Phil de London

PARTAGER

Phil de London, 

 

Je me souviens de Phil,

 

Je croisais souvent Phil sur le chemin de Marks & Spencer, à l’aller ou au retour.

Il habitait la maison d’en face, avec sa charmante épouse, plus jeune, toujours impeccable, fine et élégante.

Elle allait régulièrement au gymnase, retrouvait sans doute des amies autour d’un thé.

Elle appartenait à ce monde ordonné où les gestes se répètent avec grâce.

 

Phil, lui, était plus silencieux.

Un homme cultivé, voyageur, dont la vie avait été très remplie.

Quand il me parlait, il y avait dans sa voix une nuance de tristesse, ce léger voile que la nostalgie dépose sur les mots.

Il semblait heureux d’avoir tant accompli, mais fatigué d’en porter le souvenir.

 

Un matin, je l’ai croisé en revenant de mes courses.

Il paraissait ralenti, un peu absent, ce n’était plus le Phil énergique que je connaissais.

Je lui ai proposé de l’aider à porter ses sacs.

Il a refusé avec un sourire : « Non, Michel, ça te ralentirait. »

Alors j’ai marché à son pas, jusqu’à sa porte. Nous nous sommes salués.

Je ne l’ai jamais revu.

 

Quelques semaines plus tard, sa femme m’a appris qu’il était décédé . 

Nous avons échangé quelques mots simples, puis le silence nous a séparés.

 

J’habitais juste en face et je ne l’avais plus vu et je n’ai pas su. 

Ce passage n’est-il pas irréel ? Complètement surréaliste ! En face de chez moi, Phil était parti discrètement et par les occupations, le train de la vie, je n’ai pas su ! 
 

J’étais bouleversé. Vraiment.

 

Et je me suis souvenu de ce qu’il m’avait dit, ce matin-là, en avançant lentement :

 

« Tu sais, Michel, j’ai fait de grandes choses dans ma vie.

J’ai eu des affaires, j’ai eu de l’argent, j’ai beaucoup ri, beaucoup voyagé. J’ai eu une belle vie.

Je suis fier de tout cela.

Mais maintenant, regarder la télévision, lire des livres… ça ne m’intéresse plus.

J’ai l’impression d’avoir tout vu, tout compris. Et je suis fatigué.

Quand il est temps de partir, Michel… il est temps de partir. »

 


Publié le 07/10/2025 / 1 lecture
Commentaires
Connectez-vous pour répondre