Nous avons connu ce temps (l’avons-nous rêvé?) où notre genre nous parut enfin devenir humain. T’en souviens-tu, mon éternelle ? Nous étions porteurs de paix, de liberté, d’égalité et, surtout, de fraternité. Nous chantions avec Joan Baez, Bob Dylan, Léo Ferré, et nous aimions écouter Jean Ferrat. Nous voulions interdire d’interdire. Nous recherchions la plage sous les pavés. T’en souviens-tu ? Tu avais des fleurs dans les cheveux, et mes cheveux tombaient sur mes épaules. Que nous étions beaux ! Que nous étions beaux ! Nous nous aimions, et toutes les femmes du monde nous étaient sœurs, et tous les hommes du monde nous étaient frères. Nous clamions, en rébellion contre le Capital, que nous ne voulions pas perdre notre vie à la gagner. Nous nous roulions paisiblement, un soir ou l’autre, un petit joint et nous refaisions le monde avec cette glorieuse et insolente formule : » Soyons réalistes, demandons l’impossible ».
La saison des fleurs est morte. Le nouveau monde est cauchemardesque, rempli de bruit et de fureur. La Bête a procréé ces monstres immondes qui détruisent, pillent, massacrent, asservissent.
Que sommes-nous donc devenus ?
Quand parfaits ingénus nous barrions l’avenue
Quand nos pavés valsaient au joli mois de mai
Nous n’avions pas prévu quelle déconvenue
Que le merle moqueur se tairait à jamais
Qui peut me dire où sont passés les Montagnards
Où sont les bâtisseurs de fières barricades
Où sont les Insurgés où sont les Communards
Où sont les Partisans où sont les Camarades ?
C’est un joli nom, Camarade
C’est un joli nom, tu sais...