La rue où Tania et moi marchions était silencieuse, hormis le claquement sec de ses talons sur les pavés.
J’adore le son de la brosse qui coiffe les cheveux d’une femme, le son de la fermeture éclair de sa robe presqu’autant que celui de son ouverture, celui aussi des agrafes qui nouent ou dénouent ses dernières appréhensions et bien sûr celui de ses talons aiguilles qui tourmente l’homme civilisé que je m’efforce d’être, mais ici, comme une laitue cultivée hors-sol ou les frères Dardenne dans un catalogue de films drôles, les choses n’étaient pas à leur place, les talons de Tania sonnaient faux.
Nous évoluâmes comme ça, à peu près l’un à côté de l’autre, sans rien dire durant d’interminables minutes.
Pour me donner une contenance, je suppose, pour prévenir une tension que l’insignifiance de mon éloquence augurait, je me mis à siffloter dans le froid de l’air spécialement froid en cette fin de journée-là et je vis la lune apparaître par-dessus les toits.
Neil Armstrong, en ouvrant la porte de son LEM, le 21 juillet 1969, avait dû se sentir effroyablement vulnérable à quelques secondes de son fameux premier pas. Je me sentais pareil, vraisemblablement à quelques minutes moi aussi d’une sorte d’alunissage.
La clef tourna dans la serrure. « Vas-y, entre, mais ne fais pas trop de bruit. Mon appartement est au premier ». La porte en PVC s’ouvrit. Le corridor étroit, encombré et sombre, m’apparut. Il sentait le moisi.