Ce texte participe à l'activité : La métamorphose

        Un matin encore brumeux, je tente d'ouvrir mes paupières bien lourdes. Elles semblent peser des tonnes. Est-ce la migraine d'hier soir qui persiste? Ces derniers temps, avec les heures supplémentaires, ces maux reviennent à répétition à la fin de la journée me laissant encore sonner le lendemain. 

Pourtant, ce matin, un autre mal vient s'ajouter. Des picotements vers les lombaires se font sentir. Une mauvaise posture nocturne sûrement. Je glisse ma main droite derrière mon dos, du haut dorsale en passant par les hanches pour enfin arriver vers le creux. Cette exploration corporelle m'amène de surprise en surprise. Mon haut de pyjama était déchiré comme des coups brutes portés à la couture. Il ne restait plus que des lambeaux de tissus. Au fur à mesure de mon exploration, je sens comme une croute qui tranchait avec la texture de ma peau. Légèrement humide, du sang encore vif tâche le bout de mes doigts avec son odeur de métal. Intriguée par ce relief, je me décide de suivre cette forme volumineuse. Je découvre une substance fine et légère voir vaporeuse où le contact provoque un petit bruissement. Une paire d'ailes venait de pousser sur mon dos pendant la nuit. 

Abasourdie, je me lève enkilosée et me dirige tant bien que mal dans la salle de bain. Au moment de franchir la porte de ma chambre, je sens qu'elles se dressent, m'élargissant doublement. Je me mets de profil pour accéder au lavabo et au miroir qui se trouve juste au dessus. Mon reflet vient à moi. Moi, mon être, mon petit être de cheveux, de peau, de chair et d'os, ne sont plus rien face à ces monstrueuses paires grisâtre avec des touches rouge vif. Elles envoient tout valser : shampooing, rideau de douche et bientôt interrupteur, étagères et tous autres babioles. Mon environnement est devenu tout petit. Les 42 m² ne sont plus habitables. Ces ajouts inopportuns sont un fardeau. Je regarde autour de moi. Tous ces objets tombés, cassés ou encore en un seul morceau, avaient-ils de l'importance? N'étaient, pas eux aussi, de trop? La fenêtre du salon au volet fissuré laisse percevoir la lumière naissante de l'aube. Un jet clair qui tranche avec la noirceur chaotique de la pièce et le reste de l'appartement. Je me laisse guider par elle, cette lueur, cette promesse. Malgré mes tremblements, j'arrive à ouvrir. Un tableau s'offre à mieux où la lumière se dillue dans milles et une éclats de teintes rosée, orangée et bleutée. Le croissant de lune domine le paysage. Un bruit strident surgit mettant fin à la rêverie. L'alarme du réveil m'indique qu'il est 8h du matin et qui faut que j'apprête à partir au travail. Au travail. A l'heure tapante. Dans des vêtements épais et confortables pour tout faire vite et bien. Etre là et faire sans m'opposer, sans poser de questions, pas de réclamations, pas d'espérance de distinction. Et, là, il y a la fenêtre, grande ouverte, où les nuages semblent me saluer. La pensée est brève. Je me grimpe et je me hisse du haut de la fenêtre. Mes pieds nus sont au bord tout grelotants et tiennent à l'équilibre difficilement. Mon souffle se bloque. Qu'est ce que je m'apprête à faire? Continuer ou arrêter? Qu'est ce que j'entends par continuer? Des membres lourds dans mon quotidien déjà lourd. Et, puis, arrêter quoi? Je suis là, perchée sur ma fenêtre comme une personne prête à en finir. Je regarde droit devant face au soleil qui me brûle la rétine. Mes yeux se ferment. Les ailes, mes ailes se dressent. Je retiens mon souffle.

A travers les toits, on pensa entendre comme une envolée d'un oiseau démesuré. Sur le bitume, une petit plume grise avec une trace rougeâtre s'y pose délicatement. 


Publié le 08/05/2025 / 6 lectures
Commentaires
Publié le 09/05/2025
Bonjour et bienvenue Clara. Et grand bravo pour votre participation plus que réussie. Votre description de la métamorphose est précise et les ressentis physiques nous aident de façon empathique à prendre place dans le récit et à être plus proche de votre personnage au quotidien banal mais dont ce qui lui arrive, lui ne l’est pas et capte toute notre attention. En très peu de lignes vous parvenez également à immédiatement vous projeter sur les conséquences pratico-pratiques de cette métamorphose comme l’appartement devenu exiguë. Et enfin, la conclusion de votre récit finit de nous emmener entre deux mondes, celui du réel et du fantastique, de bien belle manière. Grand bravo et merci.
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