Alors que je criais son nom dans l’impasse derrière chez nous… derrière chez moi, guettant par-dessus les clôtures des jardins et découvrant son univers, son autre chez elle où je n’étais pas chez moi, j’aperçus Marc et sa motocyclette. Eboueur retraité et cultivateur à temps plein, il est toujours dehors et il est toujours en short, peu importe la saison. Sa mobylette écrasée par les casiers de primeurs et sa tête toujours encastrée dans son casque intégral jamais sanglé, Marc, petite fourmi infatigable, a l’esprit essentiellement pratique. Il est aussi la gazette du quartier, une gazette en débardeur trop large qui parle très fort et ne comprend pas grand-chose à ce qu'on lui dit, la faute à la gamelle sur ses oreilles et au moteur pétaradant entre ses maigres mollets.
— Salut, Marc, t’aurais pas vu ma petite chatte, Nyx ? Elle est toute noire et presque adulte.
— Hein ?
— Un chat noir ! T’aurais pas vu un chat noir ?
— Oh, merde ! C’était à toi ? Je l’ai trouvé hier matin. Je l’ai foutu dans un sac. Je comptais le mettre à la benne mercredi.
— … Je peux le voir ? »
— Hein ?
— Le voir !!! Enlève ce putain de casque et coupe cette saleté de moteur, bordel !!!!!
— Hein ? »
Tourner la clef de contact. Tirer le casque vers le haut. Le visage de Marc s’est ouvert comme un évier qui se vide. Il fallait juste enlever le bouchon.
— Tu disais quoi ?
— Je disais que j’aurais bien aimé que tu me montres où t’as mis mon chat.
— Ah oui ! Attends ! Suis-moi ! »
Ça puait les engrais chimiques dans son bric-à-brac de potager. Pendant qu’il m’a tendu un vieux sac en plastique orange et vert, j’ai espéré que ce ne serait pas Nyx. C’était elle, différente, sans la morgue que je lui avais connue. Mais quand même, sur sa petite face noire, malgré son museau figé qui laissait voir ses dents et un peu de sang, malgré la souffrance qu’on devinait, il restait un peu de sa fierté.