Je vous donne ici la plus belle phrase de mon roman "Ambre gris". Enfin, dire "la plus belle", c'est injuste pour les autres. Et elles sont nombreuses, celles que j'aime en particulier. Celle dont je vais vous parler est simplement celle à laquelle je pense maintenant pour diverses raisons, notamment pour son caractère sarcastique.
 
Mais avant de vous la donner je voudrais vous dire comment faire avec elle. Bien sûr vous savez aussi bien que moi ce qu'est une phrase mais, parce que depuis maintenant plus de deux ans, je les aligne, les sous-pèsent, les retouche, les relis, j'ai peut-être un petit avantage sur la plupart d'entre vous.
 
Je voudrais vous dire que la phrase dont je parle, il faudra la lire à haute voix car c'est seulement comme ça qu'on peut le mieux apprécier son rythme, sa musique, sa tonalité. Toutefois, avant de la faire sonner, il faudra la lire dans sa tête pour bien la comprendre et pouvoir en percevoir les charnières, ces pauses sur lesquelles elle s'articule.
 
Cette phrase que je vais vous donner est assez tarabiscotée, je dois dire. C'est pour ça aussi que je l'aime. Une personne dont on aurait tout compris après une demi-heure de bavardage, n'est pas la plus passionnante. Je découvre encore des recoins inconnus chez Luce, 25 ans après qu'on se soit rencontrés. Une phrase, c'est un peu pareil. Idéalement, quand on croit en avoir tout compris, elle revient à la surface et on se dit "Ah oui. Il y avait ça aussi."
 
Prenez-en soin, elle en vaut la peine. Il y beaucoup en elle mais il faut lui faire confiance et vous faire confiance. Vous saurez aspirer la moindre de ses subtilités parce que vous et moi parlons la même magnifique belle langue, le français et aussi parce que vous et moi sommes des gens simples issus de familles ouvrières.
 
"Les caves savamment éclairées, chichement pour faire croire au touriste qu’il se trouvait être privilégié au sein d’un sanctuaire, mais assez tout de même pour éviter qu’il se vautre dans les vieilles pierres irrégulières dont le sol était fait, résonnaient des exclamations superlatives d’un guide que je trouvais péteux."

Publié le 10/03/2024 / 9 lectures
Commentaires
Publié le 10/03/2024
« Vingt fois sur le métier remettez l’ouvrage » disait Boileau. Une phrase se travaille sans cesse pour atteindre son idéal (à soi, les perceptions ne sont toujours que personnelles et ne peuvent de fait pas être unanimes), que ce soit sur le plan de sa structure, de sa technique, de son oralité aussi. Le travail paye, c’est pourquoi il faut toujours suivre le conseil de Boileau en matière d’écriture.
Publié le 10/03/2024
Je suis on ne peut plus d'accord. Mais je n'en peux plus. Heureusement, je remets la presque dernière épreuve avant impression mardi. ;-)
Publié le 10/03/2024
Et Véronique dirait aussi « il Faut savoir mettre un point final à un projet » ;-)
Publié le 10/03/2024
Ha ha ha ha ! Ça me rappelle une phrase que ma mère avait dite à mon frère. "Philippe, le mieux est l'ennemi du bien". A quoi il lui avait été facile de répondre "Et le bien est l'ennemi du mieux". Finir ! Tout est là !
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