Autant la foule m'était insupportable, autant le trou à rats me servant de logement me sortait par les yeux. Bien sûr, tout ça était rassurant. Les mêmes objets aux mêmes places, les mêmes personnes faisant les mêmes choses, ayant toujours les mêmes réactions. Après m'en être repue durant toutes ces années, c'était fini. À partir de maintenant, je quittais ce monde. Le seul que j'avais jamais connu.
Comme je n'avais strictement aucun projet, le premier lieu serait la gare. De là, au moins, on pouvait partir. Je me plantais devant le tableau des départs. Paris, forcément. Nantes, bof. Brest, et puis quoi encore. Lille Europe, ça avait un peu de gueule. Marseille, porte de la Méditerranée, pas mal aussi.
Allons-y pour Marseille. Le billet devait être hors de prix. D'ailleurs, le train était noté comme complet. Second acte de fugueuse, après avoir quitté la maison de mes parents sans prévenir ni aucune explication. Explication que j'aurais été incapable de fournir. Esquiver les contrôleurs ne fut pas trop difficile : Mes parents sont en voiture 16, je suis juste allée aux toilettes. Troisième case cochée : frauder et arriver à bon port.
Bon, la gare Saint-Charles à 22h00, il y a plus engageant pour une gamine. J'avais lu quelques trucs sur Marseille. Le Cours Ju serait mon point de chute. Considéré comme le cœur battant de la vie nocturne de la ville. Le projet était maintenant de trouver un endroit pour passer la nuit, sans se mettre trop en danger. J'errais sur l'immense terrasse de bar qu'était, à cette heure, la place. Repérage des groupes de filles, guettant le moindre signe avenant. Tous ces cercles étaient fermés, on était entre soi. Je laissais la recherche pour l'attente. Je m'installais dans un lieu de passage. Assise par terre à l'affût de ce qui pourrait arriver. J'étais devenue complètement folle, à la merci de n'importe quel prédateur. Je voulais de l'imprévu, du neuf. Je risquais de ne pas être déçue.
Léo
