Ah mon Dieu ! « Qui voit Ouessant voit son sang », nous dit le célèbre dicton breton
Ouessant ....
Dans les années 80, nous sommes 4 couples et un célibataire dont tous les hommes sont collègues de travail au CNET de Lannion, tous expatriés de leur région natale depuis un an ou deux, et nous avons tous, peu ou prou, déjà exploré les lieux magnifiques de cette belle région de la "Côte de Granit Rose" dans les Côtes-d'Armor.
"Notre" célibataire, entre autres talents, dont celui, moult fois expérimenté, d'être un fameux râleur, est aussi un aviateur chevronné, il nous propose une balade, il se fait fort de nous emmener visiter l'île la plus à l'ouest de la Bretagne l'île d'Ouessant la « finis terrae » du vieux continent .
Bien entendu, aussitôt les filles s'emparent du projet, nous allons faire un pique-nique ! En pleine organisation notre bougon vient calmer les esprits.... C'est un petit avion, deux voyages, mais pas d'enfant, sinon il faut trop de voyages, pas de bouteille, rien de lourd, bref:
- "Tu peux emmener de la salade et du pain, tu achètera le reste sur place"....
Mais c'était oublier que la saison était terminée...
Pas d'enfant... nous en avons tous (sauf lui), c'est contrariant, surtout pour ceux qui voient s'envoler leur "baptême de l'air" mais eurêka ! celles qui travaillent se font fort de confier les petiots à leurs nounous habituelles, point de regret à avoir, il ne s'agit que d'un "abandon" provisoire de quelques heures....
Ce dimanche est parfait, un ciel d'un bleu étincelant, sans un nuage, il fait chaud. Le premier groupe embarque dans le petit avion de tourisme, la ballade est belle et courte, nous attendons le second groupe pour nous déployer...
Relative déception, dans les années 80, autant dire qu'un jour de mer calme de septembre, à part des arbrisseaux couchés, la carcasse de l'Olympic Bravery et des moutons il n'y avait rien, pratiquement plus personne et... tout est fermé ...
Le "déploiement" est limité ! Nous fîmes une longue promenade sous un soleil écrasant, entre les vertes prairies entourées de murs de pierres sèches et les bêlements des moutons, pour rejoindre Lampaul, dans l'espoir d'y trouver repas et boissons, où il n'y avait rien d'ouvert bien entendu.. Le pique nique de biscuits et chocolat (merci les mamans prévoyantes) bien que frugal fut sec mais gai, l'expérience du vol ayant prévalu sur l'absence de découverte touristique.
Nous devions repartir en fin de journée, quand une brume d'enfer est tombée sur l'île vers 17h, impossible de reprendre l'avion, nous voyons à peine nos pieds...Décoller et risquer de se retrouver aux USA n'est pas envisageable...
Hôtel fermé, pas de trousse de toilette ni, accessoirement, notre sacro sainte pilule !
Par pure coïncidence nous avons la chance de frapper à la bonne porte à Lampaul, et nous trouvons quelqu'un qui a les clés de l'hôtel, mais les compteurs sont fermés, qu'à cela ne tienne, nous étions jeunes, nous aurions pris ça avec le sourire si les garçons , tous profs du CNET , n'avaient cours le lendemain à 8 h! (en réalité, nous les filles étions les seules à rigoler)
Mais avions nous le choix ??
L'aéroglisseur (qui ne passait qu'une fois par semaine hors saison) ne pourra nous conduire sur le continent qu'à 7h le lendemain matin....
Effectivement, après un réveil sans brosse à dent ni café, toujours dans un brouillard à couper au couteau, nous laissons notre copain aviateur rejoindre l'avion qui est toujours dans le brouillard de l'autre côté de l'île, et nous voilà au petit port du Stiff, où nous embarquons.
C'était la première (et la seule) fois où je suis montée dans un aéroglisseur, l'effet est tout à fait saisissant, tout le monde était absolument séduit ! imaginez vous en Aladin sur son tapis volant...
Malheureusement un quart d'heure plus tard, plus de coussin...
Nous redescendions doucement sur l'eau, plus d'air, la panne ! Traverser dans les courants puissants sans moteur adéquat... nous n'allions pas en ramant mais presque...
Enfin arrivés à Brest 2 ou 3 h plus tard... D'abord trouver deux taxis qui nous mènent à la gare, les garçons courent aux téléphones prévenir le "patron" du retard ( 4 cours en plan, pas content le patron) et bien entendu, prendre un train direct Lannion !
Un moment plus tard, le train s'arrête en pleine cambrousse....
Le personnel des trains vient de décider une grève surprise...
C'est la que les filles ont finalement laissé éclater leur fou rire .. très mal perçu par les garçons.
Nous avons continué ce "bad trip" (sans fumette ni drogue) en bus
Nous sommes arrivés à Lannion dans l'après-midi...
Le seul qui a fait cours ce jour là fut l'aviateur qui était rentré dès 9 h, la brume s'étant rapidement effilochée après notre départ