À quoi pensait-il debout devant la fenêtre au petit matin? Je l'observais de loin et ce n'était pas la première fois que je le voyais s'attarder de longues minutes à regarder au loin. Que voyait-il? J'avais parfois l'impression que ça lui permettait de tout simplement voir mieux en lui, qu'il devait se sentir en paix. Peut-être priait-il? Je ne lui ai jamais demandé. Ça me faisait du bien de le voir, du haut de mes dix ans, j'étais intrigué. Je le voyais une fois par année et les deux seuls matins de l'année où il dormait à la maison familiale, je l'apercevais à la fenêtre avant que tout le monde se lève. Seul dans la pénombre, avec moi pas très loin. Le temps semblait s'arrêter. J'avais l'impression que c'était la meilleure chose à faire, être arrêté à ne rien faire, les mains dans les poches, en silence. J'admirais ce qu'il faisait sans rien faire. Sur une ferme, tout est à faire. Je voyais mes parents continuellement en train de travailler. À partir de sept heures trente du matin, j'ai toujours eu l'impression que la masse humaine se mettait en branle, quelque chose changeait, le calme disparaissait et du coup, ça me manquait. Cet homme à la fenêtre semblait le seul humain à s'être synchroniser sur la paix qui m'habitait. Il était arrêté, paisible. Il devenait la fenêtre me permettant de contempler une autre manière d'exister. J'aimerais garder ce moment, l'éterniser.