J'arrive à LGA à 7h45, je paie le taxi et je rentre dans l'immense hall de l'aéroport. Il y a des employés qui sont là, pour renseigner le public alors je dis à l'un d'eux "Good morning ! My English is very bad. I do not know this airport. I have to take a plane to Cincinatti (prononcez sinsinéééééédi). Where do I have to go ?" Elle me répond en regardant ma valise rouge "Do you want to take your bag with you ?".
- "Yes, of course."
- "So go there !" et elle me montre la file de sécurité.
- "Well, I mean, in the same plane" j'ajoute.
- "Yes I guess" termine-t-elle.
Le petit malentendu venait d'apparaître et il allait prendre des proportions innimaginables.
Je vais dans la file indiquée, je scanne la réservation que Jared, mon assistant pour mon travail de sonorisateur, avait, la veille, finalisée et imprimée. J'arrive devant la "line 6" où un employé hurle "shows off, please !" en même temps qu'un autre crie "Computers pads, I-phone out !". "Use différent bags !" rajoute un troisième. Les gens sont assis par terre pour enlever leurs godasses, tiennent comme ils peuvent leur veste en enlevant leur ceinture sans lâcher leur I.D. (prononcez Aïe Diii). On sent l'énervement. Ma valise rentre tout juste dans l'un des bacs gris. "Take the bags under !" Ca crie de partout en même temps. Je ne comprends rien du tout mais je vois les autres faire et je fais de mon mieux pour le faire aussi bien et aussi vite que possible. Mes bagages, répartis sur trois bacs, avancent sur un rouleau, le premier avec mon sac à dos, le second avec ma veste, mon pull, ma ceinture et mes papiers et le troisième avec la valise rouge. Un employée noire très grosse avec des lunettes m'engueule mais toujours avec un "Sir" à la fin de la phrase. "You had to take your computer off the case, Sir !" Je lui réponds que je n'avais pas compris qu'il fallait aussi vider ma valise, qui dans mon esprit irait en soute, mais ça, je ne le dis pas parce que je ne pense pas que ce soit un problème et parce que je ne sais pas comment dire soute en anglais. Elle essaie d'ouvrir mais parce que les rebords du bac gris sont trop hauts, elle n'y parvient pas alors, la valise toujours dans le bac et les trois verrous tournés vers elle, elle aboie "Open the case, Sir !" J'essaie mais je n'y arrive pas. Je veux sortir la valise du bac, elle pose les mains dessus pour m'en empêcher. Je tourne le bac pour avoir un meilleur accès et je parviens à ouvrir deux des trois verrous. Elle répète avec toujours le même entêtement stupide "Open the case, Sir !" Les gens affluent autour de moi. Ca passe à gauche, à droite. Je dis "I have to take the case out of the bag". "You can't, Sir !" Je commence vraiment à m'énerver face à cette salope. Elle voit que je ne vais pas y parvenir mais elle ne fait absolument rien pour m'aider, pire, elle en rajoute encore avec ses ordres visiblement impraticables. Je parviens finalement à ouvrir alors, elle sort l'ordinateur et, avec ses gants, trifouille dans mes chaussettes sales pour sortir aussi la petite mixette. "No électronic devices in the case, SIR !" Elle voit ma canette de mousse à raser. "For the crash, Sir ! You can't take that with you !"
- "But, Yes I can"
- "No Sir, you can't !" Et boum elle la fout à la poubelle.
Elle voit mon Leatherman, alors, là, elle s'énerve.
- "It is a knife, Sir !!! It is a knife ! You can't take a knife with you. For the trash, Sir !"
Là, je n'en peux plus je monte le ton. "No, you can't do that.
- Yes I can Sir. You can't take a knife with you
- Yes I can. I allways do it ! I did it in Belgium
- In Belgium, maybe but not here ! You can't take a knife with you, Sir
- I think...
- You can't take a knife with you, Sir !
- There must be a kind of misunderstanding...
-"You can't take a knife with you, Sir ! You can't take a knife with you, Sir ! You can't take a knife with you, Sir ! You can't take a knife with you, Sir ! You can't take a knife with you, Sir ! You can't take a knife with you, Sir ! You can't take a knife with you, Sir !"
Ça, c'est terrible ! L'autorité est là, devant vous et refuse obstinément d'écouter quoi que ce soit. Je me sens révolté, impuissant devant le pouvoir absolu de cette salope, y'a pas d'autre mot. Elle pouvait abuser de son autorité et et à l'encontre d'un blanc en plus. Ça pouvait même paraître légitime.
- "If you don't let me say what I have to say...
- "There is nothing you could say that would change anything because you can't take a knife with you".
Pendant qu'elle parle elle chipote le Leatherman et elle en sort un deuxième et un troisième couteau avec un regard gourmand, heureuse que l'outil confirme que non seulement c'est un couteau que je ne peux pas emmener avec moi, mais deux, trois... Elle continue à chipoter, espérant en sortir un quatrième.
- "This bag has never been intented to be in cabin !"
Là, elle comprend mais ne s'avoue pas encore vaincue. "At what time is your plane, Sir". Je lui réponds que c'est à 10h40. "So you are too late ! You should have been recorded it more than two hours before the take off". Je souris une peu. Elle regarde sa montre, il est 8h15. "You will have to pay for registering your case, Sir"
- "I allready paid 35 dollars in line"
Elle appelle un gars qui tient la valise en main. Elle a tout retapé dedans n'importe comment. Je récupère une chaussette sur le comptoir.
- "Close the case, Sir !"
Il y a le vinyle que j'ai acheté à New York sous la mixette. SI je ferme comme ça, il est mort. Je lui demande si je peux prendre la valise et la poser par terre. Il me la tend. Je la pose et je range mes affaires. Je ferme et je me retourne vers la salope
"And what about my shaving case ?"
"It is too late, Sir"
Le gars m'accompagne à l'extérieur de la zone de sécurité. J'enregistre mon bagage auprès d'un homme de couleur qui fait son travail en prenant le temps nécessaire pour que je comprenne. Je peux enfin, retourner dans la file et tout recommencer mais cette fois, sans la valise rouge en main. Je sais qu'elle sera en soute, enfin, je l'espère.
Ensuite, rien de spécial à raconter jusqu'à ce que je monte dans l'avion. Un personnage de "Colombo" reste debout pour ma laisser m'installer sur mon siège. Il aurait pu être une ancienne star de cinéma, un danseur homosexuel qui tue celui qui menace de dénoncer ses inclinaisons intimes. Le gars doit avoir 65 ans, il est dégarni mais pas tant que ça et est roux. Il n'est pas souriant du tout. Je range ma veste, mon pull et mon sac à dos dans la coffre au dessus des têtes des passagers et je m'installe en le remerciant de sa patience. Il ne répond pas. L'avion est petit, 22 rangs de 2x2 sièges. Nous décollons. Il fait froid.
- "I didn't expect it would be so cold, may I ask you to stand up for me to take back my coat ?
- "Wait a moment. They should have forget to stop the cold air but the will do it."
Rien ne se passe dans les cinq minutes suivantes alors spontanément, il se lève et, en me montrant le coffre, me demande si je souhaite qu'il prenne mon pull pour moi. J'accepte.
- "Where are you from ?
- I'm from Belgium."
- Ho ! I went in Belgium, in Malines, there is there a really interesting holocaust museum."
On parle un peu. Je ne dirais pas que ce monsieur était charmant mais il était aimable. Il passera ensuite tout le vol, de deux heures, à écrire ce que je suppose être une fiction qui se passe en juin 2024 et qui tourne autour de la question juive. Il est sans doute juif lui-même.