Là où j’en suis de mon récit, il faut que je vous parle de deux actions, l’une ici, l’autre là-bas.
Deux séquences simultanées bien que lointaines géographiquement. Deux faits qu’à tort on imaginerait mineurs et dont on ne verrait non plus pas vers quel point, inexorablement, ils convergeront. Deux boules de flipper projetées par un bumper comme deux rouages apparemment vains parmi une infinité d’autres quelque part dans l’invisible horloge céleste.
Là-bas, Yazid finit de raconter à Jenny l’histoire de la petite souris grise. Une cliente quitte pour les rejoindre la table où elle était installée. Jeune, petite, habillée d’un pull-over aux couleurs vives surmontant un jean à pattes d’éléphant et des converses, elle leur dit sur le ton de la confession « Excusez-moi, je ne voulais pas être indiscrète, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre votre conversation. L’histoire que vous venez de raconter, je la connaissais car la petite souris grise est une très bonne amie à moi. Cette histoire, elle me l’a racontée. »
Ici, mon réveil sonne. Il y a bien longtemps que ce n’était plus arrivé. D’abord parce qu’il n’est pas besoin d’être réveillé si on n’est pas endormi, ensuite parce que je n’ai rien de particulier à faire. Pas de café à préparer pour le boire avec Ana avant qu’elle parte au boulot, pas de pains au chocolat à aller acheter pour les enfants, pas de chat non plus à faire rentrer après ses nuits que j’imaginais tumultueuses.
Mon réveil sonne parce qu’aujourd’hui, j’ai quelque chose de spécial à faire, de spécial et enthousiasmant, rencontrer Antonia. J’ai même un bateau à prendre pour la rejoindre.