Depuis ma retraite, je vais photographier les oiseaux tous les jours au parc Victor Thuillat. J’y ai rencontré une drôle de femme. L’ai surnommée : « Madame Tête en l’air ».
Femme d ‘âge mur. Menue. Petite. Blonde aux yeux clairs. Lunettes rondes. Robes ou écharpes fleuris. Elle m’intrigue. Traverse le parc de biais, sans se soucier des chemins, comme si elle suivait des diagonales imaginaires. Chantonne ou parle toute seule. Ou, plus étonnant, vise le ciel avec son masque tendu comme une fronde puis hoche trois fois la tête en tirant la langue. Pour en faire descendre la Trinité ?
Elle ne manque jamais la boîte aux livres. S’y attarde. Prends vraiment son temps. En sort les ouvrages. Les ouvre. Les retourne. Lit quelques lignes au hasard. Les palpe. Les soupèse. Les renifle. Les déplace. En choisit ou en apporte un, deux ou trois, rarement plus. Range ceux qui restent autrement. Elle change parfois d’avis avant de s’éloigner.
Sinon, souvent la tête en l’air. Comment dire ? Elle s’arrête brusquement. Lève la tête. Observe les arbres. Elle siffle. Mal, mais elle siffle. Aime les oiseaux elle aussi. Cet été, je l’ai aperçue plusieurs fois, assise au bord de la rivière anglaise, les pieds dans l’eau. Tranquille !
Je me suis décidé à l’aborder ce matin. Lui ai tapoté l’épaule doucement. Je lui ai fait peur. Elle m’a poussé dans l’eau la garce ! Me suis dit que ça ferait une belle chute à cette histoire.