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Si l’harmonie du style est nécessaire à l’éloquence, elle l’est bien plus encore à la poésie. Le poëte, en adoptant le rhythme cadencé du vers, s’est engagé à offrir à l’oreille un charme qu’elle ne trouvait pas dans la prose : à plus forte raison doit-il, à l’exemple de l’orateur, choisir, parmi les mots qui se présentent à lui, ceux qui sont les plus doux à prononcer, et faire en sorte que leur mélange produise encore une agréable impression. Il sera parlé plus tard de l’harmonie imitative ; nous verrons alors quelles restrictions il faut mettre à la règle générale de l’harmonie.
Boileau, dans ces vers de l’Art’ poétique, nous a donné à la fois le précepte et l’exemple
H est un heureux choix de mots harmonieux ; Fuyez des mauvais sons le concours odieux Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée Ne peut plaire à l’esprit, quand l’oreille est blessée. Racine est peut-être, de tous nos poëtes, celui qui avait le sentiment le plus exquis de l’harmonie. Voyez, dans ces beaux vers, combien la mélodie des paroles ajoute à la grandeur des pensées
Que peuvent contre lui’ tous les rois de la terre ? En vain ils s’uniraient pour lui faire la guerre Pour dissiper leur ligue il n’a qu’à se montrer ; Il parle, et dans la poudre il les fait tous rentrer. Au seul son de sa voix la mer fuit, le ciel tremble ; II voit comme un néant tout l’univers ensemMe Et les faibles mortels ; vaints jouets du trépas, Sont tous devant ses yeux comme s’ils n’étaient pas. Boileau s’est souvent moqué des vers rocailleux de Chapelain. On verra par un échantillon combien cette critique était fondée
Un seul endroit y mène, et de ce seul endroit Droite et raide est la cdte, et le sentier étroit.
Quels vers’, ’juste ciel !’s’écriait-il ; je n’en pms entendre prononcer un que ma tête ne soit prête à se fendre.
La parodie suivante, que ce satirique a faite du style de Chapelain, est fort connue
1. Dieut t
Maudit soitl’auteur dur,.dont l’âpre et.rude.venve, Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve ;.
Et de son lourd marteau martelant le, bon. sens, A fait de méchants vers douze fois douze cents. Nous altons énumérer, en les classant, lësprinci "pales causes qui nuisent à l’harmonie du style.’ 1° Il faut ranger en premier Uea~ la ;succession~ de plusieurs consonnes rudes :, C’est,. di6.jVo !taire,Ie mélange heureux des voyelles et consonnes’qui’fait le charme de laversincation.
J’eus toujours pour’Sttspects !esd6 ? :sd’MM ennemi. ’< [CbRNB !BLE.
Jusqu’à ce çu’dvous-méme’it aitosese~prendre : CoEls donc qu’a pressé la soif’de la vengeance. ID. Un poëte peu connu’ commence un vers par cet hémistiche Arbre à ~rMa~e écorce.
La Motte fournit beaucoup d’exemples de ces cacophonies
Les rois qu’après leur mort on loue.
L’onde entre et fuit à flots égaux.
Cherche jusqu’en son advèrsaire.
Et du fond vif de ses pensées.
Les vers mosyllabiques sont en’gênerai’ peu harmonieux :
Je sais ce que j’ai fait, et ce qu’il vous faut faire. Co’RN. Ah 1 ce n’est pas ses soins que je veux qu’on me die. ID. Soitqu’eUe eùtméme en lui vu je ne saisquel charme. RAC. Un feu qui de mes sens est même encor le maître. VOLT.
1. Dulard.
Les mots tirés de langues étrangères qui ont leur désinence en am, us, as, ès, is, os, etc., et qui se prononcent comme s’ils étaient terminés par un c muet, tels que Jérusalem, Brutus, Cérès, Pâris, Minos, ont quelque dureté lorsqu’ils sont suivis d’une consonne Jérusalem sera, Brutus croit.
J’ai cru qu’Antiochus les tenait éloignés. CORN. Tout le peuple en murmure, et Félix s’en offense. ÎD. Jadis Priam soumis fut respecté d’Achille. RAC. Minos juge aux enfers tous les pâles humains, In. Quelquefois un seul mot est choquant à l’oreille Ne perds-je pas assez, sans doubler l’infortune ? CORNTout ce que je sens, je t’exprime ;
Ne sensée plus rien ? je finis. LA MOTTE.
Et jamais elle n’est plus pure
Qu’où le travail a moins de part. ID.
La Harpe Marne dans un endroit l’emploi des prétérits définis &7’M~M, remplîtes.
2° La répétition de la même lettre dans une suit& de mots
Que, quelque amour qu’elle ait et qu’elle ait pu donner. [CORNEILLE.
On n’a tous deux qu’un cœur qui sent mêmes traverses. Mon cœur te résistait, et tu l’as combattu. h). Qui changeant sur ce plat et d’état et de nom. BOIL. Gardez donc de donner, ainsi que dans Clélie. !D. De toutes parts pressé par un puissant voisin. RAC. Ingrat à tes bontés, ingrat à ton amour. VOLT. Tout art t’est étranger combattre est ton partage. le. 3° Une syllabe finale et une syllabe initiale qui sont pareilles :
Tranchez donc cette part par où l’ignominie
Pourrait souiller l’éclat d’une si belle vie. CORN. Qu’à son ambition ont immolé ses crimes. In. Barbin impatient chez moi frappe à la porte. Bon.. Que, prête à se glacer, traça sa main mourante. VoLT. Ils ont nommé ~erope, et j’ai rendu les armes. ID. 4" Deux mots ayant même consonnance qui se suivent immédiatement :
Et d’un oeil vigilant épiant ma conduite. VOLT. Tel d’un bras foudroyant fondant sur les rebelles. !D. Dans ses desseins toujours à mon père contraire. CRÉBIL. 5° La versification française n’admettant pas l’hiatus, il fautusersobrement des hiatus déguisés, mais réels, que nos règles autorisent. Nous reproduirons sommairement quelques points développés ci-dessus. On devra éviter devant un mot commençant par une voyelle
Er se prononçant é, comme papier innocent, guerrier intrépide.
Un mot terminé eifectivement par la même voyelle, après que l’élision aura été faite, comme armée étran~ere, nuée épaisse, perfidie tnoMïe, rue humide ; Les voyelles nasales, comme ~ra~ m/ ?ea ;t6~, maison élevée ;
Un mot terminé par une consonne qui ne peut se lier par la prononciation à la voyelle initiale du mot suivant, comme camp ennemi, champ ensemencé. Tels sont encore nid, loup, drop’, etc.
1. Cependant les différentes rencontres de lettres que nous
L’h aspirée est dure, dans certainscas.par exemple dans et /M~ être haï, la haïr.
6° Le poëte pèche encore contre l’harmonie, quand il fait rimer la césure avec la fin du’vers : Sortons ; qu’en sûreté j’examine avec vous,
Pour en venir à bout, les moyens les plus doux. CORN. Je t’ai préféré même à ’ceux dont les parents
Ont jadis dans mon camp tenu les premiers rangs. !o. De Corneille vieilli sais conso)er Paris. BoiL.’ Sur un de vos coursiers pompeusement orné. RAC. On doit condamner dans ce cas une simple ressemblance de sons, comme par exemple celle d’un masculin avec un féminin
Nos desseins avortés, notre haine trompée. CORN. Jusqu’au dernier soupir je veux bien te le dire. ID. Aux Saumaises futurs préparer des tortures. BOIL. 7° Les hémistiches de deux vers ne doivent pas rimer’entre eux. Cette consonnance trompe l’oreille, et lui fait croire qu’elle entend quatre vers de six syllaBes,’ au~Iieu de deux alexandrins :
D& votre dignité soutenez mieux t’éciat
Est-ce pour travailler que vous êtes prélat ? BoiL. Je prodiguai mon sang : tout fit place à mes armes ; Je revins triomphant. RAC.
Lorsqu’on des tourbillons de flamme et de fumée, conseillons ici d’éviter sont bien moins sensibles, et peuvent être admises, après un repos bien marque
Sauvez-nous de sa main, et redoutez les dieux. CORN. 1. « Roi hors est dur à l’oreille, dit Voltaire à propos d’un ’vers de’ Cinna.
Cent tonnerres d’airain, précédés des éclairs,
De leurs globes brûlants écrasent une armée
Quand de guerriers mowoMts tessiUons sontcouverts, etc. [VOLTAIRE.
8’ Il n’est pas bien qu’une césure offre uneconsonnance avec une rime voisine
Voilà jouer d’adresse et médire avec art, Et c’est avec respect enfoncer le poignard.
Un esprit né sans f~, sans basse complaisance. BOIL. Il a dans ces horreurs passé toute la nuit.
Enfin, las d’appeler un sommeil qui le fuit,
Pour écarter de lui ces images funèbres, etc. RAC. 90 Il faut encore éviter que des rîmes masculines et féminines qui se suivent aient le même son, soit dans des rimes suivies, soit dans des rimes croisées : Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix, Souffrez que j’ose ici me flatter de leur choix,
Et qu’à vos yeux, seigneur, je montre quelque joie De voir le fils d’Achille et le vainqueur de ÏY’0 !’e. RAC. Mal prend aux volereaux de faire les voleurs
L’exemple est un dangereux leurre.
Tous.les mangeurs de gens ne sont pas grands seigneurs Où ta guêpe a passé, le moucheron demeure. LA FONT. A plus forte raison,, une succession de plus de quatre consonnances pareilles est-elle réprëhensible. 10° Dans les rimes plates, la même consonnance ne doit pas reparaître deux fois de suite à une rime, soit masculine, soit féminine
Soudain, Potier’se’tëve, et’demandë’au~’ence Chacun, àsonaspect !gat’deuaprofonds~n !se.’
Dans ce temps malheureux, par te-crime :Mt~c~
Potier fut toujours juste, et pourtant respecté.
Souvent on l’avait vu, par sa mâle éloquence,
De leurs emportements réprimer la licence,
Et, conservant sur eux sa vieille autorité,
Leur montrer la justice avec impunité. Volt.
II° Certaines rimes sont désagréables à l’oreille. Telles sont les prétérits définis et les imparfaits du subjonctif : mîtes, reçûtes, vîmes, flattasse, reçusse.