Haïti et ses mulâtres: Barrières et gestes barrières

PARTAGER

«Sans pudeur, le maître blanc abusa fréquemment de son droit de propriété sur les esclaves de sexe faible. De ce débordement de sensualité sortit le mulâtre de Saint-Domingue.» Dr. J.C. Dorsainville (1880-1942), Ed. 1934, Manuel d’histoire d’Haïti, page 51

Nous voici en janvier 1946. Sur les planches du Rex qui est alors un grand théâtre, le préjugé de couleur est magistralement dénoncé dans Barrières de Roger Dorsinville. La première oeuvre de Dorsinville fit scandale. Le sujet de la pièce (en 3 actes) est sensible à l’époque (Max Dorsinville ). Représentée pour la 1ère fois au Théâtre Rex le 6 décembre 1945. Elle a été interdite après la 3e représentation du 4 janvier 1946 (Témoins). Entre-temps, la petite Haïti a produit- au moins - 10 générations de nouveaux mulâtres qui n’ont aucun rapport avec l’étymologie historique du qualificatif (assimilés aux anciens libres de couleur, et les « noirs », perçus comme les descendants des anciens esclaves; Dominique Rogers, 2003).

les authentiques d’hier (noirs de la classe politique) constituaient une sorte de papauté de la négritude noiriste. Ils ont installé dans notre troublante histoire sociale, le concept purement schizophrénique, «A bas les mulâtres, vive les mulâtresses». Car, une fois un «noir au pouvoir», l’accès aux mulâtresses ne serait qu’une simple formalité. Une bonne partie des révolutions de 1946 et de 1957, c’était aussi cela… Au départ donc, le mot «authentification» est une imposture idéologique. Il traduit l’intime fausseté mystificatrice d’une lourde génération de politicailleurs.

Barrières de Roger Dorsinville fut un succès au théâtre qui porte aussi la signature des acteurs Martha Jean-Claude, Stern Ray, Martial Day, parmi d’autres. Un succès de tonnerre qui va contribuer à faire chavirer le gouvernement d’Elie Lescot (1940-1946). Ma question à Martial Day, au début des années 80, «[…]comment un président qui figure parmi les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale a pu être renversé par un mouvement d’écoliers bien articulé, appuyé par d’habiles politiciens civils et des militaires ambitieux?».

Avec un sourire paternel rempli de sagesse, il me répondit, «[…] il existe de ces choses que Lescot ignora et finirent par l’emporter…».

(Extraits de: L’histoire d’Haïti d’un contribuable inquiet...)

Gilbert Mervilus


Publié le 23/03/2024 / 19 lectures
Commentaires
Publié le 24/03/2024
Merci pour l'ajout de ces références Gilbert, je comprends mieux la banalisation à travers les âges de l'emploi de certains termes qui apparaissent aujourd'hui comme choquants et déstabilisants. Dans l'extrait qui introduit ton texte, il est dit "sensualité" alors que le maître blanc, abuse, et qu'il s'agit de viol. J'ai l'impression qu'avant tous les mouvements sociaux comme #MeToo et tout ce qui a suivi, personne ne prêtait vraiment attention aux mots employés et je crois qu'à force de les avoir lus et banalisés rien ne semblait poser problème... encore merci de révéler ces moments où l'inacceptable a fini par prendre racine. A plus tard Gilbert.
Publié le 28/03/2024
Evidemment, tu comprendras que chaque génération de politiciens utilisent «la couleur» selon les caprices d’un moment! Ironiquement, nous disions:- Obama est un blanc en Haïti ! Grands Remerciements
Connectez-vous pour répondre