« Je t’aime Philippe, sincèrement, de tout mon cœur, et comme je n’ai jamais aimé personne d’autre auparavant. Mais là, je n’en peux plus ! Vivre comme ça, tapis dans l’ombre, à l’abri du regard de ta famille, de tes amis, comme si tu avais honte de moi…Je sais que ce n’est pas ça, je sais que le problème est autre : ta honte d’être ce que tu es, ta peur de tous les perdre, famille comme amis. Moi je vois les choses différemment. J’ai tout quitté pour toi : mon travail, ma région, mes repères, ma propre famille, et mes propres amis, pour venir te rejoindre toi, par amour…Et toi que fais-tu pour moi ? Tu me présente comme un colocataire au mieux, quand tu ne me demandes pas tout simplement dégager de l’appart pendant que tu reçois du monde pour que personne ne se doute de rien. Alors oui, on partage de beaux moments ensemble et on s’éclate au pieu. Mais maintenant je ne peux plus me contenter de ça !
Hier c’était le mariage de ta petite sœur, l’occasion pour toi de révéler la vérité sur notre relation et de me présenter à tous. Mais non, cela ne t’a même pas traversé l’esprit…
Alors maintenant stop ! Je repars d’où je viens, retrouver ma famille et mes amis qui eux m’acceptent comme je suis.
Je te souhaite bonne route et surtout de parvenir à t’assumer un jour, car là tu n’es pas libre, tu es enchaîné dans ta peur, ta honte et ton désir de correspondre à ce que tout le monde attend de toi…
Inutile de me rappeler : je ne décrocherai pas…
Avec tout mon amour,
Patrick »
Tels furent les mots que Philippe put lire en rentrant chez lui, en trouvant une enveloppe cachetée collée sur sa porte d’entrée.
Il pénétra dans le trois pièces et constata avec effroi que la moitié des meubles avaient disparu.
Putain ! C’est pas vrai ! Il l’avait fait !
Cela faisait des mois que Patrick le menaçait de partir si Philippe ne révélait pas toute la vérité sur leur relation à sa famille et ses amis mais jamais Phillipe n’aurait pensé Patrick capable de le faire. Il pensait qu’il l’aimait trop pour ça…Quel égo surdimensionné se disait-il à présent.
Bien sûr qu’il comprenait…Cela faisait trois ans qu’il le cachait à tous pour avant tout se cacher lui-même…Il comprenait très bien son ras le bol, son coup de sang…Mais cela ne pouvait pas se terminer ainsi. Ils s’aimaient trop !
Philippe tenta de l’appeler plusieurs fois, mais, comme écrit dans la lettre, Patrick ne répondit. Philippe tenta les textos d’excuses, de supplication, de remords, d’auto flagellation mais rien n’y fit. Il n’obtint aucune réponse.
Il s’assit alors dans l’unique fauteuil restant, contempla l’appart à moitié vide, prit sa tête et pleura. Ce n’était pas son genre pourtant, c’était un dur lui ! Mais là, la douleur était trop forte, le désespoir l’envahissait. Ses larmes roulaient sans retenue, sa respiration au rythme de ses sanglots désespérés.
Ce fut ce moment que Lucie, sa meilleure amie choisit pour venir lui rendre visite.
Comme à son habitude, elle sonna et entra dans l’appartement. En quelques pas, elle put constater le vide, dans l’appart, et dans le cœur de son ami, toujours en larmes.
« Qu’est-ce qui s’est passé ? Patrick est parti ? »
Philippe hocha la tête, toujours en larmes.
« Ce n’était pas que ton coloc n’est-ce pas ? Vous étiez ensemble en fait… »
Philippe redressa la tête et scruta son amie avec consternation.
« - Tu le savais ?!
Lucie la parcourut attentivement. Après un silence de quelques secondes, elle reprit la parole :
« - En même temps, ce qu’il dit n’est pas faux…Franchement je comprends qu’il en ait eu marre…C’est vrai que ça devait être horrible pour lui cette façon de vivre, caché de tous, dans l’ombre totale…
- Tu ne m’aides pas là !
-Si au contraire ! Tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas aller chez tes parents et tu vas faire ton coming out ! Maintenant ! Histoire que le départ de Patrick serve au moins à quelque chose !
-Ils ne comprendront pas, ils vont me rejeter, tu l’as dit toi-même tout à l’heure !
- Peut-être qu’au début la pilule sera effectivement difficile à digérer pour eux en effet. Il faudra juste être patient, leur laisser du temps, mais ils finiront par revenir vers toi. Ils t’aiment Philippe ! Tu es leur fils ! Et votre famille est très soudée en plus ! Ils ne te rejetteront pas indéfiniment, fais-moi confiance. Alors maintenant tu vas sécher tes larmes, bouger ton cul de ce fauteuil et aller voir tes parents.
- ça ne sert plus rien, Patrick ne reviendra pas…
- Des Patrick tu en trouveras d’autres…Par contre à te servira à toi : pour pouvoir être toi ! Pour arrêter de te cacher ! Pour gagner ta liberté ! Et pour ne pas faire subir la même chose au prochain ! Allez hop ! Debout ! Tu te lèves et tu y vas ! Maintenant ! »
Lucie avait pris sa voix autoritaire. Le petit garçon qui sommeillait en Philippe obéit alors, sans plus se poser de question. Il se leva, prit sa voiture, alla jusque chez ses parents et frappa à leur porte…