Sous l’amidon d’une ombre une douce flamande

Glisse son regard bleu par-dessus le jardin

D’où l’horizon fuyant d’un rouge incarnadin

Cueille le point du jour d’une larme gourmande.

 

Un parfum de cerise et de sirop d’amande

Flotte comme un brouillard autour d’un baladin

Dont le luth de bois blanc frémit d’un ton badin

Contre un cœur qui s’éprend et qui déjà quémande.

 

Sur un beau guéridon un ouvrage oublié

Ourle de sa dentelle un rempart enlié

Comme un damier de feu que le silence fauche.

 

Puis sur le fleuve amer passe un lointain chaland

Dont les voiles de lin au bec de goéland

Déchire le bonheur que le désir ébauche.

 

Francis-Etienne Sicard Lundquist 

Griffes d'ortie @2015

 


Publié le 14/08/2025 / 11 lectures
Commentaires
Publié le 15/08/2025
Quel plaisir de te retrouver en mots Francis Etienne. Ton poème offre à la fois une grande délicatesse et presque une paix, contemplative et immuable, presque d’un autre temps… jusqu’à ce que l’amour s’en mêle et malmène cet équilibre (qui déjà quémande) et en conclusion l’idée que la naissance du désir puisse déchirer le bonheur. J’ai aussi beaucoup aimé que les livres puissent être un rempart, je pense qu’ils le sont lorsque l’on en fait bon usage.
Publié le 17/08/2025
Mon cher Léo, c’est aussi un immense plaisir de pouvoir publier à nouveau sur Le peuple des mots, et crois-moi, cela m'a beaucoup manqué pendant les mois d'hospitalisation que je viens de traverser. Merci pour ton soutien et pour ta présence, presque invisible, qui m’ont aidé à ne pas renoncer à l’écriture. Ton analyse comme d’habitude est très juste et très pertinente. Je partage l’idée que l’amour qui « quémande » est à la racine même de la destruction, par le désir, d’un lien de paix et de sérénité, que bien des peintres hollandais ont représenté dans la béatitude idéale et statique du confort amoureux. La béatitude n’est pas un état humain à cause de l’aiguillon de l’envie et de l’incontrôlable pulsion de possession. Il n’y a pas d’amour sans souffrance (c’est aussi le fil rouge de Proust). Alors il reste le refuge des livres qui, s’ouvrant à des mondes intérieurs, nous permettent de nous protéger de la douleur, du désespoir et de l’anéantissement de nos plus riches facultés. Merci encore Léo pour avoir aussitôt renouer notre dialogue sous mes quelques vers. A plus tard. Francis-Etienne. Par un trait de crayon le vent foule le temps Au pied de la montagne où s’ébroue un étang.
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