La seule chose qui me reste dégouline d’un vieux pipeline rouillé. Ce sont mes jours restants, tous ces jours monotones, ces centaines de barils d’heures noires et visqueuses qui éclaboussent mes souliers, puis s’enfoncent dans la terre, une terre où plus rien ne pousse. Ni plus ni moins qu’un autre, je suis un paresseux sans grande imagination, alors je me réfugie sur internet en regardant des dames peu vêtues et ce faisant, je me retrouve de l’autre côté de la barrière, du côté des gens moches aux mœurs pathétiques. C’est ce que j’aurais dit d’un type comme moi, il y a quelques années.
À la gare Centrale, un matin, très tôt, vers six heures, j’attendais, assis dans le bus 71, qu’il m’emmène au travail. J’aperçus une dame qui marchait sur le trottoir. Elle était très habillée, trop habillée, du genre des dames qui portent toute leur garde-robe sur elle et le reste de leur vie aussi. Elle s’est arrêtée juste en face de moi, a soulevé sa robe et, jambes ouvertes, s’est mise à chier par terre. La pisse coulait sur ses chaussures. Je me suis souvent demandé ce qu’elle avait voulu me dire, pourquoi elle avait fait ça devant moi. C’est simplement que ma présence l’indifférait, je n’existais pas pour elle, enfoncée qu’elle était dans les sous-sols de l’humanité. Au niveau de la survie, de l’animal sauvage, elle faisait pour un mieux de là où elle était.
Je fais pour un mieux de là où je suis et le mieux que je puisse faire, c’est tuer le temps, sans emmerder personne. Alors, juste avec ma souris, je choisis « gros seins », « lingerie », « blonde » et « poilue » pour m’embarquer ensuite avec ces filles incroyables vers les USA, la France ou la Grande-Bretagne. Elles font des trucs inouïs, des trucs si excitants que durant cinq ou dix minutes, j’en oublie mon naufrage. Mais cinq ou dix minutes, même deux, trois fois par jour, ça mène où ? Où je vais comme ça ?