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Chemin défait

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Il n'y avait personne sur le quai de la gare, ce qui a priori n'était pas étonnant. Nous étions le 25 décembre, jour où tout s’arrête, où tout est en panne.Mais, quelle idée d'attendre un train qui, ce jour-làn'arriverait pas.

C'était cependant le seul moyen d'avoirune place assise.

Plus que douze heures à tuer.Je battais la semelle, sur le quai battu par le vent,en d’incessantes allers et venues d'un bord à l'autre. J'étaislibre d'évoluer comme bon me semblait, à cloche-pied surune jambe, sur les genoux, à croupetons. Personne n'étaitlà pour me contrôler, m'imposer quelque sujet que ce soit.J'optais, un moment pour la marche à reculons, à laquelle je renonçais bien vite, les talons de mes chaussures de ville n'étant pas adaptés à ce mode d'évolution. Il aurait fallu mettre les talons à l'avant. Le soleil qui s'était levé donnait aux rails leur éclat des jours ouvrés. Je sortis unecigarette ,que je humais éteinte car j'avais décidé d'arrêterde fumer.

Plus que onze heures trente et je me laisserai glisser vers de nouvelles aventures. Je tournais ma cigarette entre mes doigts. J'avais un peu froid. Je tirai de mon sac une demi bouteille de champagne rosé : Le 25 décembre, on boit du champagne !

Je me dirigeai vers le banc du bout du quai et, sous un halo de lumière, fis sauter le bouchon.. Je trinquai avec moi-même, au Bonheur. Je renonçai à traverser les rails et me mis en route sur le chemin qui longe la voie. Je pourrais prendre le train à la gare suivante.Quelle importance..

Encore dix heures avant l'arrivée prévue du train.Je marchais longtemps. J'avais vidé la bouteille. Point de gare à l'horizon. Il était tard dans la nuit. J'avais peur tout d'un coup. Je frappais à la porte d'une maison éclairée. Un homme ouvrit la porte. Je pensais d'abord à Eastwood, mais il répondit en italien. Assis devant une assiette de soupe fumante, je portais mon regard sur ma cigarette toujours éteinte et me demandais si , vraiment, il était important d'arrêter de fumer. J’eus soudain envie, comme lorsque j'étais enfant,de traverser les rails: étaient-ils électrifiés ? Un train allait-il au même moment arriver ? Prenais-je un risque comme me l'avaient si souvent répété mes parents, si je passais d’un quai, peut-être le bon, à l'autre ? J'entendrais arriver le train de loin. Après tout, était-il si stupide de mourir emporté par un train, seul dans une gare le 25 décembre ?

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Marcel nous a quitté le 29 avril 2020 et c’est avec l’accord de son épouse et avec le souvenir de tous ses amis que nous sommes très heureux et émus de continuer à faire connaître ses textes et son talent que vous retrouverez sur ce compte. N’hésitez pas à vous y abonner, à partager ses textes, et à laisser des commentaires pour faire perdurer ses textes et son souvenir.


Publié le 25/10/2024 / 4 lectures
Commentaires
Publié le 25/10/2024
Arf, c'est compliqué la liberté quand on ne sait pas quoi en faire. On reconnaît le narrateur à ses tentations ordaliques comme dans le texte avec celle qui est "toujours trop loin" mais ici l'histoire impossible se répète avec une possibilité d'aventure qui tarde et s'ouvre à plusieurs scénarii. En définitive, notre homme attend toujours que "quelque chose arrive" mais comme il ne sait pas quoi faire de sa liberté, il n'initie aucun mouvement. L'"attente" comme "le seul moyen d'avoir une place assise" m'intrigue au plus au point. Bizarre comme stratégie. La déambulation autour de la gare m'étonne un peu moins: la rencontre avec le "roi du cool" devant le bol de soupe fumante m'amuse (ce n'est pas la bécane de Clint Eastwood qui chauffe ici et je vois mal un virage en moto à part celui de la cuillère sur le bol). Je suis d'accord avec le fait que la nuit du 24 au 25 est souvent suspendue (il faut privilégier les jours ouvrables pour avoir des accidents si on tient à survivre) mais le 25 malgré tout, certains trains circulent. Le 24, on peut hanter des musées souvent déserts pendant que la foule écume les magasins.
Publié le 27/10/2024
Marcel aimait l'absurde au travers de situations décalées, de quiproquos ou d'association d'idées antagonistes ou totalement vaines. Ton commentaire est très intéressant comme toujours. Souvent les auteurs ont une ou des obsessions dans leurs écrits.
Publié le 27/10/2024
Hello Léo, merci du partage et merci pour ta lecture. À très bientôt de te lire.
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