve les limites franchies par le père et les rôles familiaux flous. Peut-on accepter que nos limites soient franchies par amour? Soutenir un parent âgé et être le parent de son propre parent dans ce sens comme dit Engome c'est une grâce, en revanche, à titre personnel, je trouve que des ados qui prennent des poses d'adultes à côté d'adultes immatures ont intérêt à avoir pardonné à leur parent. Ne serait-ce que pour apprendre à mettre des limites et vivre sainement.
Publié le 29/10/2024
Tu as raison Myriam, et tu fais bien de le souligner: les limites sont nécessaires, tout simplement parce que nul n'est immortel et que le temps nous est compté. En Afrique, il y'a une maxime populaire suivant laquelle "On vient en détail et on part aussi en détail" (Cqfc: Seul(e)). Même un parent n'a pas le droit d'empiéter sur ce temps là. Merci pour ce sage rappel.
Publié le 29/10/2024
On est parfois le parent de notre propre parent. Lorsque cela arrive, c'est une grâce qui nous est accordée. Cela signifie, que contrairement à lui/ elle, nous avons pu solidement nous construire et comprendre selon l'expression d'une autrice américaine, Ann Lammott, que (je l'écris dans sa langue): "Earth is a forgiveness school". Elle ajoute que dès lors qu'on parvient à se pardonner à soi-même, alors on peut enfin pardonner aux autres. C' est un degré d'élévation très haut.
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