Rouge, orange, vert. Attend. Rouge, orange, vert ? Pour des collants ? Ah.

Un short à paillette, un débardeur aguicheur, et deux couettes palmiers complètent le tableau.

C’est ça, un samedi soir sur la 10 ? Non, ce soir il y a quelque chose de plus. Un air d’espièglerie, de fête, de provoc aussi. Sensuel. Une attitude, un côté Central Bahnhof, années Bowie. Avec un soupçon de 69, année érotique.

Alliée de la jeunesse, l’attitude fait tout. Le regard bas, le genou relevé, le chewing-gum mâché, elle se dandine. Droite, gauche, haut, bas. L’assurance fascinante de la jeunesse sûre d’elle. Celle qui fait rougir les autres, tout en leur faisant envier ces années bénies, libres du regard des autres. Et à la fois intimement lié, mais libérateur. Cette attitude qui trouble le regard, qui attire l’autre dans l’abime sensuel des sirènes d’Ulysse, envoûtés par cette présence, cette soif d’existence, d’apparence, de puissance et de vie.

L’image s’imprime sur sa rétine, comme une vision fantasmagorique du rêve familier de Verlaine, celle qui n’est ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Elle flotte dans l’air, cette vision, tandis qu’il s’extirpe de cette rame pour regagner la terre ferme, celle de la moiteur sucrée de cette nuit d’été.

Les couloirs sont moches, ils puent la pisse, la sueur, la vie. Le contraste est fort, prégnant : cette nymphe, puis cet enfer, tel un écrin putride révélant une perle façonnée. Mais ce couloir, peu à peu, se révèle, parce qu’il est la promesse d’une vie meilleure, qui attend là, au bout, impatiente, bouillante. Il est sa transition, son antithèse, celui par qui l’avant est sublime, et l’après, merveilleux. Il sent la réalité, celle qui tâche, qui souille, qui choque. Celle qui transforme, aussi.

Ceux qui l’ont gouté le savent, eux. Ils l’ont vécu, cette descente, sans lumières, dans le bruit, l’impersonnalisation du monde, l’indifférence. Mais aussi avec l’espoir d’une vie meilleure, tel Fred arpentant les couloirs sous les néons d’Auber, le sourire aux lèvres.

Au bout, une musique s’entend. D’abord ténue, sourde, presque inaudible, absorbée par le lourd bruit du métro. Puis de plus en plus claire, rythmée, accompagnée de joies, de rires, de vies. Une musique colorée, qui invite à presser le pas, qui fait écho avec son cœur. Le lien qui reliait à la vision primale d’une sensualité disparue, se distend. Il fond face à cette vie, cette promesse de lumière et de sens. Encore quelques mètres, une dernière tentative, un dernier regret, une hésitation. Et si c’était mieux avant ? Et si je retournais dans ce tube familier, rechercher cette Gorgone aguicheuse ? Mais non, la vie est plus forte, elle attire, car c’est ainsi. Elle gagne à tous les coups, car elle porte et supporte, apaise et exalte.

Ça y est. Il est sorti. La lumière l’aveugle, la musique l’étourdi, la moiteur l’échauffe. La nouveauté l’effraie un peu, mais elle l’embrasse et l’entoure, le rassure. Elle s’imprègne au plus profond de lui, boom boom, comme un rythme de samba, boom boom, comme une fête infinie, pleine de rencontres, de bonheur et d’ivresse.


Publié le 18/10/2025 / 4 lectures
Commentaires
Connectez-vous pour répondre