“Le silence n’est plus, le silence s’est tû”
La perte ne se mesure qu’à l'irrévocabilité de l’absence, seul moyen d’apprécier ce que nous prenons pour acquis: la santé, le plaisir d’une balade dressée sur deux jambes solides, la présence de nos proches, capturer les nuances de l’automne dans le ballet chromatique des feuilles tombantes, recevoir de doux baisers amoureux, le silence qui nous entoure d’une quiétude rassurante…avant qu’une bande de barbares ne le noient sous le torrent cacophonique de leurs voix.
J’ai d'abord cru, des premières minutes aux premières heures, à une mauvaise blague. Je me répétais alternativement “cela ne se peut pas” et “Les autres ne me croiront jamais”, oscillant entre déni et consternation.
Assise depuis plusieurs heures à mon bureau, au premier étage de la maison familiale, située au cœur d’un département ayant fait sécession depuis longtemps avec l’état de droit, je peinais à croire ce que mes oreilles étaient contraintes d’entendre.
Des voix, sourdes et ténues, semblaient recouvrir d’une seconde couche le papier peint fleuri, aux motifs printaniers. Elles habitaient littéralement les quatres murs de la pièce vide. La surface ne laissait cependant transparaître aucune aspérité, trahissant un dispositif caché. Et pourtant, des voix murmuraient depuis les parois mitoyennes des injures et menaces à mon attention.
Très vite, cette torture acoustique s’est outrageusement installé dans mon intimité, commentant inlassablement, quelque soit l’heure du jour ou de la nuit, la couleur de mes dessous dépareillés, les mèches grises s’échappant de mes tresses, la couleur trop foncée de ma peau, faisant voler en éclat ma tranquillité.
J’étais devenu l’animal décrié d’un zoo invisible. Leurs réprobations, moqueries et critiques, dans une langue vulgaire à laquelle je n’avais jamais été habituée, résonnaient telle une méthode Coué inversée, geôle de mots meurtriers, dans l’espace que j’occupais et entrain en résonance avec les quelques insultes et menaces dont j’avais déjà pu faire l’objet à l’extérieur, en ma qualité de militante et activiste.
Les matons sonores de cette incarcération subite, cruelle et injustifiée répétaient inlassablement, avec une perversité d’autant plus assumée que l’impunité leur était acquise, que j’étais “leur prisonnière de guerre”.
Les premiers jours, j’avais précautionneusement confronté les occupants de la maisonnée, avec lesquels j’entretenais un conflit larvé, à cette situation en leur demandant s’ils entendaient aussi ces voix, dont le bourdonnement continuel vidait peu à peu ma vie de son essence, sa vitalité et sa dignité.
Ils prétendirent tous ne rien entendre, mais tandis que leurs bouches répondaient par la négative, j’avais la confirmation de leur mensonge concerté dans leurs regards croisés. Gênés pour certains, amusés pour la plupart.
Quelque mois plus tard, ayant réussi à enregistrer plusieurs séquences de ces litanies ordurières à basse fréquence, qui saturaient désormais mon quotidien, de jour comme de nuit, en distribuant des insultes et menaces en rafales, averse de laissant aucune issue, j’ai contacté un ingénieur du son, dont j’avais trouvé les coordonnées sur internet.
Sans le travail rapide et soignée de ce professionnel qui ne donna plus signe de vie une fois le travail exécuté et dont il était dès lors impossible de retrouver la trace, je me serai peut-être conformée aux attentes de mes tortionnaires, en devenant réellement folle. Probablement filmée à mon insu, même dans la plus totale intimité, j’avais cependant appris à résister à la tentation de crier ma haine à ces “murs murmurants”.
Ce dispositif sophistiqué cachait une ingénierie perverse et une organisation martiale visant ma perte. Et les complicités institutionnelles étaient plus solides que les idéaux républicains, dont j’avais pourtant docilement, toute ma vie durant, coché chacune des cases. Malgré les preuves évidentes d’abus multiples et actes de tortures, la police s’obstinait à refuser les plaintes que je souhaitais déposer, allant jusqu’à m’intimider pour m’ en dissuader.
Les regards obliques des agents lorsque je traversais la grande salle du commissariat où s’entassaient des plaignants qui n’auraient jamais eu aucune chance de se croiser ailleurs, avant d’entrer dans la petite salle exiguë des auditions,
Ces regards de policiers ayant abdiqué leur mission, ne laissaient aucun doute sur la vacuité de ma démarche. Mon obstination en amusait un grand nombre. Certains éprouvaient cependant un fugitif sentiment de pitié, rapidement balayé par leur charge de travail et horaires contraignants.
Partout, les mêmes regards muets et impuissants: Police , justice, tribunaux de toutes sortes, Administrations, Associations de victimes, entourage proche comme élargi.
Partout aussi, ces voix brusques, ces voix d’ogres dévorant ma vie, renversant systématiquement chaque solide pilier de mon existence, dont l’équilibre précaire continuaient pourtant de déployer des ailes pleines de grâce.
Cela fait 7 ans à présent que leurs voix ont colonisé ma vie, quelque soit le lieu investi: cinq déménagements en trois ans. Ils s’installent dans les heures qui suivent l'emménagement. Y compris dans certains hôtels, à l’exception de l’appart’hotel de Lyon où certainement excédés par la résistance du personnel, ils ont envoyé deux femmes de leur organisation mafieuse nous intimider dans le hall, tandis que des voix d’hommes, parfaitement audibles cette fois, grondaient des menaces à l’extérieur du bâtiment.
Je n’appelle plus la police: ils ne sont pas de mon côté.
Les ressources ne se trouvent pas du côté des institutions, mais elles se trouvent: à force de lectures, d'entretiens avec d’autres victimes de cette criminalité souterraine, et en croisant toutes les sources d’information pertinentes, j’ai compris que ce dispositif criminel était un processus d’élimination sociale. Plus efficace qu’un tueur à gage et plus discret qu’un homicide.
Dispositif itinérant suivant les cibles choisies dans leurs déplacements, il ne se déploie cependant pas partout de la même manière: A Orléans, où j’ai vécu une année, la nuisance acoustique provenait d’un des conduits d’aération de la cuisine. Parfaitement audible, la “pollution sonore” avait été attestée par la mairie de cette ville, qui ne comprenait cependant pas comment un immeuble répondant aux normes, permettait une telle perméabilité.
Dans l’appart’hotel de Lyon où je ne suis restée que 3 jours, les tortionnaires n’ont pu déployer à l’intérieur de l’édifice.
Cette traque, bien qu’anti-constitutionnelle, nécessite donc des habilitations suivant les territoires concernés: C’est cette extrajudiciarité cloisonnée qui lui assure sa complète omerta.
D’un point de vue technique, j’ai dû me familiariser avec des terminologies barbares comme “armes à énergie dirigée”, pouvant provoquer des brûlures et douleurs physiques, mais aussi induire l' “effet Frey”, la perception par l’oreille humaine de certaines fréquences.
En effet, les capacités cognitives diffèrent d’une personne à une autre, et certaines oreilles peuvent détecter les fréquences basses et infrasoniques, émises par ces armes à énergie dirigée
Je devais surtout apprendre que parmi les lésions les plus graves, figurait l’ ASTROCYTOME, dont l’apparition passait pour endogène alors qu’elle était parfaitement exogène. Un meutre lent et discret.
7 années de terrorisme, qui ne peut être que celui d’un état ayant des moyens qui dépassent ceux des états-nations. 7 années de brimades, tortures, contrôle coercitif. 7 années de déni de droit.
Le 7 est normalement un chiffre qui me porte chance: ma date de naissance est une succession de multiple de 7. Tous mes enfants sont nés le 7éme mois, qui est aussi celui qui m’a vu naître. Mois de plénitude, insouciance et volupté qu’apporte l’été.
Mais le chiffre 7 prend ici une autre signification: c’est le nombre d’années de lutte acharnée, qui m’a permis de comprendre que, tout comme l’esclavage, l’apartheid ou la colonisation, le crime dont je fais l’objet sera jugé bien plus tard, et sans concession, par l’Histoire. Mais aujourd’hui il est couvert par une omerta institutionnelle le justifiant par des arguments qui bien plus tard seront jugés nauséabonds, mais sont pour l’heure, acceptés par lâcheté et conformisme.
Peut-être que c’est le chiffre 147 qui me sera favorable, mais je ne serai plus là pour le voir. Mes écrits seront mes témoins.
Je n’aurai jamais rien écrit que je veuille publier, sans cette torture. Je serai partie, avec ce que j’ai appris et ce qu’on m’a transmis, en le fixant dans l’oralité, comme mon père, un sage érudit, qui n’a laissé aucune autre trace sur terre, que nous ses enfants.
J’écris pour ne pas mourir d’asphyxie, noyée par toutes ces voix hostiles criblant mon esprit de balles invisibles. J’écris pour ne pas oublier ma propre voix: HEY YOU! Ta voix compte et mérite d’être entendue. Ta vie mérite d’être vécue telle que tu souhaites la mener.
HEY YOU! N’ abdique jamais ton identité et à ta liberté. Vis ce que tu as à vivre, quitte à te dresser dévêtue, au cœur d’une foule oppressante et soumise, comme tes sœurs rebelles, nées d’autres mères.
Hey you, bats toi comme si tu avais déjà gagné.
“Hey you, ça ira!”.
@EugenieLobe
@TousDroitsProtégés